J’avais annoncé, il y a déjà longtemps, dans un article illustré par le drapeau du 143e, que je parlerais des drapeaux du 145e et du 164e. Voici, plus généralement, ce que je sais des drapeaux conservés. Cet article est destiné à être enrichi, n’hésitez pas à m’envoyer des informations!
En Russie. — Il est connu qu’il y a — ou qu’il y a eu — trois drapeaux (rouges) de la Commune en Russie. L’un aurait été déposé au Mausolée de Lénine le 1er août 1924. Les deux autres sont dans la liste par bataillon ci-dessous. Je n’en sais pas plus. Ils viennent de l’étranger et ont donc peu de chances d’être mobilisés aujourd’hui pour la gloire de la Russie, mais je ne sais pas comment (et si) ils sont conservés.
Du nouveau? — Il n’est pas impossible qu’un lambeau rouge (de sang et de boue), arrivé à un ami de la Commune par un chemin on ne peut plus romanesque et invraisemblable, soit un morceau de drapeau, qui aurait été inhumé avec des fédérés près du mur du cimetière de Charonne (voir cet article des Amies et amis de la Commune). J’y reviendrai dans le dernier article de cette série.
Drapeaux civils. — J’ajoute la « cravate« , touchante dans sa simplicité, du drapeau arboré par la Commune sur la succursale du Mont-de-Piété 16 rue Bonaparte. Le drapeau a été enlevé le 24 mai. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, mais la cravate est conservée par les Archives de Paris. De même, le drapeau qui flottait depuis le 13 avril sur le clocher de l’église Saint-Leu, a été enlevé le 24 mai et se trouve aujourd’hui… au musée de Saint-Denis.
Drapeaux de bataillons. — Rangés cette fois par numéros de bataillons (avec entre parenthèses l’arrondissement du bataillon).
67 (11e). D’après un article qui raconte une histoire « assez bien connue » (sans indiquer de source), c’est un des drapeaux conservés en Russie, aux « Archives russes d’état pour l’histoire sociale et politique ». L’autre a été offert le 6 juillet 2024 au Soviet de Moscou pour être transporté le 1er août au Mausolée de Lénine (Le Siècle, 3 août 1924).
117 (9e). Ce drapeau est au Musée Carnavalet.
Double étamine rouge bordée de frange d’or portant sur chaque face l’inscription
République française
Commune de Paris
9e légion
117e bataillon
Hampe terminée par une tête de pique dorée, cravatée de rouge et surmontée d’un bonnet phrygien.
J’ai lu cette notice dans le catalogue de l’exposition de 1935 à Saint-Denis 1935. C’est sans doute ce drapeau que le peintre Henri Walter a représenté sur son aquarelle consacrée à cette exposition (il figure en p.81 du catalogue de l’exposition Insurgé.es !)
143 (10e). Je ne sais rien de ce drapeau, sinon qu’il a été conservé, apparemment par la famille Rochebrun, et remis au musée de Saint-Denis en 1983 (selon Marcel Cerf). Il est le plus reproduit (notamment sur la couverture de Comme une rivière bleue) et a été très bien exposé lors de l’exposition Insurgé.es ! Voir aussi cet article).
145 (3e). Son drapeau est conquis, sans doute à la fin de la Semaine sanglante, par le « Régiment étranger » auquel appartenait le capitaine Cérésole (qui l’a ramené dans son pays, la Suisse, où il est conservé aux archives cantonales vaudoises) (Voir l’article de Marianne Enkel).
147 (19e). C’est un drapeau tricolore. Il a été conservé par la famille de l’officier qui l’a conquis, dont le petit-fils l’a donné au Musée de l’armée.
Il est entré dans les collections en 1950 par voie de don. Il a été donné par le chef de bataillon Borins, petit-fils du général de division Louis Lanes. Il aurait été pris par le 30e bataillon de chasseurs à pied, sous le commandement du chef de bataillon Lanes, à l’assaut du Pont de Neuilly le 7 avril 1871. Cette information est celle de la tradition familiale,
m’a écrit M. Ronan Trucas, Chargé des collections symboliques, Département du XIXe siècle et de la Symbolique dans ce musée. Je trouve cette information, non seulement très précise, mais aussi très vraisemblable.
164 (19e). Les amis de la Commune ont une copie de ce drapeau (facile à reproduire à partir du descriptif paru dans la presse, que j’ai citée dans l’article précédent), qui serait, selon les uns, à la bibliothèque Feltrinelli (à Milan), selon d’autres dans la commune d’Urupia (dans les Pouilles) — à moins que deux drapeaux de ce bataillon aient été conservés et se trouvent tous les deux en Italie, ou alors que les deux soient des copies. Là aussi, il y a la légende d’un acheteur qui acquiert une commode dans une brocante pour ne pas attirer l’attention sur le drapeau qu’il a vu dans un tiroir.
220 (18e). Celui-là serait à Moscou, dans les archives du musée des forces armées, après des tribulations très romanesques elles aussi (il aurait été trouvé par l’armée soviétique dans une Kommandantur de la Gestapo en Silésie, il était même taché de sang, dit-on). Peut-être avait-il été emmené en Pologne par un communard ou quelqu’un de ses descendants ? Voir cet article des Amies et amis de la Commune.
269 (19e). Ce bataillon est celui des Tirailleurs de la Marseillaise. Le drapeau est conservé au Musée de l’histoire vivant de Montreuil. Il fait la couverture de cet article, alors je ne le décris pas!
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Je remercie très vivement Véronique Fau-Vincenti, du Musée de l’histoire vivante de Montreuil pour les informations qu’elle m’a données et l’image du drapeau des Tirailleurs de la Marseillaise, Ronan Trucas, du Musée de l’armée, pour les informations sur… un des derniers drapeaux tricolores de la Commune, et tous les amis historiens avec qui j’ai évoqué ces histoires, notamment Pierre-Henri Zaidman et Laure Godineau.