Pendant le siège, Alexis Trinquet est garde national au 174e (et non pas au 147e, qui est un bataillon du 19e arrondissement, comme on le lit dans le Maitron en ligne, qui a corrigé quelques-unes des erreurs de l’article de 1959 de Jean Maitron dont il est issu et en a, rituellement, ajouté de nouvelles — celle-ci est toujours là au moment où paraît le présent article). Il y a le grade de sergent-major, dans une compagnie de marche (la septième, selon un rapport de police), comme il l’a dit lui-même au cours de son interrogatoire par le conseil de guerre en août 1871. C’est un des cinq bataillons (63e, 172e, 173e, 174e et 240e) qui se rangent, sous le commandement de Gustave Flourens, sur la place de l’Hôtel-de-Ville le 5 octobre 1870 pour réclamer des chassepots, la levée en masse et l’élection d’une assemblée municipale — refus formel et complet, à la suite duquel Flourens démissionne et les bataillons rentrent dans le vingtième arrondissement, « fort irrités », dit Flourens.
Un rapport de police tardif le signale comme « un des organisateurs des émeutes des 31 octobre 1870 et 22 janvier 1871 », mais cela semble peu crédible. Selon un autre rapport policier, il n’a « marché » le 31 octobre que comme garde national, et dit n’être pas sorti le 22 janvier.
Son bataillon est un de ceux qui manifestent place de la Bastille le 26 février 1871.
Il est élu à la Commune par le vingtième arrondissement, aux élections complémentaires du 16 avril, par 6771 voix (sur 28 000 inscrits), ce qui est beaucoup plus que le huitième des inscrits mais ne peut faire oublier qu’il y avait environ 15 000 votants le 26 mars. Il est, dès lors, à la Sûreté générale, avec Vermorel, Cournet, Ferré et Anthime Dupont. Il intervient peu aux réunions de la Commune, mais on le voit proposer, le 24 avril, la réquisition des logements abandonnés au profit des habitants des quartiers bombardés, et il demande, le 25 avril, lors d’une discussion sur le Mont-de-Piété, que les outils engagés soient rendus « à nos frères les ouvriers ». Comme les blanquistes, dont sans doute il est proche, il vote, le 1er mai, pour l’instauration d’un comité de salut public.
Il joue tous les (nombreux) rôles de membre de la Commune. En particulier, il se rend avec Vermorel au fort d’Issy, dans le désarroi du service des munitions, comme Vermorel l’a raconté quelque temps plus tard (le 21 mai, au cours de la dernière séance de la Commune). Localement, c’est-à-dire dans l’arrondissement dont il est élu, on le voit perquisitionner l’église Notre-Dame de la Croix (celle de Ménilmontant), qui sert de club depuis le 17 avril. Je dis « on le voit », mais c’est le conseil de guerre qui l’en accuse, un peu plus tard, au mois d’août, il est vrai qu’il y a eu des lettres de dénonciation.
Vous avez ordonné même des perquisitions dans des églises.
— On disait qu’il y avait des vivres cachés dans cette église.
— C’est bien invraisemblable.
Mais nous sommes toujours au temps de la Commune. Il célèbre des mariages. C’est même lui qui célèbre tous les mariages dans l’arrondissement, à partir du 19 avril : vingt mariages — les deux derniers le 20 mai.
J’ajoute ici quelques informations, que j’ai apprises de source policière, fournies par un « témoin » au conseil de guerre, sur ses adresses. Au conditionnel, donc. Le 18 mars, il habitait 104 rue des Rigoles où il occupait depuis 12 ans (depuis 1859, donc), prétend savoir cet informateur, un logement de 250 fr annuel. La propriétaire de l’immeuble était une « veuve Garçon ». Alexis Trinquet aurait déménagé le 12 mai, grâce au décret de la Commune sur les loyers — il devait, dit l’informateur, quatre termes à la veuve Garçon — pour le 22 rue Vincent où il serait resté 15 jours, ce qui nous amène à la fin de la Semaine sanglante. Partant de la rue Vincent, sa femme aurait alors loué un appartement sous le nom de veuve Dépernet au 48 rue de la Réunion (elle aurait payé le terme en juillet). Et ce n’est pas tout, il y a encore la rue du Retrait…
Mais nous en étions à deux mariages le 20 mai. Ensuite, eh bien, il est sur les barricades — si, si — pendant la Semaine sanglante et même dirige, avec Ranvier, la fin de la lutte à la mairie du vingtième.
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Sur l’image de couverture, la signature d’Alexis Trinquet au bas de l’acte du dernier mariage célébré par la Commune dans le vingtième arrondissement, c’était le samedi 20 mai à 11 heures du matin, un chauffeur de 71 ans épousait une journalière de 34 ans. L’acte a été bâtonné (voir cet article en cas de besoin). L’image vient bien sûr des archives de Paris.
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Parmi mes sources, les rapports de police viennent… des archives de la préfecture de police et précisément du dossier B a 1288.
Livres cités
Troisième conseil de guerre, Procès des membres de la Commune, Versailles (1871).
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).