Un plumitif versaillais déjà cité n’aime pas beaucoup (n’aime pas non plus) Charles Longuet,

c’était un chef d’école sans auditeurs, un journaliste sans journal (on lui avait arraché l’Officiel après un premier numéro) […]

Bêtise absolue. Charles Longuet a été « délégué » au JO, depuis (environ) le 20 mars, jusqu’au (exactement) 13 mai.

Charles Longuet était journaliste, il avait été journaliste sous Napoléon III, créant les journaux Les École de France et La Rive gauche, et même condamné pour ça, après la publication par ce dernier journal des « Propos de Labiénus », un article très satirique d’Auguste Rogeard contre l’empereur. Il avait dû s’exiler en Belgique, puis en Angleterre. Il était devenu membre de l’Association internationale des travailleurs.

À quelle date il est devenu délégué au JO, je ne sais pas exactement.

Depuis le 18 mars, dit Benoît Malon. Mais le Comité central n’a occupé le JO que le 19 mars. Qui était quai Voltaire ce jour-là, avec des bataillons de la Garde nationale? Vésinier? Lebeau? Longuet?

Longuet lui-même a dit qu’il venait d’être délégué lorsque le JO reçut la note du Comité central sur l’exécution des généraux. Il serait alors là au moins depuis le 20 mars. Ainsi, il serait bien l’auteur de l’éditorial « socialiste » du 21 mars, que plusieurs historiens lui attribuent, que Marx cite comme un manifeste du Comité central, que vous pouvez lire intégralement ici, et dont voici les derniers paragraphes.

Si depuis le 4 septembre dernier la classe gouvernante avait laissé un libre cours aux aspirations et aux besoins du peuple; si elle avait accordé franchement aux travailleurs le droit commun, l’exercice de toutes les libertés, si elle leur avait permis de développer toutes leurs facultés, d’exercer tous leurs droits et de satisfaire leurs besoins; si elle n’avait pas préféré la ruine de la patrie au triomphe certain de la République en Europe, nous n’en serions pas où nous en sommes et nos désastres eussent été évités.

Le prolétariat, en face de la menace permanente de ses droits, de la négation absolue de ses légitimes aspirations, de la ruine de la patrie et de toutes ses espérances, a compris qu’il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées et d’en assurer le triomphe en s’emparant du pouvoir.

C’est pourquoi il a répondu par la révolution aux provocations insensées et criminelles d’un gouvernement aveugle et coupable, qui n’a pas craint de déchaîner la guerre civile en présence de l’invasion et de l’occupation étrangères.

Que les quelques gouttes de sans versé, toujours regrettables, retombent sur la tête des provocateurs de la guerre civile et des ennemis du peuple, qui, depuis près d’un demi-siècle, ont été les auteurs de toutes nos luttes intestines et de toutes nos ruines nationales.

Le cours du progrès, un instant interrompu, reprendra sa marche, et le prolétariat accomplira, malgré tout, son émancipation!

Le délégué au Journal Officiel

Il est certain que, le vendredi 24, Charles Longuet avait officiellement le titre de « délégué rédacteur en chef ». Il y eut certainement des disputes. Avec Lebeau, notamment, qui disparut du quai Voltaire, non sans avoir fait un peu de vagues, montrant ainsi, comme l’écrivit un autre journal, qu’il était « aussi méconnu que dégommé ».

Vésinier, pas très loin, attendait son heure. Mais il ne réussirait à obtenir la place de Longuet que le 13 mai.

Pour en savoir plus sur le Journal Officiel, voir notre article.

(à suivre)

Livre cité

Audebrand (Philibert)Histoire intime de la Révolution du 18 mars, Dentu (1871).