Le troisième arrondissement commence, pour moi, place de la République, du côté de la rue du Temple, précisément

À la toile d’avion…

Sauf que ça n’existe plus. Les enseignes changent. C’était, quand j’étais plus jeune et que je venais là les jours de manifestations, le point de rencontre. Rendez-vous à la toile d’avion… Autres temps, mêmes lieux?

Je prends la rue du Temple.

La dénomination des rues est l’occasion pour les conseils municipaux de montrer leur humour (?).

Comme lorsque « d’Enfer » est devenu « Denfert » (Rochereau).

Comme ici sans doute ou l’on a nommé la place, au métro Temple, non loin de l’église Sainte-Elisabeth, de la rue Sainte-Elisabeth et du passage Sainte-Elisabeth, place Elisabeth-Dmitrieff. J’ai fait une photographie de la plaque.

PlaceEDmitrieff

Place Elisabeth-Dmitrieff, 1851–1918, militante féministe, cofondatrice de l’Union des femmes pour la défense de Paris (1871).

« Féministe » est un anachronisme.

En plus, il sous-entend que, si une femme est militante, c’est qu’elle (n’)est (que) féministe. Mais, celle-là était internationaliste!

Et d’ailleurs, la défense de Paris contre quoi? contre qui? Non, le mot « Commune » n’est pas sur la plaque.

Je ne sais pas pourquoi on a choisi ce lieu pour lui donner ce nom. Peut-être parce que la première réunion de ce qui est devenu l’Union des femmes s’est tenue à la mairie du troisième? Parce qu’il y a eu un club dans l’église Elisabeth?

Ou alors parce que la plupart des réunions de l’Association internationale des travailleurs se tenaient à proximité?

D’abord 44 rue des Gravilliers, où s’ouvrit, le 8 janvier 1865, le premier bureau de cette association. La section fut dissoute en 1868.

Elle se reconstitua et son nouveau siège, brièvement, se trouva, à quelques dizaines de mètres de là, 19 rue du Chapon.

Mais les locaux étaient trop petits.  Elle emménagea enfin, en 1869, 6 rue de la Corderie-du-Temple (la façade aux quatorze fenêtres porte aujourd’hui le numéro 14). Les associations ouvrières et l’Internationale y avaient loué un local au troisième étage.

Elles y siégèrent, en permanence, à partir du 4 septembre 1870. Ici s’est formé le Comité des Vingt arrondissements, chaque arrondissement représenté par quatre délégués — quatre-vingts pauvres descendus de quatre-vingts taudis. Ici a été décidée l’écriture du texte de l’affiche rouge. Je renvoie à l’article sur cette affiche où se trouve aussi une description du local.

Quand il « se passait quelque chose », on allait s’informer à la Corderie.

Une dernière fois, le 20 mai 1871 à une heure, s’y tint une réunion du conseil parisien de l’AIT. Les membres de la Commune qui font partie de l’association étaient invités à venir s’expliquer sur ce qu’ils faisaient à l’Hôtel de Ville et en particulier sur la scission qui s’était produite au sein de l’assemblée de la Commune. Dont, bien sûr, il sera question dans un prochain article.

La rue de la Corderie, encaissée, tout humide, où ne vivaient que des pauvres, où voisinaient de nombreux ateliers artisanaux, est devenue un endroit charmant, comme les alentours de la mairie du troisième arrondissement sont charmants. Les habitants de la rue de la Corderie ont engagé une grande lutte populaire et militante contre les terrasses de café. Je doute que ce soit le passé révolutionnaire des lieux (qu’aucune plaque ne signale, je crois) qui les inspire.

Livre utilisé

Braire (Jean), Sur les traces des communards, Paris, Les Amis de la Commune (1988).