Dans Paris en ruines d’Éric Fournier, on lit:

Ainsi, le dimanche 20 mai, à la veille de la bataille de Paris, un grand concert gratuit est offert au peuple parisien aux Tuileries.

C’est le 21 mai qui était un dimanche (et ce concert était payant — de 50 centimes pour presque toutes les places à 2 francs sur la Terrasse des Tuileries)… Il y a une confusion entre le concert du dimanche après-midi dans les jardins des Tuileries et les deux concerts dans le palais lui-même, les soirs des 6 et 11 mai. Le concert du dimanche 21 mai devait se tenir place de la Concorde, mais les obus versaillais tombaient jusqu’au Palais de l’Industrie (voir le plan en tête de cet article, toujours un extrait du beau plan décrit dans un article précédent), beaucoup trop près.

Des concerts des 6 et 11 mai je reparlerai peut-être. Mais le concert du 21 mai est un passage obligé… depuis le tout premier livre de Lissagaray, paru dès 1871, dont le premier chapitre commence ainsi:

Le dimanche 21 mai, à deux heures de l’après-midi, plus de huit mille personnes assistaient au concert donné dans le jardin des Tuileries au profit des veuves et des orphelins de la Commune. Ce concert, annoncé depuis plusieurs jours, devait avoir lieu place de la Concorde; mais le samedi soir, on avait jugé prudent de ne pas exposer l’auditoire aux obus versaillais qui dépassaient de beaucoup le rond-point des Champs-Élysées.

Les femmes en grande toilette remplissaient les allées. Le ciel était radieux. Au-dessus de l’Arc-de-Triomphe voltigeaient les panaches de fumée des boîtes à mitraille. Les obus faisaient rage à moins de cinq cents mètres, sans que le public, tout entier à l’excellente musique de la garde nationale, daignât le moins du monde s’en émouvoir.

À quatre heures et demie, le lieutenant-colonel d’état major X monta sur l’estrade, d’où le chef d’orchestre dirigeait ses treize cents musiciens, et dit textuellement:

« Citoyens, M. Thiers avait promis d’entrer hier à Paris. M. Thiers n’est pas entré; il n’entrera pas. Je vous convie pour dimanche prochain 28, ici, à la même place, à notre second concert au profit des veuves et des orphelins. »

À cette heure, quatre heures et demie, l’avant-garde des Versaillais entrait par la porte de Saint-Cloud.

Qu’ajouter?

Appeler ça un procédé littéraire?

Non. L’entrée des Versaillais dans Paris est inséparable du concert. Le concert, c’est la vie.

Donc, les historiens et les écrivains parlent du concert.

C’est ce que fait, lui aussi, Jean Cassou, dans son roman Les Massacres de Paris. Où il raconte:

Quand le concert fut terminé, Pasdeloup se retourna, salua comme font les chefs d’orchestre…

C’est un chef dénommé Delaporte qui a dirigé le concert. Les musiciens étaient ceux de la Garde nationale, parmi lesquels il y avait certainement des musiciens professionnels, mais ce n’était pas l’orchestre des concerts Pasdeloup.

Sauf erreur de ma part, Jules Pasdeloup, qui avait dirigé des concerts au profit des canons pendant le siège, n’a dirigé aucun concert à Paris pendant la Commune.

(à suivre)

Livres cités

Fournier (Éric)Paris en ruines Du Paris Haussmannien au Paris communard, Imago (2008).

Lissagaray (Prosper-Olivier), Les huit journées de mai derrière les barricades, Bureau du Petit Journal, Bruxelles (1871).

Cassou (Jean), Les Massacres de Paris, Gallimard (1935).