Après l’histoire des neuf ambulancières à laquelle les historiens modernes ont attaché peu d’importance (c’est un euphémisme), quelques autres idées reçues sur les femmes, dans l’actualité de mai  1871.

Dans le livre La Commune de Paris aujourd’hui (dont j’ai déjà cité une ânerie dans un autre article), c’est une femme, Sylvie Jan, qui parle des femmes — spécialisation assez courante —

Les communardes Marie [sic] Verdure et Élie Ducoudray rédigent un mémoire [sur les crèches]. Elles préconisent également […]. Elles demandent […].

Le mémoire en question est signé de Maria Verdure, Élie Ducoudray et Félix Ducoudray. Il est paru en deux livraisons dans le Journal Officiel, les 15 et 17 mai.

Ne le cherchez pas dans la « réimpression », il n’y est pas (non, non, je l’ai déjà dit plusieurs fois, cette « réimpression » n’en est pas une! voyez cet article).

Élie Ducoudray était un homme. Sans doute était-il impossible de croire que Félix était un prénom féminin, et peut-être ceci est-il est la raison pour laquelle le troisième auteur de ce mémoire a disparu de ce que raconte Mme Jan (en supposant qu’elle a vu le texte en question, bien sûr).

Peut-être les communards étaient-ils plus ouverts que les gens de cet « aujourd’hui » et ne croyaient-ils pas que l’éducation des jeunes enfants n’est qu’une affaire de femmes!
D’ailleurs, c’est un homme, le président d’alors de l’Association des amis de la Commune, qui, dans ce même livre (« aujourd’hui » = alors = 1999), affirme:

Les femmes obtiennent à travail égal salaire égal.

J’ai vu ce principe affiché pour les institutrices et instituteurs (tout à la fin de la Commune, au moment où les Versaillais entraient dans Paris). Mais les autres? Eh bien, par exemple, comme on s’en aperçoit en lisant ce qui se disait au club des Prolétaires, les femmes employées aux fourneaux municipaux du onzième arrondissement gagnaient deux fois moins que leurs collègues hommes.

En parlant des institutrices…
La commission nommée

sur la réforme des écoles de filles […] en chargea André Léo, Anna Jaclard et Élie Reclus,

a écrit Roger Bellet dans sa biographie de Jules Vallès. Il n’y a pas de doute qu’il savait qu’André Léo était une femme et Élie Reclus un homme. Ce n’est pas Élie Reclus (qui dirigeait la Bibliothèque nationale) mais bien une citoyenne, Noémi Reclus (cousine et épouse d’Élie Reclus, aussi  cousine et belle-sœur d’Élisée Reclus, toujours prisonnier — quelle famille! — et, à part toutes ces relations avec ces grands hommes, une professeure de qualité), qui fut nommée dans cette commission… presque au moment où les Versaillais entraient dans Paris. Cette fois, même les lecteurs de la « réimpression » trouveront l’information (avec une coquille, le vrai Journal Officiel était un journal bien corrigé, contrairement à sa contrefaçon):

Le délégué de la Commune à l’enseignement

ARRÊTE:

Une commission est instituée pour organiser et surveiller l’enseignement dans les écoles de filles.

Elle est composée des citoyennes André Léo, Jaclard, Périer, Reclus, Sapia.

Le membre de la Commune, délégué à l’enseignement,

E. VAILLANT

Cette information est parue dans le Journal Officiel du 22 mai. Elle n’est pas datée, mais la réunion instituant cette commission s’est tenue, « chez Vaillant », c’est-à-dire au ministère, le dimanche 21 mai à midi — quelques heures avant l’entrée des Versaillais dans Paris. Nous avons déjà rencontré sur ce site l’écrivaine et journaliste André Léo (notamment à propos du journal La Sociale). Nous avons assisté au mariage d’Anna Jaclard. Je ne sais rien de la citoyenne Périer (peut-être Isaure Périer, aussi connue plus tard comme Madame Aristide Rey, me suggère Jean-Pierre Bonnet en lisant cet article). Je viens de dire deux mots de Noémi Reclus. Quant à Anna Sapia, elle était, entre autres choses, la veuve de Théodore Sapia, commandant le 146e et tué le 22 janvier devant l’Hôtel de Ville.

(à suivre)

Merci encore une fois à Jean-Pierre Bonnet, cette fois pour m’avoir déniché la rare photographie de Noémi Reclus que j’ai placée en tête de cet article, merci aussi à Christophe Brun pour cette image, qui a été publiée par Danièle Povain dans le Bulletin des Amis de Sainte Foy et de  sa région en 2004.

Livres cités

Zwirn (Jacques) (sous la direction de), La Commune de Paris aujourd’hui, Éditions ouvrières (1999).

Dalotel (Alain)Le Club des prolétaires, mai 1871, Le Peuple prend la parole (1978).

Bellet (Roger), Jules Vallès, Fayard (1995).

Vuillaume (Maxime)Mes Cahiers rouges Souvenirs de la Commune (avec un index de Maxime Jourdan), La Découverte (2011).