Voici la suite du cahier de Theisz. Comme dans l’article précédent, le texte brut d’abord, puis le même avec explications, ce qui est à Theisz est en noir, ce qui est mes commentaires est en bleu. Voir au besoin la biographie d’Albert Theisz.

Le mercredi à l’Hôtel de Ville. Je vais à l’Hôtel de Ville. Pindy m’annonce qu’il y a eu une séance où l’on a décidé que l’on mettrait le feu à l’Hôtel (7 h.) et que l’on se rendra au 11e. Au 11e la femme Lachaise me raconte l’arrestation de Beaufort. Elle l’a bousculé et lui a dit Ah! gredin, tu voulais faire massacrer le bataillon. Elle a cependant essayé de le sauver. Le mercredi je vais avec Delescluze au Château d’Eau, boulevard Magenta, place de la Bastille. Après midi Delescluze encourageait les hommes. Un artilleur ivre le menaçait de son revolver, il a été arrêté. J’apprends par hasard l’exécution des otages. (Le mardi un homme arrêté près de l’Hôtel de Ville a frappé de sa hache deux gardes. Il a été fusillé et est mort bravement.) (Vaillant colonel, fusillé pour avoir arrêté Dombrowski).

Le mercredi à l’Hôtel de Ville. Je vais à l’Hôtel de Ville. Pindy [Jean-Louis Pindy, élu du troisième arrondissement, était gouverneur de l’Hôtel de Ville] m’annonce qu’il y a eu une séance [du Comité de Salut public?] où l’on a décidé que l’on mettrait le feu à l’Hôtel (7 h.) et que l’on se rendra au 11e [abréviation pour la mairie du onzième, place Voltaire].

Au 11e la femme Lachaise [Marguerite Lachaise était cantinière au 66e, un bataillon du quartier, elle avait eu une conduite héroïque sur le champ de bataille] me raconte l’arrestation de Beaufort. Elle l’a bousculé et lui a dit Ah! gredin, tu voulais faire massacrer le bataillon.
Elle a cependant essayé de le sauver [une des histoires sombres de ces derniers jours de la Commune, Beaufort, capitaine communard, s’était énervé contre un bataillon, qu’il avait menacé de « purger »… et le bataillon s’était fait massacrer à la Madeleine — dans cette folle ambiance de massacres, reconnu rue Sedaine il fut accusé d’avoir fait massacrer le bataillon, par la cantinière Lachaise notamment et il est, disons, lynché, malgré les efforts de Delescluze pour le faire juger — en effet la cantinière essaya, mais il était trop tard, de le sauver].

[La chronologie de ce mercredi matin n’est pas très claire: réunion à l’Hôtel de Ville, incendie à 7h, évacuation vers le onzième, où il y aurait une réunion de la Commune à dix heures, l’exécution de Beaufort suivrait. Si on en croit Vuillaume, celle-ci aurait lieu vers 14 heures. Apparemment, Theisz arrive après et ne participe donc pas à la réunion de la Commune (mais Delescluze si). La tournée qu’il raconte ensuite aurait donc lieu le mercredi après-midi, après l’exécution de Beaufort. Sauf que… on pourrait insérer une information contenue par le livre de Laurent sur la poste: le mercredi 24 mai, entre 3 et 4 heures du soir, Theisz aurait été sur les marches de la mairie du douzième, avec Philippe, exhortant les employés des chemins de fer à construire des barricades — la source est le dossier Theisz aux Archives nationales]

Le mercredi je vais avec Delescluze au Château d’Eau, boulevard Magenta, place de la Bastille. [Delescluze, qui est le délégué à la Guerre, fait le tour des défenses et des troupes de ce qui reste de Paris communard] Après midi Delescluze encourageait les hommes. Un artilleur ivre le menaçait de son revolver, il a été arrêté. J’apprends par hasard l’exécution des otages [exécution des otages, et notamment de l’archevêque Darboy, à la prison de la Roquette, proche — Vuillaume (dans Mes cahiers rouges, p.90) confirme: « Sur le seuil de la mairie se tenaient à ce moment plusieurs membres de la Commune, Vermorel qui devait être grièvement blessé le lendemain, Jourde, Theisz, Avrial. — Eh bien, c’est fait, leur dit Genton, en s’approchant. Nous venons de fusiller l’archevêque. » Comme le montre Vuillaume, cette exécution eut lieu vers huit heures du soir].

(Le mardi un homme [le manuscrit porte he que Scheler a lu 4e et qu’il a transcrit « quatrième »] arrêté près de l’Hôtel de Ville a frappé de sa hache deux gardes. Il a été fusillé et est mort bravement [il ne s’agit pas vraiment d’un otage mais plutôt d’un espion — sans doute celui dont parle Lissagaray (édition de 1896, appendice 19): « au moment où les bagages de la Guerre arrivaient à l’Hôtel de Ville, dans l’avenue Victoria, deux gardes porteurs d’une caisse furent assaillis à coups de hache par un individu vêtu d’une blouse et coiffé d’un béret. L’un des fédérés tomba mort. […] Le commissaire de police de l’Hôtel de Ville trouva sur ce furieux des papiers et un livret attestant qu’il avait servi dans les sergents de ville. »]). (Vaillant colonel, fusillé pour avoir arrêté Dombrowski [Vaillant n’est pas ici un adjectif mais un nom propre. Lissagaray: « Un commandant appelé Vaillant, qui fut le lendemain fusillé comme traître, avait ameuté ses hommes contre le général »]).

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Livres et articles utilisés

Scheler (Lucien)Albert Theisz et Jules Vallès, Europe 499-500 (Novembre-décembre 1970), p. 264-272.

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Vuillaume (Maxime)Mes Cahiers rouges Souvenirs de la Commune (avec un index de Maxime Jourdan), La Découverte (2011).