Comme dans les articles consacrés à ses notes sur les 22 et 23 et sur le 24 mai, voici le texte de Theisz seul d’abord, puis avec mes commentaires, clairement séparés (noir pour lui et bleu pour moi). On trouve des informations sur le cahier de Theisz ici et sur sa vie là.

Jeudi Theisz (Jourde) Serailler Johannard vont à la barricade du pont d’Austerlitz. Les Versaillais occupent le Chemin de fer d’Orléans (3 heures). Jourde nous quitte en route avec un maréchal des logis d’artillerie.
Nous allons à la Bastille où l’on voit Varlin dirigeant la défense. Les lignards étaient à la hauteur du temple protestant. Ils occupent aussi les petites maisons le long du canal. Un grand nombre d’obus communistes ratent le Grenier d’abondance. Varlin avait établi un observatoire dans la maison qui fait le coin du faubourg Antoine et du B. Rich. Lenoir. On a tué beaucoup de monde à cet endroit en Juin 48. Revenu au 11e, je vois Eudes auquel on vient demander des hommes pour soutenir le cirque Napoléon. Au même instant arrivent Vermorel et Jaclard revenant de l’enterrement de Dombrowski. Ils étaient harassés de fatigue. Ils cherchent à prendre un bain pour se reposer. Eudes a beaucoup de peine à rassembler les hommes pour les envoyer au cirque se mettant à leur tête. Nous descendons au cirque. Arrivé à Bataclan je rencontre Vermorel, Jaclard et Lisbonne qui nous apprend que la barricade du Château d’Eau était abandonnée. Il y avait autour de nous 20 Gardes nationaux. Un garde dit qu’il faut occuper la barricade du Château d’eau. Nous partons tous.

Jeudi [Theisz et son frère Frédéric, que nous allons voir apparaître un peu plus tard dans le texte, ainsi qu’Édouard Roullier, dont il n’est pas question dans le texte de Theisz, ont passé la nuit de mercredi à jeudi dans la fabrique d’appareils à gaz du beau-frère d’Ernest Moullé, 19 rue des Trois-Couronnes (c’est du moins ce que Moullé a dit à Vuillaume)] Theisz (Jourde) [Francis Jourde, délégué aux finances, élu du cinquième] Serailler Johannard [Auguste Serraillier et Jules Johannard, tous deux de l’Internationale, élus par le deuxième le 16 avril] vont à la barricade du pont d’Austerlitz.

Les Versaillais occupent le Chemin de fer d’Orléans (3 heures) [et ainsi toute la rive gauche]. Jourde nous quitte en route avec un maréchal des logis d’artillerie.

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Nous allons à la Bastille où l’on voit Varlin dirigeant la défense. Les lignards étaient à la hauteur du temple protestant [le seul temple protestant dans les parages de la Bastille en ce temps-là était le Temple du Marais, 17 rue Saint-Antoine — voir le plan et l’image de couverture]. Ils occupent aussi les petites maisons le long du canal [le canal, c’est forcément le bassin de l’Arsenal — de la Bastille au boulevard Voltaire, le canal est couvert depuis Haussmann — ici, le long du canal, c’est sans doute le boulevard Bourdon (et pas encore sur l’autre rive, si l’armée versaillaise n’a pas encore passé le pont d’Austerlitz)]. Un grand nombre d’obus communistes [seul adjectif dérivé de « commune » employé dans le texte; encore courant à l’époque, et d’ailleurs le seul à ne pas être grammaticalement péjoratif — d’ailleurs une des rares occurrences de ce mot dans le livre de Lissagaray se trouve précisément dans l’appendice sur le service des postes rédigé par Theisz] ratent le Grenier d’abondance [le long du bassin de l’Arsenal, côté boulevard Bourdon, voir le plan].

Varlin avait établi un observatoire dans la maison qui fait le coin du faubourg Antoine [toponymie anticléricale courante à l’époque] et du B. Rich. Lenoir [boulevard Richard-Lenoir]. On a tué beaucoup de monde à cet endroit en Juin 48. Revenu au 11e [mairie], je vois Eudes auquel on vient demander des hommes pour soutenir le cirque Napoléon [notre cirque d’hiver — dont le nom officiel était alors « cirque national »]. Au même instant arrivent Vermorel et Jaclard revenant de l’enterrement de Dombrowski [au Père-Lachaise, où Vermorel a prononcé l’oraison funèbre, qui fut aussi celle de la Commune, voir toujours Lissagaray]. Ils étaient harassés de fatigue. Ils cherchent à prendre un bain pour se reposer. Eudes a beaucoup de peine à rassembler les hommes pour les envoyer au cirque [en] se mettant à leur tête.

Nous [qui regroupe ce « nous »?] descendons au cirque. Arrivé à Bataclan [ils vont de la mairie à Bataclan par le boulevard Voltaire, le cirque est juste derrière le café-concert; il y avait une barricade sur le boulevard Voltaire au niveau du Bataclan] je rencontre Vermorel, Jaclard et Lisbonne qui nous apprend que la barricade du Château d’Eau était abandonnée. Il y avait autour de nous 20 Gardes nationaux. Un garde dit qu’il faut occuper la barricade du Château d’eau. Nous partons tous.

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Livres et articles utilisés

Scheler (Lucien)Albert Theisz et Jules Vallès, Europe 499-500 (Novembre-décembre 1970), p. 264-272.

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Vuillaume (Maxime)Mes Cahiers rouges Souvenirs de la Commune (avec un index de Maxime Jourdan), La Découverte (2011).