• Albert Theisz est né le 12 février 1839 à Boulogne-sur-Mer. Voici son acte de naissance.

ActeNaissanceTheisz

  • Il y eut onze enfants Theisz. Ils étaient six à Paris dans les années 1860,
    • Charles, ébéniste, né en 1821,
    • Félix, né en 1829, blessé sur une barricade à Neuilly le 18 avril et mort à l’ambulance du corps législatif le 7 mai,
    • Marie Angélina Lanaux, née en 1833,
    • Caroline Husset, née en 1835,
    • Albert, ouvrier bronzier (le nôtre), né en 1839,
    • et Frédéric, mécanicien, né en 1842.
  • Albert Theisz était ouvrier bronzier (ciseleur). Installé à son compte à Montmartre (dit le Maitron).
  • Il fut un des organisateurs de la grande grève des bronziers parisiens en février-mars 1867 (avec, autre communard connu, Zéphirin Camélinat, qui dirigea la Monnaie pendant la Commune).
  • Il était membre de l’Internationale, un des fondateurs et le secrétaire de la Chambre fédérale des Sociétés ouvrières parisiennes. Il fut délégué des bronziers au Congrès de l’AIT à Bruxelles en 1868.
  • Poursuivi pour ses activités internationalistes, il est intervenu pour défendre collectivement (lui et) ses co-accusés des Chambres syndicales en correctionnelle, au troisième procès de l’Internationale en juin-juillet 1870. Il a donc écrit et prononcé une remarquable plaidoirie (un discours) devant un tribunal.
  • Il était devant le Palais-Bourbon avec Vallès et Avrial le jour de la déclaration de guerre (15 juillet 1870) (selon L’Insurgé).
  • Emprisonné à Beauvais en août 1870, il est libéré en septembre par la proclamation de la République.
  • Il est garde national au 152e, un bataillon du dix-huitième, où il habite (à la Chapelle, rue Jessaint, 12).
  • Membre du Comité central des Vingt arrondissements, il est un des cent quarante signataires de l’Affiche rouge de janvier 1871.
  • Il est candidat socialiste aux élections à l’Assemblée nationale du 8 février 1870, mais pas élu.
  • Il est élu à la Commune le 26 mars 1871 (par deux arrondissements, le douzième et le dix-huitième). Il choisit le douzième, peut-être (pure spéculation de ma part) parce qu’il y a assez de « bons » dans le dix-huitième.
  • Il demande la publicité des séances de la Commune: « Toujours il faut être responsable », argumente-t-il.
  • Il s’occupe avec efficacité de rétablir le service de la poste à l’intérieur de Paris (à l’extérieur, tout est bloqué par Thiers). Et il instaure un comité assez socialiste dans son administration.
  • Il vote contre le Comité de Salut public et signe le manifeste de la minorité.
  • Il se bat jusqu’au bout, avec (au moins) un de ses frères, Frédéric.
  • Des bruits courent, selon lesquels
    • il a été fusillé par les Fédérés pour s’être opposé à l’incendie de l’Hôtel des postes,
    • ensuite, il a été arrêté rue Mazarine,
    • puis on prétend qu’il a reçu un sauf-conduit (versaillais) pour gagner Londres,
    • ensuite qu’il s’est embarqué pour New York…
  • Il réussit à fuir et à rejoindre l’Angleterre où il n’arrive que le 29 juillet. Je ne sais pas par quel itinéraire et avec quelles aides mais avec un passeport suisse.
  • Dès la fin du procès des membres de la Commune (qui a lieu à Versailles en août-septembre 1871), il dément par une lettre (datée du 11 septembre) adressée au journal La Constitution (le journal publie sa lettre le 16 septembre) la calomnie selon laquelle il aurait disposé d’un sauf-conduit versaillais. Cette accusation a dû beaucoup le blesser. Le bruit courait tant que Me Lachaud, l’avocat qui défendait Courbet au Conseil de Guerre, y croyait et le mentionna dans sa plaidoirie.
  • Contrairement à ce qu’on dit souvent (les ouvriers qualifiés parisiens ont eu moins de mal que les journalistes qui ne savaient rien faire…), il ne trouve pas de travail très facilement en Angleterre, où l’industrie du bronze était assez peu développée (c’est ce que dit Longuet dans son discours aux obsèques). Sa femme s’établit blanchisseuse et, au moins pendant un temps, gagne la vie du ménage.
  • Il entre au Conseil de l’Internationale, avec Frankel, Longuet, Serraillier, Vaillant. Il ne figure pourtant pas dans la liste des signataires de l’Adresse La Guerre civile en France. Il est membre de la commission du Cercle d’études sociales et participe à l’organisation d’une Société des réfugiés (il s’agit d’aider les proscrits à s’installer et à trouver du travail).
  • Il est ami avec « tout le monde », Vallès, et beaucoup d’autres, mais surtout Charles Longuet (il est son témoin à son mariage avec Jenny Marx alors que celui de Jenny est Engels!)…
  • Il écrit un rapport sur son activité à l’Hôtel des Postes que Lissagaray publie en appendice à son Histoire de la Commune de 1871.
  • De proudhonien, il devient peut-être marxiste.
  • En Angleterre, il souffre d’une mauvaise santé, d’anémie, et même d’une fièvre typhoïde.
  • Il rentre à Paris après l’amnistie, en juillet 1880, reprend son métier de ciseleur, habite 54 rue Beaubourg, collabore, par un article hebdomadaire, au quotidien L’Intransigeant de Rochefort.
  • Avec ses amis Longuet, Jaclard, Arnould, Humbert, Amouroux, Rogeard et Lucipia, il fonde le 5 novembre 1880 l’Alliance socialiste républicaine. Il se présente aux élections municipales du 10 janvier 1881 dans le quartier Sainte-Marguerite (onzième).
  • Malade, il est remplacé aux réunions électorales par Jourde.
  • Frappé de paralysie dans la nuit du vendredi au samedi, il meurt le matin du lundi 10 janvier, jour de l’élection. Il n’a pas encore quarante-deux ans.
Acte de décès d'Albert Theisz, Paris 3e
Acte de décès d’Albert Theisz, Paris 3e
  •  Plus de vingt mille personnes suivent le cortège funèbre. Albert Theisz est enterré au cimetière de Saint-Ouen, en présence de tous les anciens communards. Il y a des allocutions de Longuet, Avrial, Rochefort, Johannard, Lissagaray, que l’on peut lire dans les les quotidiens de l’époque (tous disponibles sur Gallica, je mets des liens directs sur les numéros des dates concernées), Le Rappel, 13 et 14 janvier 1881, L’Intransigeant, 12, 13, 14 janvier 1881, La Justice, 12 et 14 janvier 1881. Ce dernier quotidien est celui (de Clemenceau) où travaillait Charles Longuet, qui ne put qu’écrire, le 12:

Albert Theisz, mon vieil ami, mon cher et dévoué camarade d’exil, est mort hier matin.
Je voudrais pouvoir écrire, en ce moment, tout ce que je sais de ce cœur d’or, de cette conscience droite, de cette nature d’élite. Je ne le peux.

Un ami commun est chargé de relever les points principaux de cette vie si courte et si remplie, vie de lutte, de misère et d’honneur.

Cette biographie sommaire ne contient que des actes publics. Lorsque je pourrai parler, à mon tour, j’essayerai de dire ce que fut l’homme que nous avons perdu.

  • On notera que Longuet a à nouveau démenti la calomnie sur le laissez-passer versaillais dans son allocution lors des obsèques de Theisz.
  • Le Maitron dit que Theisz était marié. Aux obsèques, c’est Charles Longuet qui est intervenu au nom de la famille (ce sont pourtant deux des frères Theisz, Charles et Frédéric, qui avaient déclaré le décès). Il a mentionné une compagne (dévouée). Comme je l’ai dit, elle était avec lui en Angleterre où elle avait un temps gagné la vie du ménage. Ils n’étaient pas officiellement mariés et n’avaient pas d’enfant. Rien n’apparaît donc à l’état civil (il est noté célibataire dans son acte de décès). Je ne peux donc pas citer le nom de cette compagne dévouée. La Révolution est une affaire d’hommes, même si la survie des révolutionnaires est souvent une affaire de femmes…

Je relève, pour finir, quelques adjectifs. Homme pensif, affable et résolu. Modeste. Nom environné de sympathie. Aimé profondément. Encore un, que j’ajoute à la photographie noir et blanc: rouquin.

Merci à Jean-Pierre Bonnet pour les recherches généalogiques sur la famille d’Albert Theisz.

Livres et articles utilisés

Scheler (Lucien), Albert Theisz et Jules Vallès, Europe 499-500 (Novembre-décembre 1970), p. 264-272.

Vallès (Jules)L’Insurgé, Œuvres, Pléiade, Gallimard (1989).

Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel)Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).

Troisième conseil de guerreProcès des membres de la Commune, Versailles (1871).

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Laurent (Benoît), La Commune de 1871. Les postes, les ballons, le télégraphe, Lucien Dorbon, Paris (1934).