[Ceci est une version actualisée (le 16 juillet 2016) du texte initialement publié sur ce site. Les raisons de cette actualisation sont dans l’article que l’on trouvera en cliquant ici.]

Le texte d’Albert Theisz présenté ici et que l’on lira dans les articles

n’est pas inédit: il a été publié par Lucien Scheler dans un article Albert Theisz et Jules Vallès, paru dans le numéro spécial de la revue Europe sur la Commune de Paris en 1970 (pendant la préparation du centenaire de la Commune). Il a aussi été utilisé par Georges Frischmann dans sa biographie de Theisz.

J’ai trouvé incroyable, en lisant ce texte remarquable de ne pas en avoir entendu parler — c’est après l’avoir découvert que j’ai lu le livre de Frischmann — et surtout qu’il soit si peu cité ou utilisé.

Scheler, qui était libraire et collectionneur, ne dit pas où se trouve (trouvait) le manuscrit (contrairement à celui d’une lettre de Vallès à Theisz, qu’il publie dans le même article et dont il indique qu’il lui appartient), ni comment il en a eu connaissance. Avec Jean-Pierre Bonnet, après la publication de ces articles sur ce site, nous avons reconnu le document dans le fonds Scheler des archives de la Nouvelle-Calédonie, qui nous en ont très gentiment fait parvenir une copie. Plus de renseignements sur ce document et ces archives, plus le document lui-même, dans cet autre article.

Pour le moment, je ne sais vraiment rien de l’origine du document (comment est-il entré en possession de Scheler? où était-il auparavant? etc.?)

Les informations que donne Scheler sont:

  • le texte a été écrit à la demande de Vallès (ce qui n’apparaît pas explicitement dans le texte même),
  • « vers cette époque », ce que je comprends comme 1879 (il est question, dans ce moment de l’article de Scheler, des réactions des proscrits à Londres à l’annonce d’une amnistie partielle),
  •  il est « sans nul doute » dicté,
  • et constitue neuf pages d’un cahier d’écolier.

Rien de plus.

Il est clair, en effet (voir le document) que le texte a été dicté. La toute dernière phrase, qui est une sorte de remords, semble être d’une autre main. Celle de Theisz?

Je n’ai pas été capable d’imaginer une raison pour laquelle Theisz a dicté et pas écrit ce texte. Comme Eugène Varlin et d’autres, Albert Theisz était un ouvrier (bronzier, ciseleur, dans son cas) et il avait étudié. Il savait écrire — dans les deux sens du terme — et il écrivait. Il avait d’ailleurs une belle et lisible écriture manuscrite (on peut voir de ses lettres manuscrites sur le site de l’Institut d’histoire sociale à Amsterdam).

Dicté à qui? Quelqu’un qui écrivait vite et facilement (voir les abréviations, pour « homme », par exemple), faisait quelques fautes, d’accord (du participe employé avec avoir, notamment, mais c’était — déjà — assez courant) et surtout sur les noms propres. Le nom même de Theisz est écrit Theizs, Theis… Celui de Dombrowski est d’abord écrit Dombrowsky puis Dombrowski (parce que Theisz a fait une remarque?). Quelqu’un qui ne connaissait pas bien les communards?

Scheler ne dit pas pourquoi il pense que ce texte a été écrit pour Vallès.

Ici il serait intéressant de savoir qui a écrit « P l’Insurgé » sur la couverture du cahier. Scheler lui-même?

Les faits rapportés ont eu lieu du lundi 22 au jeudi 25 mai 1871, c’est-à-dire pendant les quatre premiers jours de la Semaine sanglante. S’arrêter au jeudi peut être justifié par la demande: les trois derniers jours, l’espace s’est tellement réduit autour des communards que tous vivent plus ou moins les mêmes faits. Qui que soit le commanditaire (s’il y en a eu un), il est avec Theisz à partir du 26 mai.

Ce que je me propose de faire dans les articles suivants, c’est de présenter ce texte, par morceaux, chacun en deux versions, l’une brute et l’autre avec explications (le texte est extrêmement concis) et commentaires. Ainsi, nous aurons vu une description précise de certains des événements de l’histoire, et rencontré un homme à la fois modeste et brillant, courageux, et digne de confiance… J’inclus une biographie de ce communard remarquable et mal connu. Il y aura aussi quelques conclusions!

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Livres et articles cités

Scheler (Lucien)Albert Theisz et Jules Vallès, Europe 499-500 (Novembre-décembre 1970), p. 264-272.

Frischmann (Georges)Albert Theisz, pionnier de l’Association parisienne de l’Internationale et de la première chambre fédérale ouvrière, directeur des postes de la Commune de Paris (1871), Éditions de la Fédération C.G.T. des P.T.T. (1993).

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Vallès (Jules)L’Insurgé, Œuvres, Pléiade, Gallimard (1989).