Ceci n’est pas un mur,

Monument aux morts, Père Lachise, par Eugène Atget

mais le monument aux morts du Père Lachaise. Oui, il y a là un monument aux morts dans ce cimetière, il y en a même plusieurs, en particulier militaires. Celui-là est dédié à tous les morts et a été conçu par le sculpteur Albert Bartholomé, il est édifié au bout de l’allée Principale, face à l’entrée (principale) du cimetière, depuis 1899. La photographie est due à Eugène Atget, elle a été prise vers 1900, elle est disponible sur Gallica, où je l’ai cherchée (et trouvée). Si ce monument figure dans cet article, c’est à cause d’une autre photographie (de 1917), qui se trouve elle aussi sur Gallica, sans nom d’auteur et que voici:

monumentauxmortsgallica

— vous pouvez cliquer sur l’image pour l’agrandir et voir le titre que lui donne la Bibliothèque nationale de France (avec un peu de chance, ceci disparaîtra de Gallica avant que le présent article disparaisse).

Ceci non plus

auxvictimes

n’est pas un mur, comme la photographie le montre (le démontre, même), mais un monument, et plus précisément un bas-relief. Il se nomme

Aux victimes des révolutions

(quel titre!) et se trouve le long de l’enceinte nord du Père-Lachaise et de l’avenue Gambetta, dans le square Samuel de Champlain. Ce faux mur a été conçu par le sculpteur Paul Moreau-Vauthier, la preuve, il l’a signé

begonias

(au moins, les bégonias sont rouges). Il a été acquis par le conseil municipal de Paris en 1908, placé là en 1909 et… jamais inauguré officiellement.

Il arrive, paraît-il, que l’on prenne le monument « Aux victimes des révolutions » pour « le » Mur, le nôtre, celui auquel cette série d’articles est dédiée.

Le Mur, lui, pourrait être dédié aux victimes de la contre-révolution!

On dit que le monument « Aux victimes de révolutions » a été réalisé avec les « vraies » pierres du « vrai » mur. Il est certain en tout cas qu’il s’agit d’un amalgame curieux: on dit aussi que, parmi les bas-reliefs figure le visage de l’archevêque Darboy, un des otages exécutés le 24 mai 1871 (voir l’article consacré à ces otages, avec sa « fausse » photo).

Bizarrement, c’est pourtant une image de ce monument qui fut reproduite sur l’insigne que portaient les manifestants le 24 mai 1936, contrairement à l’habitude qui voulait que ce fût une reproduction du « Triomphe de l’ordre » de Pichio.

Il est aussi arrivé, une seule fois si mes sources sont correctes, que le bas-relief serve de mur de substitution: en mai 1942, la poitrine de la femme au centre fut nuitamment et clandestinement ornée d’une banderole rouge « Aux morts de la Commune les régions communistes de Paris » — le lieu devait être plus facile d’accès que le (vrai) Mur.

*

J’ai fait les photographies du monument dans le square Samuel de Champlain le 29 septembre 2016. L’image de couverture appartient à cette même série de photos et montre aussi une portion de ce monument, des pierres sur lesquelles les trous ronds sont peut-être des traces de balles et viennent peut-être d’un mur devant lequel des fédérés ont été fusillés — à moins qu’elles n’aient été percées par le sculpteur.

Livres utilisés

Braire (Jean)Sur les traces des communards, Paris, Les Amis de la Commune (1988).

Tartakowsky (Danielle)Nous irons chanter sur vos tombes Le Père-Lachaise XIXe-XXe siècle, Collection historique Aubier (1999).