Non, je l’ai dit déjà ici ou là, on ne savait pas faire d’instantané, mais on faisait des montages. Faire poser des figurants devant une toile peinte, remplacer leurs visages par ceux des personnes que l’on souhaite représenter… longtemps avant photoshop… Mais non, en plus des maladresses du collage, c’est invraisemblable, un peloton d’exécution ne se dispose pas comme ça, on se tirerait dessus…

Six otages ont été exécutés à la prison de la Roquette, le 24 mai (Theisz nous l’a rapporté dans un article précédent). Par la Commune ou pas par la Commune, à cette date c’est discutable. Parmi eux, l’archevêque Darboy. C’est cette exécution que représente le montage photographique reproduit ici.
Un joli (?) mensonge par omission, celui du rédacteur du Dictionnaire universel des contemporains (édition de 1880) qui, de l’archevêque Darboy, dit:

Arrêté comme otage […] conduit à Mazas, il y resta enfermé plus de cinquante jours, sans qu’il fût donné suite aux négociations tentées pour l’échanger contre M. Blanqui.

Subtilités de la langue française et de sa forme passive! Qui tenta? Qui ne donna pas suite? Gageons que les lecteurs naïfs du dictionnaire inverseront les réponses à ces deux questions. Les négociations menées par la Commune pour échanger Blanqui (prisonnier depuis le 17 mars) et l’archevêque Darboy sont rapportées en détail dans un article de Maxime Vuillaume dans le Journal Officiel du 27 avril (en page 2, sous le titre Une page d’histoire). L’archevêque était beaucoup plus utile à Thiers mort que vivant (chouette, un martyr!), Thiers ne donna pas suite.

Un groupe d’une cinquantaine d’otages, curés et gendarmes, principalement, catégories haïes par le peuple parisien, a été exécuté rue Haxo le 26 mai. Il est impossible d’attribuer cette exécution à « la Commune », qui n’existait pratiquement plus (et dont les membres présents ont essayé d’empêcher le « massacre »).

Une parenthèse: parmi les otages tués pendant la Semaine sanglante, des curés, des gendarmes, mais… un seul banquier.

Massacre? Si la foule qui souhaita et réalisa l’exécution du 26 mai était si furieuse contre ces soutiens de Versailles qu’étaient les curés et gendarmes, n’était-ce pas parce qu’elle était témoin des massacres dont Paris était le théâtre depuis le dimanche soir?

Non, le décret des otages, voté depuis le 5 avril, n’a pas eu la moindre application avant la Semaine sanglante.

Massacre?

Pierre Milza, déjà nommé, intitule, au milieu d’un chapitre sur la Semaine sanglante, le paragraphe consacré à l’exécution des otages « Le massacre des otages ».

Mais qui était massacré?

Des atrocités furent commises de part et d’autres,

écrit un autre. Une assertion dans laquelle rien n’est faux — sauf qu’elle semble faire une juste balance entre (au maximum) quatre-vingt-quatre exécutés et on ne sait combien de dizaines de milliers de massacrés… La balance hugolienne,

Des bandits ont tué soixante-quatre otages
On réplique en tuant six mille prisonniers
On pleure les premiers, on raille les derniers

est chronologiquement — tuer les otages était répliquer, pas l’inverse — et numériquement — je ne sais pas d’où vient le nombre, qui ne correspond à aucune estimation — fausse, à peine plus équitable.

L’auteur du montage photographique est Eugène Appert, précurseur de la photographie à usage policier, connu pour ses photos de communards et ses montages.

(à suivre)

Livres cités

Vapereau (Gustave), Dictionnaire universel des contemporains, Hachette (1880).

Milza (Pierre)L’Année terrible, la Commune de Paris, Perrin (2009).

Hugo (Victor)L’Année terrible, Michel Lévy (1872).