Il y a cent ans la Révolution!

Bribes de liens avec la Commune de Paris, pour un court article sans prétention.

  • L’expression « dictature du prolétariat », qui va être un des mots d’ordre de la Révolution russe, apparaît dans un discours qu’Engels prononça à Londres pour le vingtième anniversaire de la Commune, le 18 mars 1891, qui fut publié comme introduction à une édition allemande de La Guerre civile en France et est depuis publié avec ce texte.

Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l’air? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat.

  • On le sait, Lénine a vécu à Paris. Il y était notamment en 1911 lors de la mort de Laura et Paul Lafargue, on peut lire le (bref) discours du « Citoyen Lénine du parti social démocrate russe », après notamment celui de Jean Jaurès, dans L’Humanité du 4 décembre 1911.
  • Dans ses « Thèses d’avril » (1917, entre la Révolution « de février » et la Révolution d’octobre), Lénine fixe parmi les tâches du parti de modifier son programme sur la

revendication d’un « État-Commune », état dont la Commune de Paris était la préfiguration.

  • Cette idée est développée et approfondie dans L’État et la Révolution.

Ce n’est pas le lieu, et il y faudrait plus de place, de se lancer dans une étude sérieuse de ce texte théorique.

Mais, la révolte? Dans « révolution », il y a « révolte » —  et joie, fête?

  • Oui, c’est en Russie et en hiver, et pas à Paris au printemps… mais il y a eu fête, regardez Lénine sortir sur la place Rouge et esquisser quelques pas de danse, en janvier, précisément soixante-treize jours après le 7 novembre, parce que la révolution russe a « tenu » un jour de plus que la Commune de Paris!

Non loin de là, coincé et figé dans son mausolée, il ne danse plus, il n’y a pas vraiment de quoi, d’ailleurs.

  • Et le drapeau de la Commune, dans ce mausolée?

J’avais cru lire (ou j’avais lu? où avais-je lu?) que son corps, dans son mausolée, était enveloppé dans un drapeau de la Commune — un linceul approprié. Par défaut de sources, ce fait ne fut pas mentionné sur le rabat de la couverture de Comme une rivière bleue (à propos des drapeaux de la Commune). Heureusement, car ce n’est pas vrai. Mais il y a eu un de ces drapeaux dans le mausolée, voyez le serment au dernier drapeau de la Commune, dans L’Humanité du 23 mai 1924: la section communiste du vingtième, qui détient ce drapeau (rouge du sang de l’ouvrier), va en faire cadeau au prolétariat de Moscou, après diverses cérémonies. Il a été dans le mausolée, puis déposé dans le musée Lénine, puis… apparemment il est toujours enfoui là… sauf que ce n’est plus le musée Lénine mais une filiale du musée historique. Il y aurait aussi, quelque part, dans un fonds d’archives, un drapeau du 67e bataillon…

Après ces deux petites anecdotes pas très importantes mais pas sans signification quand même, puisqu’elles affirment une filiation, une continuité, de la Commune à la révolution russe, je reviens à la Révolution dont on célèbre le centenaire aujourd’hui 7 novembre 2017. On célèbre. Ou on fête?

La Russie était un pays odieusement arriéré, dont la population misérable subissait un régime autocratique muni de féroces outils de répression. Un grand nombre de prolétaires et d’autres se sont révoltés, assez nombreux et assez bien organisés pour faire tomber, après l’empereur, le gouvernement bourgeois qui l’avait remplacé depuis quelques mois. Ils ont pris le pouvoir et, malgré les agressions intérieures et extérieures, ils ont réussi à le conserver.

Je suis assez sidérée de lire la façon dont on en parle aujourd’hui.

Je me console en imaginant les descendants des plumitifs d’aujourd’hui faisant, dans cent ans, voter par un parlement… la « réhabilitation des communistes ». S’il y a encore un parlement et des descendants dans cent ans…

Vive la Commune!

Vive la Révolution!

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Cette révolution a aussi été une révolution dans l’art, dans « le front gauche de l’art » (ainsi que se nommait le journal fondé par Maïakovski et ses amis en 1923). J’ai choisi un célèbre tableau de Lissitzky comme couverture de ce bref article. Quel plaisir que ce triangle rouge!

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Les informations sur les drapeaux de la Commune à Moscou viennent d’un article que l’on peut lire en ligne sur le site des Amis de la Commune.

Livres et articles cités

Marx (Karl)La Guerre civile en France, Édition nouvelle accompagnée des travaux préparatoires de Marx, Éditions sociales (1972).

Lénine (Vladimir Ilitch)L’État et la révolution, Éditions sociales (1967).

Gradov (K.), Deux drapeaux de la Commune à Moscou, La Commune, Bulletin de l’Association des amis de la Commune n°19 (2003).