Comme un bon agenda de 1870, le carnet d’Adolphe Clémence se termine le 31 décembre 1870 — voir l’article précédent.
Comme beaucoup de ses semblables, cet agenda contient quelques pages finales blanches — et Adolphe Clémence, sur la lancée de son écriture quotidienne, les a remplies.
L’année 1870 finit au milieu d’une crise militaire et sociale inouïe. Que résoudra 1871 qui va commencer?
Le bombardement de nos forts, tel est le résultat le plus clair obtenu par le plan Trochu. Quand donc procédera-t-on autrement? Quand donc se décidera-t-on à sauver Paris et la République?
Puis, Adolphe Clémence a recopié l’article du Siècle (21 décembre 1870, 3e page 3e colonne, précise-t-il) à propos des 75 centimes dus à sa femme (et que nous avons lu dans l’article précédent). Il restait à inclure quelques compléments.
Le lundi 26 décembre, ma Compagnie (1ère) signe une pétition au Général de la Garde nationale demandant le complément de l’effectif des 4 compagnies de guerre, lesquelles ne comptent pas même 400 hommes au lieu de 500 qui doit être notre chiffre réel. On demande que le complément soit pris dans les compagnies de dépôt.
Le mardi 27. protestation de la 9e Compagnie du 96e signalant la conduite du capitaine Vernet, qui exempte du service des remparts les hommes que leur position aisée met au-dessus de l’indemnité journalière de 1,50 tandis qu’il commande pour ce service les hommes forcés par leur position d’accepter cette indemnité. Donc la compagnie est partagée entre riches et pauvres!
Et puis, à n’en pas douter et puisqu’il possédait un agenda de 1871 — il était en train d’en relier 490 à la fin de décembre — il a continué à prendre des notes.
Que nous n’avons pas.
Détruites avant la perquisition? Égarées avant la saisie? Perdues par la police?
Toujours est-il que les notes conservées aux archives de la préfecture de police commencent, pour 1871, le 1er mars.
Ce qui nous fait rater les moments décisifs que furent, au début de 1871,
- les combats aux avant-postes autour de Paris, Adolphe Clémence y participa-t-il?
- le bombardement prussien dès le 6 janvier, comment fut-il ressenti dans le quatrième?
- à la même date l’Affiche rouge, dont Adolphe Clémence fut signataire,
- la désastreuse et meurtrière bataille de Buzenval le 19 janvier
- la fusillade du 22 janvier place de l’Hôtel-de-Ville
- la capitulation le 28 janvier et la fin du siège
- les élections à l’assemblée (de Bordeaux) le 8 février
- …
Nous retrouverons les notes d’Adolphe Clémence, le 1er mars, juste avant la Commune, dans l’article suivant.
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L’image de couverture est très souvent reproduite et (aussi) souvent considérée comme une image de la Commune — elle fait même la couverture de mon exemplaire du livre de Lissagaray (La Découverte, imprimé en 2000). Il s’agit en réalité d’une image de la défense de Paris pendant le siège prussien. Elle a été publiée par l’hebdomadaire L’Illustration, mais heureusement, il y en a un exemplaire au musée Carnavalet, et c’est là que je l’ai trouvée (ce qui vous évite cette fois ma mauvaise photo). Ce ne sont pas Adolphe et Léonide, puisqu’il y a deux enfants, mais ce sont des gens comme eux…