Dans La Patrie en danger datée du 14 octobre, je choisis, d’abord une lettre d’une femme versaillaise:

Les Femmes de Versailles

Citoyen rédacteur,

Vous avez tort de rendre la population féminine de Versailles solidaire de ces coquines qui ne craignent pas d’aller étaler, comme aux beaux jours du bonapartisme, leurs toilettes tapageuses, dans les allées du Parc, aux yeux de MM. les officiers prussiens. Ces misérables, soyez-en convaincus, n’ont rien de commun avec les vraies habitantes de Versailles dont les sentiments honorables et patriotiques devraient être protégés à nos yeux par les votes négatifs que leurs pères, leurs maris, leurs frères, sont allés déposer en si grande majorité dans les urnes plébiscitaires.

Versailles étant devenu sous l’empire le quartier général de la garde prétorienne, est aussi devenu nécessairement un des centres de cette corruption, de cette prostitution qui resteront comme un des principaux signes caractéristiques du régime bonapartiste. Vos cocottes édentées, vos femmes mariées en rupture de ban, vos messalines en demi-solde, y pullulaient pour le plus grand bonheur de MM. les officiers de la garde impériale ; et comme elles se trouvent en disponibilité pour cause de Sedan, elles ont pensé qu’elles avaient droit au privilège de faire les honneurs de la France bonapartiste aux jolis officiers de Sa Majesté prussienne.

Voilà la vérité.

Mais, encore un coup, citoyen rédacteur, ne confondez pas ces femmes étrangères à Versailles avec les vraies Versaillaises dont l’honorabilité et le patriotisme sont au niveau des malheurs de la patrie, et qui n’attendent pas avec moins d’anxiété que vous-même, le triomphe de la République et l’écrasement de tous ses ennemis.

Je suis convaincue, citoyen rédacteur, que vous ne refuserez pas aux Versaillaises la réhabilitation qu’elles attendent de votre justice, et que si cette protestation écrite à la hâte ne vous paraît pas digne d’être insérée en totalité dans votre estimable et courageux journal, vous voudrez bien lui accorder au moins une mention suffisante pour que son but soit atteint.

Votre dévouée
E. S.
Versaillaise

Je note au passage un petit entrefilet dont je ne cite que les premiers mots — voir notre article du 16 octobre :

Une affiche verte annonce la formation du corps des Amazones de Paris…

Et je passe de Versailles au treizième arrondissement, qui envoie deux communications.

Communications

Citoyen rédacteur

Dans sa séance du 10 octobre 1870, la réunion populaire siégeant avenue de Choisy, 190, a adopté à l’unanimité la proposition suivante:

Dans le XIIIe arrondissement, l’instruction primaire est entièrement réservée aux professeurs laïques, qui nous offrent beaucoup plus de garanties de capacité et de moralité que les professeurs congréganistes.

Pour l’assemblée composée d’environ 1200 personnes,
Les assesseurs, Gobert et Legendre
Le président, Léonard

Citoyen Verlet,

J’ai l’honneur de vous demander l’hospitalité des lignes suivantes dans votre patriotique journal :

Les citoyennes du comité des républicaines, avenue de Choisy, 190, XIIIe arrondissement, ont protesté énergiquement et à l’unanimité contre la tendance que l’on a dans l’administration de cet arrondissement à considérer les citoyennes mères de famille favorables à l’enseignement congréganiste.

Tandis que dans les autres arrondissements les Municipalités ont pris des mesures efficaces pour faire cesser ce scandale, le XIIIe arrondissement reste en arrière.

Toutes les citoyennes présentes dans l’assemblée s’élèvent contre cette mesure, aussi illogique qu’immorale, car il résulte de l’enseignement religieux :

Que l’on n’enseigne aux filles que l’espionnage domestique, et aux garçons la lâcheté civique.

En conséquence, la citoyenne A. [O.?] Tardif  fait appel à tous les libres penseurs citoyens et citoyennes du XIIIe arrondissement, qui trouveront mieux que leurs fils apprennent les Droits de l’Homme que le catéchisme.

Et leur faire savoir que s’ils veulent déclarer leurs principes, elle tient à son domicile un registre où ils pourront signer une pétition au maire.

En ce sens que l’instruction qui sera donnée aux enfants dans cet arrondissement sera purement laïque, gratuite et obligatoire.

Et que les instituteurs et institutrices qui seront employés à l’enseignement, n’importe à quel degré, n’appartiendront à aucun ordre congréganiste.

Recevez, citoyen Verlet, au nom de la libre pensée républicaine et de la solidarité sociale,

Mes sentiments fraternels,

Octavie Tardif
Avenue d’Italie, 18

Fait à Paris ce 20 vendémiaire, an 79.

L’une défend les citoyennes de Versailles, l’autre les mères de famille du treizième. Courage, citoyennes!

*

J’ai essayé, longuement, de trouver une image d’une école, avec des écolières et une institutrice — fût-ce une religieuse — et n’y suis pas parvenue. J’ai donc « couvert » cet article par un extrait de mon plan de Paris préféré.

Cet article a été préparé en juin 2020.