Comme le dit le titre de l’article de Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné qui apparaît sur cette photographie,

À l’approche du 18 mars, grand jour de la Commune dont on fête le cent-cinquantenaire, les librairies voient fleurir moult ouvrages passionnants et rouge cerise.

En parlant d’article, vous en avez peut-être lu un, paru dans Le Monde la semaine dernière et consacré à une agitation politicienne au Conseil de Paris. Pas vraiment intéressant, sauf pour la fin, qui mériterait ce que Le Canard, justement, appelle une « Noix d’honneur »:

Depuis cinquante ans, de nombreuses recherches ont été effectuées, et les historiens commencent à avoir une vision apaisée de cette année terrible. Le Britannique Robert Tombs, en particulier, a revu à la baisse le nombre de morts durant la « semaine sanglante », plus proche des 6 000 ou 7 000 que des 30 000 longtemps évoqués.

Certains journalistes en seraient-ils restés aux vieux schémas?… où la vision « apaisée » ressemble à… la paix des cimetières.

Évidemment, ce n’est pas de cet article que je veux vous parler, mais de celui de Jean-Luc Porquet, dans Le Canard de la semaine dernière, donc. Le titre « Halte-là, citoyen; on ne passe pas » est une phrase prononcée par une femme défendant une barricade et rapportée par un journaliste dans le dernier numéro du Journal officiel (paru le 24 mai 1871). Vous l’avez peut-être déjà lue dans un article déjà ancien de ce site. Elle est aussi dans La Semaine sanglante. L’article du Canard est consacré à deux livres: La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux coordonné par M. Cordillot (paru en janvier à l’Atelier) et mon livre sur la Semaine sanglante. Qui arrive en librairie ce jeudi 4 mars. Voici ce qu’il en dit:

[…]
De son côté Michèle Audin s’est intéressée à la terrible Semaine sanglante par laquelle Thiers mit fin à la Commune. Combien de morts? « Le débat est loin d’être clos. Les amis de l’ordre, au pouvoir à Paris depuis le 28 mai 1871, ont tout fait pour que ce nombre ne soit pas connu. »
Michèle Audin ouvre les registres d’inhumation des cimetières, enquête sur les gisements d’ossements découverts des années après, recoupe les sources, traque les erreurs des historiens.
En bonne mathématicienne, comme le fut son père, elle fait et refait les calculs. Fastidieux? Non : son ardeur pinailleuse est communicative. Avec elle on voit l’histoire en train de se faire, on assiste à des scènes de massacres ou d’héroïsme, on croise « une jeune fille avec un bonnet phrygien sur la tête, le chassepot à la main, la cartouchière aux reins » qui campe sur une barricade place Blanche: « Halte-là citoyen, on ne passe pas. » Peu après les versaillais balaient cette barricade et reprennent Montmartre. En conclusion, Michèle Audin fait le compte: « Avec certitude, 10 000 morts de la Semaine sanglante inhumés dans les cimetières parisiens ». Et, en tout, « certainement 15 000 morts ». Il y a des rêves qui dérangent terriblement.

Ajouter à ces deux ouvrages (d’autres viendront) le très éclairant et vivant « La Commune au jour le jour » […]

Jean-Luc Porquet

Oui d’autres viendront. Je lis un beau livre de Stathis Kouvélakis (et Marx et Engels), que je viens de recevoir. J’ai reçu aussi mon roman Josée Meunier 19 rue des Juifs (qui ne sera en librairie que le 11 mars), et de tous les deux je vais vous reparler d’ici peu. Et encore d’autres, qui vont arriver… Mais, puisqu’il me reste un peu de place, laissez-moi continuer dans l’ « auto-promotion » et vous citer deux messages de lecteurs de La Semaine sanglante (qui tous deux ont pu lire le livre avant qu’il arrive en librairie). Je ne leur ai pas demandé leur autorisation, aussi je ne mets pas leurs noms.

Un historien:

Je viens d’achever ton livre sur les morts de la Commune et il est passionnant. Bravo pour ta recherche et ta rigueur. […]

Un écrivain:

Ce que j’ai bien aimé dans ta semaine sanglante c’est le ton que tu as choisi, un peu sec, faussement distant. C’est là ton travail de romancière dans cet exposé historique absolument implacable et terrible.  La lecture d’un tel défilé de cadavres ne peut être que déprimante et pourtant elle ne l’est pas. C’est curieux et c’est intéressant.
J’imagine qu’il t’a fallu une bonne dose de courage pour aller fouiller dans ces sombres listes et pour les raconter énergiquement et modestement.
En outre, c’est un livre bien fabriqué et agréable à lire.

Merci à eux. Et merci à Libertalia pour la photographie, que j’ai un peu coupée, de sorte qu’on ne voit pas le logo, et qui est sur cette page — et d’ailleurs, sur cette page voisine, vous pouvez acheter le livre!

Livres cités

Cordillot (Michel) (coord.), La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux, L’Atelier (2021).

Audin (Michèle)La Semaine sanglante. Mai 1871, Légendes et comptes, Libertalia (2021), — Josée Meunier 19 rue des Juifs, L’arbalète-Gallimard (2021).

Le Tréhondat (Patrick) et Mahieux (Christian)La Commune au jour le jour Le Journal officiel de la Commune de Paris (20 mars-24 mai 1871), Syllepse (2021).

Marx (Karl) et Engels (Friedrich)Sur la Commune de Paris, Textes et controverses, précédé de Événement et stratégie révolutionnaire, par Stathis Kouvélakis, éditions sociales, 2021.