Voici la suite de l’article sur les crèches, dont nous avons lu la première partie dans notre article du 14 mai. Précédé de deux ou trois commentaires.

L’influence proudhonienne est sensible dans la prémisse « il vaudrait mieux qu’elles ne travaillent pas mais, si elles le font… » suivi ici de « il leur faut des crèches » comme nous avons vu la même prémisse suivi de « à travail égal salaire égal » dans un article ancien.

Comme la première partie dans le Journal officiel du 15 mai, cette deuxième partie paraît dans celui du 17 mai. Vous n’avez qu’à cliquer sur les liens pour les y trouver. Si, comme beaucoup d’auteurs, vous vous contentez du (faux) Journal officiel dit « Réimpression », vous ne trouverez aucun de ces deux articles et serez obligés, comme ces auteurs, de faire des acrobaties pour affirmer que « la Commune s’est occupée des crèches » — ce n’est d’ailleurs pas « la Commune » mais la Société des amis de l’enseignement… C’est sans doute pourquoi, au moment où j’écris cet article, l’article du Maitron sur Maria Verdure ignore la publication de ces articles. Peut-être ceux qui ont choisi le nom de la crèche de La Queue-en-Brie qui fait la couverture de cet article les avaient-ils lus (???) — qui sait?

Je me permets de vous renvoyer au choix d’articles du Journal officiel effectué par les éditions Syllepse (qui contient ces deux articles) et à son introduction, ainsi qu’à Comme une rivière bleue, dont Maria Verdure est une des héroïnes — l’opération « faux Journal officiel » est explicitée dans ces deux livres!

Et voici l’article (en vert). De Maria Verdure, Félix et Élie Duccoudray.

Les crèches (suite)

Aux garderies dirigées par de vieilles femmes incapables de tout autre travail dans lesquelles régnaient l’empirisme et les préjugés, les plus contraires au bon sens et aux règles les plus élémentaires de l’hygiène, on substitua les crèches, vers 1844, à Paris et dans plusieurs de nos grandes villes.
Jusqu’à ce que les mères puissent être dispensées de tout travail extérieur pendant la période d’allaitement, au moyen des réformes sociales que nous souhaitons, la crèche peut rendre ses services considérables à la mère et à l’enfant par suite à la société. C’est un mode transitoire qui conserve presque entier les liens de la famille; il permet à l’enfant de jouir presque complètement de l’allaitement maternel, tout en laissant à la mère le temps de se livrer à certains travaux extérieurs. Mais les crèches actuelles doivent être modifiées pour être véritablement fructueuses pour la société. En conséquence, nous émettons le vœu:

1° Que l’allaitement de l’enfant nouveau-né par sa mère étant conformément aux lois naturelles et aux observations scientifiques le seul moyen d’obtenir des sujets sains et vigoureux, il y a lieu de pouvoir par des réformes sociales à ce que toute mère puisse allaiter son enfant;

2° Que la crèche soit maintenue à titre transitoire et comme procédé le moins défectueux pour favoriser l’allaitement maternel et entretenir les liens entre la mère et l’enfant, avec les modifications suivantes :

Locaux.– Les locaux sont disséminés dans les quartiers peuplés d’ouvriers, à proximité des grandes usines; ils renferment quatre pièces et un jardin. Les maisons voisines sont peu élevées ou le local est situé à un étage accessible à l’air et à la lumière: la ventilation et la propreté sont irréprochables.
Chaque local est destiné à recevoir cent enfants, poupons et nourrissons. Une pièce est réservée aux nourrissons, la seconde aux poupons marchant déjà, la troisième est la salle à manger, la quatrième est la salle de jeux, une cuisine est disposée dans le local.
Dans la salle des nourrissons, les berceaux servent de lits de repos; le parquet est couvert de tapis sur lesquelles les poupons se roulent et prennent leurs ébats.
La salle à manger est meublée d’une table en fer à cheval avec bancs proportionnés à la taille des enfants; l’intérieur du fer à cheval permet la circulation pour le service. Autour de la table, une galerie à double appui-main sert de promenoir et remplace les lisières et chariots qui déforment les épaules en les soulevant outre mesure. Les enfants prennent ensemble leur repos [repas]. Pour que l‘attente de chaque bouchée ne soulève pas de cris, le personnel entier assiste aux repas.
La salle de jeux contient tout ce qui peut amuser les enfants; l’ennui est leur plus grande maladie. Un promenoir à double appui-main règne autour de la table; on y trouve des jouets de toute sorte, un orgue, une volière remplie d’oiseaux; on y voit peints ou sculptés: des animaux, des arbres, des objets réels et non pas mystiques.
Le jardin est fréquenté aussi longtemps que la saison et les règlements le permettent.

Personnel et règlement.– Aucun ministre ou représentant d’un culte n’est admis dans le personnel. Chaque fonctionnaire doit pouvoir, à tout moment, remplir les rôles les plus modestes.
Dix personnes sont nécessaires pour cent enfants: une directrice, quatre femmes pour les nourrissons, trois pour les poupons, une pour la cuisine, une pour la lingerie.Toutes ces fonctions sont remplies à tour de rôle et de semaine en semaine par celles qui en sont capables. Les gardiennes des nourrissons et des poupons changent chaque jour entre elles; un labeur, toujours le même, dégoûterait ces femmes et les rendrait tristes et maussades. Il importe que les enfants ne soient confiés qu’à des personnes gaies et jeunes, autant que possible. Le costume ne doit pas être sombre, le noir est banni de la crèche.
Les enfants ne sont gardés la nuit qu’en cas de nécessité absolue.
Un règlement intérieur est affiché dans chaque salle.
Un médecin et un pharmacien sont désignés par l’autorité civile sur la présentation du personnel de chaque crèche.
Afin d’éviter les maladies contagieuses, aucun enfant n’est admis sans l’autorisation du médecin.

Livres cités

Le Tréhondat (Patrick) et Mahieux (Christian)La Commune au jour le jour: Le Journal officiel de la Commune (20 mars-24 mai 1871), Syllepse (2021).

Audin (Michèle)Comme une rivière bleue, L’arbalète-Gallimard (2017).

Cet article a été préparé en décembre 2020.