Septième (et dernier) article de cette série consacrée au « procès des membres de la Commune ». Commencé le 7 août, le procès s’achève le 2 septembre. L’audience ouvre à six heures et quart — du matin. Maître Bigot fait une observation et Jourde aussi (de celle-ci je reparlerai, voir l’article du 16 septembre prochain). À six heures vingt-cinq, les débats sont terminés et le Conseil se retire pour délibérer. Il délibère pendant douze heures. Il devait répondre à 504 questions.
Nous voici donc à six heures et demie,
L’entrée des juges est suivie d’un profond silence. L’immense salle, pleine de curieux et plongée dans l’obscurité, présente un aspect lugubre.
Le président donne les réponses aux 504 questions. Puis le verdict. Cela dure deux heures. Puis fait évacuer la salle.
Les accusés ont été ensuite introduits dans la salle d’audience, où M. le Greffier leur a donné lecture du jugement, en présence de M. le Commissaire du gouvernement et de la garde assemblée, selon les prescriptions du Code militaire.
Longue journée… Voici donc les réponses aux questions et les condamnations, pour chacun des accusés.
Théophile Ferré, accusé d’attentat contre le gouvernement, d’excitation à la guerre civile, de levée de troupes armées, sans ordre ni autorisation de l’autorité légitime, de complicité d’incendies d’édifices publics et de lieux habités, de complicité de destruction de monuments publics et propriétés particulières, d’usurpation de titres et fonctions, de complicité d’assassinat des otages, d’arrestations arbitraires et séquestrations de personnes, est déclaré à l’unanimité coupable sur tous les chefs. Peine de mort.
Adolphe Assi, inculpé des mêmes crimes et délits, et en outre de fabrication d’armes prohibées par la loi, est déclaré à l’unanimité coupable sur tous les chefs autres que ceux de complicité d’assassinat et d’incendie. Déportation dans une enceinte fortifiée.
Raoul Urbain, inculpé des mêmes crimes et délits que Ferré, est, comme lui, déclaré à l’unanimité coupable sur tous les mêmes chefs, avec des circonstances atténuantes. Travaux forcés à perpétuité.
Alfred Édouard Billioray, inculpé de la même manière, est déclaré coupable sur tous les chefs autres que ceux d’assassinat et d’incendie. Déportation dans une enceinte fortifiée.
François Jourde, inculpé comme les précédents, et spécialement, en outre, de soustraction de deniers dont il était comptable, et de bris de scellés, est déclaré coupable seulement sur le chef d’attentat d’excitation à la guerre civile, de levée de troupes et d’usurpation de fonctions. Des circonstances atténuantes sont admises en sa faveur. Déportation simple.
Alexis Trinquet, inculpé des mêmes chefs qu’Urbain, et déclaré coupable de la même manière, aussi avec circonstances atténuantes. Travaux forcés à perpétuité. [Voir son livre.]
Louis Henri Champy, inculpé comme Ferré, Assi, Urbain et Billioray, est déclaré coupable sur les mêmes chefs, sauf ceux d’incendie, d’assassinat et d’arrestations, et séquestrations arbitraires. Déportation dans une enceinte fortifiée.
Dominique Théophile Régère, mêmes inculpations et même verdict. Déportation dans une enceinte fortifiée.
Charles Lullier, coupable de tous les chefs relevés contre lui, savoir attentat contre le gouvernement, excitation à la guerre civile, levée de troupes, embauchage et commandement d’une troupe armée. Peine de mort. [Peine commuée le 27 novembre en travaux forcés à perpétuité.]
Paul-Emile-Barthélemy-Philémon Rastoul, inculpé comme Régère, est l’objet du même verdict, avec cette différence qu’il est déclaré non coupable du chef de destruction de monuments publics et propriétés particulières. Des circonstances atténuantes sont admises en sa faveur. Déportation simple.
Paschal Grousset, inculpé de la même manière, et spécialement, en outre, de soustraction de titres et de vol de papiers, n’est déclaré coupable que d’attentat, d’excitation, de levée de troupes et d’usurpation de fonctions. Déportation dans une enceinte fortifiée.
Augustin Verdure, inculpé comme Rastoul, est l’objet du même verdict. Déportation dans une enceinte fortifiée. [Dont il mourra, premier déporté à mourir en Nouvelle-Calédonie.]
Ferrat, inculpé de même, n’est déclaré coupable que d’attentat, d’excitation et de levée de troupes. Déportation dans une enceinte fortifiée.
Baptiste Descamps, inculpé pareillement, est déclaré non coupable sur tous les chefs. Acquitté.
Victor Joseph Clément, inculpé de la même manière, n’est déclaré coupable que d’usurpation de fonctions, avec circonstances atténuantes. Trois mois de prison.
Gustave Courbet, inculpé d’attentat, d’excitation et de levée de troupes, d’usurpation de fonctions et de complicité de destruction de monuments, n’est déclaré coupable que sur ce dernier chef. Six mois de prison et 500 fr. d’amende.
Ulysse Parent, inculpé d’attentat, d’excitation, de levée de troupes et d’usurpation de fonctions, est déclaré non coupable sur tous les chefs. Acquitté. [Je reviendrai certainement sur Ulysse Parent dans un prochain article.]
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Les voici tous écoutant la lecture du verdict, sur une gravure du Monde illustré dont j’ai déjà publié un détail, de gauche à droite et de haut en bas (séparés par des gardes), Clément, Courbet, Parent, Ferrat, Verdure, puis Trinquet, Régère, Champy, Lullier Descamps, Grousset, enfin Ferré, Assi, Urbain, Billioray, Jourde, Rastoul.
Livres cités
Troisième conseil de guerre, Procès des membres de la Commune, Versailles (1871).
Trinquet (Alexis), Dans l’enfer du bagne, texte présenté par Bruno Fuligni, Les Arènes (2013).