Dans cet article, le 74e et le 36e de marche, autour des fortifications, attendent d’entrer dans Paris… Les soldats Bernard Gazagne et Benoît, que j’ai présentés dans l’article introductif de cette série, nous en disent plus.
Bernard Gazagne
2 mai. — Cher ami
Je réponds à ta lettre la quelle j’ai reçue avec grand plaisir anaprenant que tu jouis d’une parfaite santé quant à moi je me porte bien et je désire que cette lettre te trouve dans le même bonheur.
J’ai apris avec grand plaisir ton arivé charmante que vous avez eu et surtout en bonne santé. Toi et tous tes camardes ça n’a été qu’une promenade et un plaisir de voir le pays et surtout de n’avoir jamais campé. Pour nous nous en avons vu aussi mais ce que nous n’avons pas eu la même chance que vous, nous avons presque toujours couché dans l’herbe et sous la neige mais heureusement je ne suis jamais été malade. J’ai appris que tu étais à la noce de ma cousine Marie et avec grande peine de mort de Monsieur Emmanuel Dubourg dont ça m’a bien atristé et dont je me figure la peine de ses parents qu’elle est bien plus forte.
Je te parlerai aprésent de la ville de Versailles dont je te dirai qu’il y a une jolie ville et des faubourgs bien agréables encore plus le chateau de Louis 14 et lui dans la cour à cheval je t’assure que c’est quelque chose qui est beau et dont je pense que les prussiens devait si trouvait bien [c’est là qu’ils ont proclamé leur empire…]. Aprésent je te dirai que nous sommes campés il y a 4 ou 5 jours à côté du Fort Mont-Valérien dont je t’assure que les canons ronflent et dont nous sommes toujours sur les armes prêts apartir. Aujourd’hui même tous les forts tirent sans cesse et dont on entend la fusillade.
À côté du Mont Valérien on voit la ville de Paris mais pas pour remarquer les choses. Je t’assure que c’est déplorable de voir les maisons et surtout le chateau ou nous sommes [Saint-Cloud, particulièrement abimé par les Prussiens]. C’est tout démoli ou brulé c’est quelque chose de pitoyable. Vous autres aprésent ca doit vous avoir donné un grand contentement de vous en revenir à votre maison paternelle et encore plus d’être auprès de ces jeunes filles qu’elles doivent être frèches comme des roses et a elles encore plus qu’a vous autres de vous revoir, qu’elles devait être perdues d’avoir perdus ce qu’elles aiment le plus. Chacun devait avoir tiré son plan l’unes de se faire sœur, les autres de mourir pures et vierges, et aprésent que vous êtes arrivés tout ça doit sauter en l’air. A présent il me semble voir que du vas être de noce presque chaque mardi parce que toutes meurent d’une faim extrème. Je ne te parle pas de l’affaire de Courbevoie tu as lu la lettre de mes parents tu dois l’avoir vue.
Anatendant le plaisir de te voir et de pouvoir quauser ensemble.
Je te salue ton tout dévoué ami
B. Gazagne
3e Compagnie du 3e Bataillon 74e de la Marche
25e Corps d’Armée
Benoît
6 mai. — Nantère, le 6 mai 1871 [L’orthographe de cette lettre est très rudimentaire, mais tout se comprend très bien en la lisant à voix haute]
Cher Tente,
Je m’emprexe de vous écrire ses deux mots pour vous donné de mes nouvelles et en demender des votre; quand à mois, je me porte bien pour le moment et je désir de tous mon cœur que ma lettre vous trouve de même.
Cher tente et cher parents, jé rester tous liver à Tarbes, bien tranquil, mai mentenent ce n’et la même chose; je ne suit pas été avec les Prussiens, mais je suis avec les Parisiens [il veut dire « contre »]. Je vous diré que nous nous sommes batus 8 jour san quiter; à pret nous sommes été relever par des ranfor qui son ta river du nor [sans doute des prisonniers libérés par les Prussiens]; nous avons perdu beaucouc du monde et le canon qui tire jour et nui jamais il a tirer a pret les Prussiens comme dens se moment cie; cet omteux de voire les Français se batre en sables [ensemble] et les morts et les blésé de tous les coter, les enbulance en son plène, les garde national de Paris die quel feret plutot sauter la ville que de ce rendre. Nous sommes toujour au tour des fortifications, mais nous ne pouvont pa rentré dens Paris, les baricade et les canons se touche dens les rus de Paris. Le jénéral qui nous commende a die qui lui falet 20 mille hommes et en cor 20 miles à pres pour tenir l’ordre. Nous voulons le prendre à la saux, il y aura plus d’une tête qui restera sur le carot. Les fammes monte la garde comme les soldats [c’est donc des fédérés qu’il parle maintenant]; le jénérale qui les commendes, cet un amériquint [Cluseret], un fini de bien faire [bon à rien]. Cher parent, je ne suis plus avec le commendent Bourdilion, il et mort il y a un moi. Je le regrete beaucoup, mais pour tent je ne suis pas malereux, je suis avec le collonele du 36 de marche, jès deux chevaux à panser et ses tenus à brossé, mais bien souvent nous couchons déor, mais ses mesieur i couche bien et moi ousie. Nous sommes bien nourie: un demie littre de vin par jour et la goute qui nous menque pas.
Cher parent, voixie la 2e lettre que j’é écrie depuis un moi. Je neu sui pas étonner que vous les aver pas reçu parseque autour de Paris tous les postes son démolie. Jé été à Versailles pour la mettre à la poste parse que vous l’auriez pas recu.
Cher tente, fait moi réponse de suite, de suite. Vous me ferié bien plésir et marqué moi les nouvelles du péy.
Je vous fait bien dé compliments à toute la méson et et mon père et tous la boutique et tous seux qui demanderont de mes nouvelles. Je vous en vois mon portrait pour souvenir, si par foit je reste dans les ru de Paris.
Monsieur Benoit, cavalier à au 36 de marche
ardonance du Colonel Daust [Colonel Davout duc d’Auerstaedt]
Duc d’Auestad, à Nanterre
(Cher amie vous ne ferez pas atantion, jé mall écrie)
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Le panorama représente « La lutte entre les troupes régulières et les fédérés à l’ouest de Paris », il est dû à Michel Charles Fichot et se trouve au musée Carnavalet.
Références pour ces lettres
Souverville (Guy-Pierre), La Commune de Paris vue par Bernard Gazagne, forgeron de Seilh, Revue de Comminges, Pyrénées Centrales, Saint-Gaudens, vol. 95 (1981).
Dautry (Jean), Trois documents auvergnats concernant la Commune, La Pensée n°82, novembre-décembre 1958, p.122.