Il ne paraît que deux numéros du Drapeau rouge, de Gustave Maroteau, dont nous avons vu l’éditorial du premier dans l’article précédent. Le deuxième, daté du 4 novembre, appelle à voter « non » au plébiscite du 3 novembre (ce qui indique que ce journal est daté du lendemain). Apparemment, un autre Drapeau rouge paraît à Lyon le 26 novembre (mais je ne sais pas pour combien de numéros), ce qui nous oblige à signaler, et ce n’est pas trop tôt, dans ces articles très parisiens, que le drapeau rouge flotte toujours — depuis le 4 septembre — sur l’Hôtel de Ville de Lyon.

Plébiscite à Paris, donc. Pendant que, peut-être les hommes de Ménilmontant votent « non » — le vingtième est le seul arrondissement où les non ont été majoritaires —, une centaine de (selon le Journal des Débats) ou trois cents (selon Le Constitutionnel) femmes de ce quartier arborant un drapeau rouge (porté par une virago, selon Paris-Journal) arrivent à l’Hôtel de Ville pour entretenir le gouvernement de la question des subsistances — mais on n’entre pas à l’Hôtel de Ville… Je passe les autres commentaires des journaux.

Ce sont bien sûr des drapeaux tricolores qu’arborent les bataillons de la Garde nationale pendant le siège. Le drapeau que Jules Ferry offre aux Volontaires de Belleville n’est certes pas un drapeau rouge ! Il n’y a pas, en décembre, de mouvement insurrectionnel pour le faire flotter — « ses longs plis au combat déployés » —, mais il est bien toujours là. Voyez le 20 décembre au club de la Reine-Blanche. On y parle de proclamation de la Commune

Un dernier orateur, qui arrive de L’Élysée-Montmartre, annonce qu’on y a décidé que la Commune adopterait le drapeau rouge. (Mouvements divers.) L’orateur saisit cette occasion pour réhabiliter la couleur rouge que les réactionnaires ont calomniée.

Il y va assez fort, en passant par Prométhée et Apollon, ce qui impatiente l’auditoire. Puis

il explique que, dans le drapeau tricolore, le blanc signifiait le roi, le bleu la loi et le rouge le peuple. Eh bien, nous n’avons plus le roi, et c’est le peuple qui fait la loi. Le rouge est donc la couleur naturelle du drapeau de la République (Cette explication ingénieuse est favorablement accueillie, quoique sans enthousiasme.) Le président y ajoute, dans un langage moins élevé, mais plus accessible, que le rouge ne fait plus peur aujourd’hui qu’aux bestiaux et aux dindons. (Rires et applaudissements.)

Je vous laisse faire vos commentaires sur le ton employé par le journaliste qui n’est peut-être pas un dindon mais est, à n’en pas douter, un réactionnaire.

22 janvier. — La journée insurrectionnelle suivante est celle du 22 janvier… qui commence le 21 janvier 1871, soir où il y a, bien sûr, un drapeau rouge pour aller libérer Gustave Flourens à Mazas. Le lendemain, le 101e (toujours celui de Duval, dans le treizième), arrive place de l’Hôtel de Ville avec des guidons (ce qui veut dire des étendards) rouges « tels des oriflammes ». Selon Bourgin, le drapeau rouge flotte alors sur plusieurs arrondissements.

S’il flotte toujours, à Lyon, sur l’Hôtel de Ville, le drapeau rouge réapparaît en force à Paris, le 24 février, sur la colonne de Juillet place de la Bastille — entre des drapeaux tricolores. J’en ai déjà parlé. Voici le récit qu’en fait Dommanget :

Tandis que tout autour, en spirale, on fit un mélange de drapeaux tricolores munis de nœuds de crêpe noir entremêlés d’immenses couronnes d’immortelles, au faîte, le génie de la Liberté fut couronné d’un drapeau rouge et ceint d’une immense écharpe de même couleur flottant à deux ou trois mètres. L’opération se fit le 25 février grâce au courage du caporal-enseigne de la colonne : Rolland. […] les autorités virent dans ce geste un défi [qui] fut relevé par le ministre de la Marine.

C’est ce moment (26 février), que Victorine Brocher évoque :

il [son capitaine] voulut mettre à ma boutonnière un ruban bleu que je refusai ; il parut très étonné, il me demanda pourquoi je ne voulais pas  porter ce ruban ; je lui répondis qu’étant républicaine, si je voulais faire un choix, je prendrais le ruban rouge, mais que je considérais les insignes de nulle importance, que ce n’était pas la preuve de convictions. 

La suite est dans une déclaration, portant le timbre de la Fédération de la garde nationale que Le Père Duchêne a publiée dans son n° 3 du 18 ventôse an 79 (8 mars 1871) :

Le soussigné déclare que le ministre de la marine m’a engagé à porter en remplacement du drapeau rouge le drapeau tricolore avec cette inscription : Vivent les marins de la République, défenseurs de la Patrie !
Le soussigné est monté à deux fois différentes pour planter ce drapeau tricolore ; il a jeté bas le drapeau rouge.

À la suite de ce fait, le chef de poste, Landrieux, a mis trois matelots en état d’arrestation et le lendemain 8 mars il m’a fait remettre le pavillon rouge qui appartenait au 199e, par le matelot signataire, et jeter bas le drapeau tricolore.
Santillan (Pierre)
8e compagnie 12e batterie
à bord de la Savoie

Et simultanément, le journal annonçait qu’à Lyon, la réaction avait « foutu bas » le drapeau rouge.

Notre dernière étape avant le 18 mars est un article de Jules Vallès,
paru dans Le Cri du peuple du 9 mars.

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J’ai déjà utilisé l’image de couverture plusieurs fois — ici pour ce fragment.

Livres utilisés

Bourgin (Georges), La Commune, Les Éditions nationales (1939).

Dommanget (Maurice)Histoire du drapeau rouge: des origines à la guerre de 1939, Librairie de l’Étoile (1966).

Brocher (Victorine), Souvenirs d’une morte vivante Une femme dans la Commune de 1871, Libertalia (2017).