Nous sommes en 1870 et Alexis Trinquet travaille à La Marseillaise (voir l’article précédent).
Voici quelques petites nouvelles de la famille. Dans les listes de souscription pour l’érection d’un monument à la mémoire de Victor Noir, La Marseillaise publie, dans son numéro daté du 30 janvier, une « citoyenne Trinquet », qui donne 25 centimes, suivie par « le citoyen Trinquet fils, républicain de 12 ans qui refusera l’impôt du sang » (c’est-à-dire la conscription), qui donne aussi 25 centimes… et je ne suis pas seule à relever cette mention, qui fait hurler Le Figaro « Pas bête, le jeune citoyen Trinquet ! »
On voit aussi apparaître le nom d’Alexis Trinquet dans cette liste de souscription, pour 50 centimes, dans le journal daté du 9 février, qui paraît le 8… jour où il est arrêté place du Caire et inculpé à la prison de la Santé (parmi 81 inculpés). Il s’agit des émeutes consécutives à l’arrestation de Rochefort, elle-même consécutive à ses articles après l’assassinat de Victor Noir. Le procès favorise particulièrement Alexis Trinquet, comme le signale La Marseillaise, puisqu’il est condamné à pas moins de six mois de prison et 50 francs d’amende. Selon le journal napoléonien Le Gaulois, il a tiré trois coups de pistolet et crié « Vive la République ! » Son collègue Gustave Puissant raconte, dans La Marseillaise datée du 23 février :
Arrêtés à six heures à la Marseillaise, emmenés sur le pouce par les agents au poste de la rue de la Banque. […] Nous sommes là jusqu’à onze heures et demie, campés sur des bancs en travers du lit de camp, et séparés par des sergents, sans qu’aucun employé, haut ou bas, nous honore de son attention. […] Huit heures. Les sergents tirent de leurs poches des tartines de pain collées par du jambon ou des légumes quelconques qu’ils mastiquent sans se presser. […] l’heure du dîner est passée depuis longtemps ; et on serre les boucles des pantalons.
À propos, pourquoi nous a-t-on arrêtés ? Nous le saurons peut-être demain. […] À chaque minute des inconnus sont passés dans la salle. Cette fois ce sont des amis. Il paraît que, petit à petit, la police vide la Marseillaise. Voilà Salichon, voilà Trinquet qui, en nous voyant, jette sa casquette en l’air et nous broie les mains de joie. Il a crié Vive R…, pour se faire coffrer avec nous.
Les condamnés sont écroués à la Santé, puis à Mazas, peut-être à cause de cas de petite vérole (variole) à la Santé. En tant que prisonniers politiques, ils ont droit à Sainte-Pélagie. Alexis Trinquet écrit au moins deux fois au préfet de police pour réclamer. Il finit par y arriver. C’est en effet de Sainte-Pélagie qu’il envoie de l’argent pour les familles des grévistes du Creuzot, et en juin, pour un monument à Barbès.
Il est encore à Pélagie quand les condamnés du « troisième procès de l’Internationale » sont écroués, mais je ne sais pas quels sont ses rapports avec eux. Comme eux, il est déplacé, en août, à la maison d’arrêt de Beauvais. Comme eux, il est libéré par le changement de régime au 4 septembre.
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L’image de couverture est, bien évidemment, la une de La Marseillaise datée du 22 mars, dont il est question dans cet article!