Le contexte, l’Association internationale des travailleurs cherche un journal, est décrit dans l’article précédent.
La Lutte à outrance paraît à partir du 6 nivôse an 79, en d’autres termes, du 26 décembre 1870 — Paris est assiégé depuis trois mois.
C’est un petit journal de quatre pages. Et il n’est paru que quatre fois, les 6, 12, 19 et 28 nivôse (26 décembre, 1er, 8 et 17 janvier 1871).
Le titre est expliqué dès le début du premier numéro:
Lutte à outrance contre toute restauration monarchique, contre le cléricalisme, contre la féodalité industrielle et contre l’invasion étrangère.
Il porte en sous-titre « Journal du club de l’École de médecine », ce qui mérite un petit commentaire: le club de l’École de médecine est un club et son nom lui vient du fait qu’il se réunit dans le grand amphithéâtre de la Faculté de médecine, rue de l’École de médecine — un quartier à la mixité sociale difficile à imaginer aujourd’hui (voir les articles sur la rue Dauphine et la rue Larrey, qui est d’ailleurs l’adresse du journal). Ne pas croire qu’il s’agit d’un club de médecins! Il n’est pourtant pas tout à fait exact qu’aucun nom de médecin ou d’étudiant en médecine ne figure parmi ses membres: le docteur Tony-Moilin en est, si l’on en croit les comptes rendus que publie le journal.
On y retrouve aussi Alphonse Humbert, Charles Beslay, Francisco Salvador Daniel, et Émile Lacord, un cuisinier, qui est membre du conseil fédéral de l’Association internationale des travailleurs (voir l’article précédent). Plusieurs sont des militants blanquistes.
Le président du club est Armand Lévy, un fabricant de caoutchouc, qui est, lui aussi, membre de l’Association internationale.
C’est le journal du club et il publie des comptes rendus de ses (fréquentes) réunions. Mais pas seulement: le numéro 3 porte, sur toute sa une, le texte de la célèbre « Affiche rouge » (dans une typographie un peu étonnante: le
Place au peuple! Place à la Commune!
n’occupe pas autant de place qu’on pourrait s’y attendre…) et sa liste de signataires, dont tous les membres du club que j’ai nommés ci-dessus font partie.
Si l’on en croit ce qui s’est dit à la réunion du 12 janvier du conseil fédéral de l’Association internationale, les trois premiers numéros du journal ont été tirés à 5000, 8000, 12000 exemplaires respectivement.
Il reste à parler du numéro 4. Il paraît, comme je l’ai dit, le 17 janvier, après, donc la réunion du conseil fédéral de l’Association internationale du 12. Il est orné d’un nouveau sous-titre
Tribune de l’Association internationale des travailleurs
expliqué en page 2.
TRIBUNE de
l’Association internationale des travailleurs
Le Conseil fédéral de l’Association internationale des travailleurs a, dans sa séance de jeudi 12 janvier, adopté le journal la Lutte à outrance, de telle sorte que chaque numéro contiendra désormais, sous le titre de Tribune de l’Association internationale des travailleurs, des articles émanant d’une Commission spéciale choisie par ledit Conseil ou transmis par elle, et traitant les questions qui intéressent les travailleurs, tant d’un point de vue général que du point de vue des besoins de chaque corps de métier.
Les fondateurs de la Lutte à outrance ont exprimé le vif désir que ce journal pût devenir, en se développant, un organe important des intérêts ouvriers et la propriété exclusive des travailleurs. En attendant il va sans dire que le conseil fédéral n’est responsable que de ce qui est imprimé sous le titre de Tribune de l’association internationale des travailleurs. Et il est entendu que les rédacteurs de la partie politique du journal, restant fidèles à leur programme, ne songent à favoriser que l’affranchissement collectif des travailleurs qui doivent tendre à se sauver non individuellement ni séparément, mais tous ensemble.
Mais hélas, ce fut le dernier numéro du journal…
Livre et article utilisés
Les séances officielles de l’Internationale à Paris pendant le siège et pendant la Commune, Lachaud (1872).
Pigeart-Micault (Natalie), Faculté et Académie de médecine face à la Commune de Paris, Parlement[s], revue d’histoire politique n°18 (2012).
*
Les quatre numéros du journal et leurs sommaires sont en ligne, cliquer ici.