J’intercale ici un article d’actualité.

Le portrait a été dessiné par Fred Sochard et je l’en remercie très chaleureusement.

L’article est un entretien paru dans la revue en ligne Ballast (je vous laisse aller le lire, profitez-en pour découvrir ce beau journal), et c’est d’ailleurs pour cet entretien que Fred Sochard a créé ce beau portrait.

Les quatre autographes… eh bien… non, ils ne sont pas dans des collections privées, enfin, si, il y en a, mais ce n’est pas d’eux que je parle ici, ils sont dans les collections d’autographes de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Si la découverte de lettres manuscrites est, évidemment, émouvante, même pour les moins fétichistes d’entre nous, celles-ci ne nous apprennent rien de décisif sur Eugène Varlin.

N’empêche, si je les avais connues plus tôt, elles auraient trouvé leur place dans Eugène Varlin, ouvrier relieur (1839-1871). Pas de quoi en faire un nouveau « Libertalia plus une page » quand même!

Voici, par ordre chronologique, le contenu de ces autographes. Les deux premiers sont des lettres, le contexte est celui du « deuxième procès de l’Internationale« , en 1868. Pour commencer, une information envoyée à un journal (le rédacteur destinataire a ajouté « Fait » en haut de la feuille). Ils ont été condamnés, ils ont fait appel…

Paris, le 11 juin 1868

Monsieur

Les neuf membres de la commission parisienne de l’Association internationale des travailleurs sont assignés à comparaître vendredi prochain 19 courant devant la Chambre des Appels de Police correctionnelle pour soutenir l’appel interjeté par eux du jugement rendu par la 6e chambre le 22 mai dernier les condamnant chacun à trois mois de prison et cent francs d’amende.

Nous vous prions d’insérer

Salut empressé

Varlin

Ils vont donc en appel, la condamnation est maintenue, ils sont incarcérés le 6 juillet. De Sainte-Pélagie, Varlin écrit plusieurs lettres vraiment passionnantes (recueillies dans le livre cité). Et sans doute beaucoup d’autres. Dont celle-ci:

Ste Pélagie, le 3 août 1868

Monsieur,

Je reçois seulement aujourd’hui l’avis que vous m’adressez dans la lettre du 29 juillet d’avoir à me présenter le lendemain au greffe de la cour impériale. Je suppose qu’il s’agit des papiers que j’avais réclamés à Monsieur le procureur général parmi ceux saisis chez moi pour l’affaire de l’Association internationale. Comme je suis en ce moment à Ste-Pélagie pour purger la condamnation à 3 mois de prison que j’ai encouru[e] pour cette affaire, je vous serai obligé de bien vouloir garder ces papiers à ma disposition pour le mois d’octobre, époque de ma sortie.

Je vous salue

E. Varlin

33 rue Dauphine

Les deux autres autographes datent de mai 1871, pendant la Commune.

Le premier est du 1er mai 1871. C’est une liste d’aliments, 4000 litres de haricots, 4000 litres de pois verts ronds, et d’autres (fromage, sucre, café, harengs…) pour lesquels des bons doivent être donnés à la mairie du douzième (sans doute pour magasins municipaux), signé par Alphonse Lonclas, élu du douzième, qu’Eugène Varlin, élu aux Subsistances, a signée lui aussi, après ce commentaire:

Ces denrées doivent être prises par le soin de la municipalité du 12e pour être vendues comme il est convenu.

E. Varlin

Eugène Varlin est aussi élu du sixième arrondissement et comme tel officier d’état civil. On le voit célébrer des mariages (voir, toujours, le livre cité), il a aussi signé des extraits d’actes, la BhVP conserve ainsi un extrait d’acte de décès délivré le 3 mai pour un journalier décédé rue Jacob le 5 octobre 1870, au bas duquel Eugène Varlin a écrit sa signature.

Et c’est tout pour aujourd’hui!

À suivre

Le livre cité est, toujours,

Eugène Varlin, ouvrier relieur 1839-1871, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia (2019).

Les cotes des documents sont, dans l’ordre, Ms 1141-229, Ms 3118-355, Ms 1141-231, Ms 1141-230. Merci à la bibliothèque historique de bien vouloir accueillir les chercheurs pendant les travaux et la fermeture de la salle de lecture.