Le 11 octobre, le comité de vigilance du dixième s’est adressé à la population de l’arrondissement (texte paru dans La Patrie en danger datée du 13 octobre) — la citation en vert:
Le comité républicain de vigilance
aux habitants du Xme arrondissement
Citoyens,
Le Comité de vigilance nommé par vous en assemblée populaire avait pour mission de prêter son concours à la municipalité provisoire du Xe arrondissement pour résoudre les questions urgentes de l’armement, des subsistances et de la police.
Nous avons accepté ce mandat, avec la conviction que l’élection de la Commune de Paris, promise pour la date du 28 septembre 1870, y mettrait tout naturellement un terme.
[Mais le gouvernement a ajourné.]
En présence de cet état de choses, absolument incompatible avec les idées et les principes républicains il nous est impossible de continuer plus longtemps l’œuvre commencée.
[Le comité n’a plus de raison d’être, et sa retraite évitera les conflits avec le maire O’Reilly, qui a voté contre l’élection de la Commune.]
Notre œuvre n’aura pas été stérile. Douze bataillons de la garde nationale doivent leur organisation à notre initiative. La question des subsistances est en bonne voie de solution, et la police de l’arrondissement a subi des modifications importantes.
À l’avenir comme par le passé, nous resterons fidèles à la cause du peuple, qui est celle de la République universelle, démocratique et SOCIALE.
Ont signé: Ansel, Andreux, Bélin,
Bellavoine, L. Boudier, Clamouse,
A. Claris, Chicaneau, Force, Froissard,
A. Glatigny, Murat, Picard, Rivot,
Pagnerre, Dr Rastoul, Deplanque,
E. Lepelletier, L. M. Thélidon, A. Moreau, Rollet.
Paris, 20 vendémiaire an LXXIX.
Ce texte a été lu la veille 10 octobre, au « Comité républicain du dixième arrondissement », qui se réunit 77 rue du Château-d’Eau (le compte rendu est dans La Patrie en danger datée du 14 octobre). Ce comité se réunit à nouveau le 12 octobre sous la présidence de Thélidon. Les assesseurs sont Parent et Claris. Les animateurs sont certainement les mêmes qu’au comité de vigilance, fonctionnant ici plutôt comme club que comme comité municipal.
Aristide Claris étant un collaborateur de La Patrie en danger, il n’est pas étonnant qu’un compte rendu signé de son nom paraisse dans ce journal — dans le numéro daté du 16. Où je le copie (la citation en vert).
Roux annonce à l’assemblée que son bataillon a été consigné dimanche [le 9 octobre]. Un officier lui a affirmé que c’était pour se tenir prêt à marcher contre les bataillons de Gustave Flourens à Belleville. En présence de cette mesure odieuse, il a dû quitter son bataillon et s’est engagé dans les francs-tireurs de Germain Casse.
Cruveilher demande qu’en présence des bruits de l’arrestation de G. Flourens, une délégation soit nommée par la réunion et envoyée à la Préfecture de police. Cette proposition est acceptée et une heure après on a la certitude que ces bruits étaient faux.
Sur la demande d’une citoyenne, A. Claris fait part de la décision prise par le gouvernement de réorganiser les ambulances établies à Paris. Le service des ambulances serait fait désormais rempli [fait ou rempli, il faut choisir] par des hommes mais non par des dames, conformément au désir des citoyennes du Xe arrondissement [la rédaction embrouillée masque certainement le fait que les « citoyennes » du dixième désirent que le service soit fait par des « dames », en bon français des femmes — j’ajoute une petite pensée pour Alix Payen, qui habite à 250 m de là et qui sera ambulancière en avril].
Sens rappelle que, sous le régime tombé le 4 septembre, les députés de la gauche avaient constamment réclamé la municipalité de Paris. S’ils avaient conservé leurs sentiments à cet égard et mis à exécution leurs promesses, il n’y aurait eu ni trouble ni secousse. Au lieu de cela, ils font emprisonner ou arrêter par des mouchards les républicains qui réclament la Commune. — Ceux qui calomnient la Commune, dit l’orateur, feraient bien d’étudier leur histoire. Il rappelle les mesures prises en 92 et la résistance héroïque de Mayence. Si les hommes du jour avaient l’énergie de Merlin de Thionville, Paris résisterait et la République serait sauvée. L’administration, autant que les avocats [membres du gouvernement, surtout…], a perdu la France. La Commune seule peut faire table rase de tous ces abus.
Elle aurait organisé la levée en masse, en soulevant les départements, et, tout ce que le Gouvernement n’a pas fait, elle l’aurait accompli à cette heure.
Larceneau ne croit pas que la Commune eût fait mieux et plus que le Gouvernement, soit pour la défense, soit pour l’organisation politique de notre pays. — L’Assemblée l’interrompt par des protestations énergiques.
Parent signale une faute considérable du Gouvernement, qui n’a pas voulu, le lendemain de son installation à l’Hôtel de Ville, envoyer des Commissaires de la République pour organiser la levée en masse. S’il avait pris cette mesure de suite, [vue] la gravité de la situation, il ne se serait pas vu dans la nécessité d’expédier un de ses membres en ballon [Gambetta, le 7 octobre, voir l’image de couverture de notre article du 8 octobre], au risque de l’exposer à tomber entre les mains de l’ennemi.
Clootz prouve, chiffres en mains, que Paris ne possède plus que pour quarante-trois jours[s] de pain; et il faut bien se persuader que la Commune seule est capable de bien organiser les subsistances.
À ceux qui demandent ce que la Commune aurait pu faire de plus que le Gouvernement provisoire, le citoyen Lévy répond:
Elle aurait décrété la levée en masse, le rationnement à Paris, l’enseignement laïque pour tous; elle aurait donné une vigoureuse impulsion à la défense de Paris, réorganisé nos finances, et fait rendre gorge aux forbans qui ont pillé la France pendant vingt ans, et muselé les aboyeurs impurs qui insultent et injurient les vrais patriotes, les Blanqui, les Pyat, les Delescluze, les Ledru-Rollin.
À la fin de la séance, le président annonce, au milieu des applaudissements unanimes de la réunion, la démission du préfet de police [remplacé, la veille, par Edmond Adam, comme signalé dans l’article d’hier].
A. Claris
Un autre rédacteur de La Patrie en danger participe, lui, à une réunion publique rue Aumaire, c’est Henri Goullé. Voyez ces propositions! (cet article est à la suite du précédent dans le journal):
Réunion publique du IIIe arrondissement
rue Aumaire
Séance du 13 octobre
L’assemblée adopte les propositions suivantes:
Instruction exclusivement laïque dans tous les arrondissements de Paris;
Annulation des premières élections des officiers de la garde mobile, décrétées et opérées dans un délai qui n’a pas permis à des citoyens de choisir leurs officiers en dehors des postes où ils étaient consignés, cette mesure ayant produit dans plusieurs bataillons un nombre considérable d’abstentions.
L’assemblée a, en outre, été d’avis, à l’unanimité moins 4 voix, de soumettre au Gouvernement le projet de décret suivant:
Considérant qu’il importe au salut public de mettre à la disposition de la nation les établissements de fabrication d’armes de toutes sortes, les moyens de défense dans les plus larges limites,
Le Gouvernement décrète:
Art. 1er. Les ateliers, usines, en général tous établissements pouvant servir à la fabrication d’armes ou de munitions de guerre, et le matériel de ces établissements, sont expropriés pour cause d’utilité publique.
Art. 2. Les propriétaires de ces établissements seront indemnisés par la nation, après la guerre: sur l’estimation contradictoire établie au moment de la réquisition, d’après les produits moyens des trois dernières années, avant la guerre.
Art. 3. Le personnel de ces établissements pourra continuer à fonctionner pour le compte de la nation, tant que la défense nationale aura besoin de leur concours.
Art. 4. À la paix ces établissements pourront être confiés à des associations ouvrières qui les exploiteront pour leur compte, en en payant intégralement le prix à la nation, par annuités prélevées sur les bénéfices réalisés.
Pour extrait du procès-verbal
Le secrétaire,
Henri Goullé
On pourra y repenser le 16 avril — voyez le décret sur les ateliers abandonnés pris par la Commune…
*
L’ambulancière de l’image de couverture ne venait peut-être pas du dixième arrondissement, mais c’était bien une femme! Le dessin est dû à Paul Hadol et vient du livre sur les Femmes de France, via le musée Carnavalet.
Livre cité
Trailles (Paul et Henry), Les femmes de France pendant la guerre et les deux sièges de Paris, Polo (1872).
Cet article a été préparé en juillet 2020.