Voici pour terminer (ou presque) cette série, une lettre (entière) de Gabriel Labertrande, présenté dans le premier article (et dont nous avons déjà lu une lettre de janvier dans un précédent article), ainsi que les derniers extraits de lettres de Germain Dathie.

Gabriel Labertrande

Paris, le 1er juin 71
Très cher frère
La guerre étant terminée je t’écris ces quelques lignes pour te faire savoir que je jouis d’une parfaite santé et je désire que la présente lettre s’en trouve de même chez toi et dans toute ta famille.
Cher frère nous voilà de nouveau en paix et ce n’était pas trop tôt car si tu voyais toutes les atrocités qu’ils ont faits soit au environs de Paris ou dans l’intérieur de la ville, c’est affreux de voir tout cela, je ne te raconte pas tout ce qu’ils ont fait parce que ce serais trop long, je te le raconterais plus tard s’il plait à Dieu.
Cher frère voila déjà dix jour que nous sommes rentré dans Paris mais nous y sommes rentrés tranquilement parceque nous n’y sommes pas rentré les premiers, nous rentrâmes le 22 mai et dans l’affaire de vingt-quatre heures il y a eu trois cent mille hommes dans la capitale [plutôt cent trente mille] et je peu te dire qu’une fois rentré il sont été repoussé rapidement, ils fesaient de baricades ces vrais, mais très souvent ils n’avaient le temps de les finir qu’on lui courrait après et pas plutôt qu’il nous voyait il commencait à se sauver mais d’un pas rapide, enfin dans l’affaire de six jours nous nous sommes été maitre de Paris, Paris est tranquille maintenant comme jamais avait été, car tu peu t’imaginer qu’il y en a quelques mille de mort et même on peu dire plus cent mille [il serait intéressant de savoir d’où ce soldat tenait ces chiffres, le trois cent mille plus haut et le cent mille ici] Paris sera purgé pour quelques années, quant ils ont vu qu’ils ne pouvaient se vanger par la force ils se sont vengé par le feu ils ont incendier tout les plus [beaux] monuments de Paris.
Depuis que nous sommes dans Paris nous avons déjà traversé une partie de la ville, le premier jour nous logâmes dans la rue D’Auteuil et de la au champ de mars. trois jours après nous fimes à la gare de Lyon et hier nous sommes venus ici au dernière position qu’ils occupaient les insurgés c’est un des plus sales quartiers de Paris nous sommes dans les faubourgs maintenant je pense qu’au premier jour on va nous mettre en caserne mais je ne pense pas de rester dans Paris Je t’en dis pas davantage pour le moment sur cela tu feras part de la lettre à la sœur Philomêne enfin à tous les Parents tu lui feras de compliments ainsi qu’à la nièce au frère Emile et a sa famille à Jacque et Colombe à Granet Jules et Eugène ainsi qu’a la cousine fine depuis que nous sommes dans Paris nous nous sommes plus revus avec Camille Achille et Bourdelin tu feras de complims à ses parents de ma part, quant tu me feras réponse tu me feras savoir si la réussite des vers-a-soie a été favorable pour toi pour Philomêne Emile et Jaque. enfin tous. je te quitte en te serrant la main du cœur et je suis pour la vie ton frère Dévoué

G.el Labertrande

Voici mon adresse
L.G. soldat au 22e Bata de chas? à pied 3e Comp. Brigade Berthe aux Buttes-chaumont à Paris Seine
tu me feras savoir si le cousin Louis est retourné de Prusse.

Je suppose que le cousin Louis était prisonnier en Prusse. Gabriel était au Buttes-Chaumont, « dans un des plus sales quartiers de Paris », mais sans doute avait-il été cantonné dans un lieu plus central, ce qui lui avait permis de se munir de ce papier à entête de la garde impériale que nous avons vu sur cette lettre en couverture de notre article de présentation.

Germain Dathie

3 juin. — Nous sommes de garde au Palais du Luxembourg où se trouve établi le quartier-général; nous continuons à faire des visites à domicile pour ramasser toutes les armes: fusils de chasse, pistolets, armes blanches, et capturer les derniers insurgés.

10 juin. — L’ordre se rétablit peu à peu dans Paris, les ouvriers sont occupés à repaver les rues, à déblayer les édifices incendiés, et les agents de police pourchassent les derniers communards [je doute que la lettre de Germain Dathie contienne vraiment ce mot à cette date, voir cet article].

29 juin. — Nous sommes maintenant à l’École de Médecine [peu de chemin depuis le lycée Saint-Louis…]; nous avons repris la vie calme du fort de Vincennes, coupée de jours de garde. j’ai conservé jusqu’ici ma peau de mouton qui m’a été très utile pendant toute la campagne; maintenant, avec le retour du beau temps, les officiers ne veulent plus les voir, c’est pourquoi je vous la fais parvenir par un ami, ce sera un souvenir. On commence à nous équiper à neuf et on nous a promis une permission quand cette opération sera terminée. Nous devons partir dans un instant pour Longchamp à la revue de l’Assemblée nationale [Élégante formulation! C’est l’Assemblée nationale qui passait « l’armée libératrice » en revue ce jour-là! et pas l’inverse!].

8 juillet. — J’ai demandé une permission de 48 heures, mais elle n’a pas été acceptée en raison du trop grand nombre de demandes.

*

L’image de couverture représente la revue du 29 juin à Longchamp, vue par Le Monde illustré du 8 juillet.

Sources

Merci encore une fois à Frédéric Fredj pour les lettres de son ancêtre Gabriel. Les lettres de Germain Dathie viennent, elles, toujours, de

Lettres d’un chasseur à pied pendant le siège de Paris et la Commune 1870-1871 (recueillies par son petit-fils M. F . Bouchez), Comptes rendus et mémoires de la Société archéologique et historique de Clermont-en-Beauvaisis, tome 31 (1962-1964).