Vingt-cinq ans ont passé depuis les « Hommes de la Commune » du premier article de cette série.

On retrouve la plupart des photographies de communards (hommes) dans l’affiche rose « Hommes et martyrs de la Commune ». Son titre est précis:

Vingt-cinquième anniversaire de la Semaine sanglante.

Nous sommes donc en 1896.

J’ai copié cette image (n’hésitez pas à cliquer pour en voir les détails) sur le site du musée Carnavalet. Elle y est dite anonyme, pourtant le nom de son auteur y est inscrit sous le titre:

d’après les dessins de l’époque par C. Prolès

— son auteur est en effet Charles Prolès, comme on le lit aussi dans La Petite République du 23 mai 1896 (et des jours proches):

TRÈS CURIEUX PLACARD

À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Semaine sanglante; Hommes et Martyrs de la Commune, 80 portraits d’après des dessins de l’époque, par Charles Prolès, auteur des cartes historiques de la Commune. — Prix du placard: 0 fr. 10. Pour la vente en gros, s’adresser chez Hayard, éditeur, 146. rue Montmartre. Pour recevoir un exemplaire franco, envoyer 0 fr. 20 en timbres-poste à la même adresse.

On ne manquera pas de constater que les hommes sont toujours des hommes… Il s’agit, encore une fois, seulement d’hommes. Même notre icône nationale, pourtant au faite de sa gloire, n’est toujours pas intégrée dans le panthéon — pas facile, les panthéons, pour les femmes!

« Nos martyrs » occupent les plus gros médaillons: Eugène Varlin, Raoul Rigault, Auguste Vermorel (rangée du haut), Gustave Flourens, Charles Delescluze, Théophile Ferré (rangée du milieu), Tony-Moilin et Jean-Baptiste Millière (rangée du bas). On ne manquera pas de remarquer que Louis Nataniel Rossel ne fait pas partie des martyrs, il occupe une place pas plus grande qu’Eudes, par exemple.

Et pourquoi donc Rochefort occupe-t-il tant de place, et si bien disposé? En pleine affaire Dreyfus…

Une petite mention pour la barricade, en bas à droite, où se retrouvent Flourens à cheval (serions-nous à Rueil?), Vermorel et Delescluze (ah, non, nous sommes sur la barricade du Château d’Eau), Tony-Moilin et Millière (qui ne se sont ni l’un ni l’autre je pense battus sur une barricade), Ferré et Rigault… Eh mais! Il y a une femme — morte, au pied de la barricade. Si j’avais mauvais esprit… (les seules femmes bonnes sont les femmes mortes???).

Il est intéressant de comparer cette image avec celles des « Hommes de la Commune » de 1871.  Eugène Varlin est arrivé dans la mémoire visuelle collective — nous avons vu son portrait apparaître en 1880, mais pas Albert Theisz — il fut pourtant le premier membre de la Commune enterré à Paris après l’amnistie des communards. Quant à Émile Duval, eh bien, sans doute que personne n’avait encore inventé de portrait de lui (il y a pourtant un portrait de Maxime Lisbonne, à la droite du grand médaillon de Gustave Flourens). Benoît Malon non plus n’est pas sur cette image. Pourquoi?

On peut aussi remarquer que Dombrowski, qui, bizarrement, ne figurait pas dans les images de 1871, est arrivé lui aussi dans la mémoire visuelle. Le portrait (sur notre affiche) est inspiré de cette photographie

qui vient (pour nous!) du musée Carnavalet (qui précise bien qu’elle date… d’avant le 23 mai 1871 — date de la mort du modèle — mais pas qui en est l’auteur, ni quand et comment elle est arrivée dans l’espace public!). Il existait pourtant une ou d’autres images, pendant la Commune, notamment celle qui a inspiré la une du Fils du Père Duchêne, à la fin avril.

Mais revenons à notre affiche.

Sans compter les répétitions de la barricade en bas à droite, j’ai vu (et rangé par ordre alphabétique):

Allix, Amouroux, Arnould, Assi, Bergeret, Beslay, Billioray, Blanqui,
Cavalier, Chalain, Champy, Clémence, Clément E, Clément V,
Cluseret, Courbet (deux fois), Cournet, Dacosta (deux fois),
Delescluze, Dereure (deux fois), Dombrowski, Dupont (C),
Eudes, Ferrat, Ferré, Flourens (deux fois), Fontaine, Gaillard père,
Gambon, Gromier (deux fois), Grousset, Henri colonel, Johannard,
Joly, Jourde, La Cécilia, Lefrançais, Lisbonne, Maroteau (deux fois),
Mégy, Simon Meyer, Millière, Miot, Tony-Moilin, Mourot, Peyrouton,
Pilotell, Pindy (deux fois), Pottier (deux fois), Protot, Pyat, Ranc,
Rastoul, Razoua (deux fois), Régère, Raoul Rigault, Rochefort, Rossel,
Sicard, Trinquet, Urbain, Vallès, Varlin, Verdure, Vermersch,
Vermorel, Vésinier, Wroblewski.

Tiens, Lullier a disparu. Il manque aussi beaucoup d’élus. Puisque le mot « photos » figure dans le titre de cet article, il me reste à signaler que la plupart des portraits sont fondés, soit sur les images des « Hommes de la Commune » de 1871 (soit directement sur les portraits qui les ont inspirées). Et pour finir, je glane ce portrait de notre ami Adolphe Clémence (qui était déjà dans les Hommes de la Commune) — et, non, je ne connais pas la photographie qui l’a inspiré.

Celle que je connais a été faite par un photographe lausannois dans les années 1870, on la trouve à l’IISG d’Amsterdam, la voici:

Est-ce bien le même homme?

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