Un éditorial de Rochefort, sous le titre « Les députés soldats », des nouvelles politiques — encore des citations à comparaître pour offense à l’empereur –, dont une information que j’ai déjà donnée, par anticipation, sur nos amis de l’Association internationale,
Les citoyens Combault, Langevin, Avrial, Theisz, Delacour [manque Boyer], condamnés dans le dernier procès de l’Internationale, ont été écroués à Pélagie, mercredi soir [le 20]. Quelques-uns des autres condamnés ne rappelant pas [ne faisant pas appel], mais désirant cependant rester quelques jours encore en liberté, attendent, croyons-nous, lundi prochain [le 25] pour se constituer.
À propos de ceux qui ont été écroués, une simple remarque: Ces citoyens avaient été trouver M. Larousse, le greffier de la 6e chambre, afin qu’il leur délivrât le mandat d’écrou, ce qui leur eût permis de se rendre eux-mêmes à Pélagie.
Ce fonctionnaire leur déclara qu’il allait les faire accompagner par des agents, ne voulant pas, a-t-il dit, de tapage. Sur la réponse de nos amis qu’ils n’avaient point l’intention de faire une manifestation, il n’en persista pas moins dans son idée, et en effet, les condamnés sont entrés à Pélagie avec accompagnement de gendarmes.
Toutes nos troupes sont à la frontière, excepté la maréchaussée… et Larousse.
et des informations sur ce qui se passe à Berlin, on a chanté la Marseillaise à l’Opéra (où l’on donne La Muette de Portici), rappelez-vous, ce n’est pas un hymne national mais un chant révolutionnaire. C’est Achille Dubuc qui nous parle de ce qui se dit à la Chambre, encore des nouvelles de « ces demoiselles » (la presse « officielle »), des informations, dont je retiens que, alors qu’on chantait la Marseillaise à l’Opéra, on chantait la Carmagnole sur les boulevards, que l’empereur partira samedi (le 24) pour l’armée (l’image que j’ai utilisée en couverture de l’article d’hier anticipait cette information) alors que celui qui n’est encore que le roi (de Prusse) Guillaume a déjà quitté Berlin, et d’autres nouvelles de la guerre qui commence, une histoire de chocolatiers autour des arènes de la rue Monge, puis cette annonce:
SOCIALISME
Sous ce titre, nous publierons désormais, le plus régulièrement possible, une série d’études sociales sur toutes les questions à l’ordre du jour.
Ces études emprunteront un haut caractère d’intérêt et une importance toute particulière aux hommes qui les écriront pour la Marseillaise.
En effet, elles ne seront pas l’œuvre d’une individualité, mais l’œuvre collective d’un groupe de citoyens dont les noms ont conquis une légitime popularité dans les luttes de l’Association internationale.
Ce sont des ouvriers qui traiteront les questions intéressant la classe ouvrière — ce sont des travailleurs qui exposeront les revendications du travail.
Ainsi se trouvera atteint le grand but poursuivi par la Marseillaise; — ainsi se trouvera réalisée, en fait, l’idée féconde qui a présidé à sa fondation.
Ce que nous avons toujours voulu ici, c’est unir les deux forces sœurs de la Révolution et du Socialisme.
Ce que nous avons toujours voulu, c’est exposer le programme de la revendication populaire, sous sa double forme — politique et sociale.
ARTHUR ARNOULD
Suit un article signé SERVI et intitulé « La Misère devant l’économie politique », et que je ne reproduis pas. NulLE ne s’étonnera que je garde l’article d’Augustin Verdure sur « Les Femmes ». Ensuite, le complot, par Germain Casse et Raoul Rigault, et le compte rendu de la Haute Cour (à Blois), suivi du compte rendu du Corps législatif.
MOUVEMENT SOCIAL
Les femmes
L’émancipation de la femme est devenue depuis quelques années une des plus graves questions sociales qui agitent le monde des penseurs. En Angleterre, la Chambre des lords est saisie d’un bill tendant à accorder aux femmes mariées la libre administration de leurs biens.
En Amérique, madame Sauton organise des meetings en faveur de l’affranchissement absolu de la femme; déjà des sociétés nombreuses et puissantes sont fondées dans le même but, et l’une d’elle, l’Association des ouvrières de New-York possède un organe spécial, la Révolution, édité par une dame d’une grande énergie, miss Suzanne Anthony.
En Italie, un député, M. Salvatore Morelli, à propos de la loi sur les taxes universitaires, a proposé, il y a quelque temps, un amendement ayant pour but d’exempter du payement des taxes les personnes des deux sexes qui justifieraient de l’impossibilité de les acquitter; et le rapporteur de la loi, M. Chiaves, a déclaré que les grades universitaires pourraient être conférés même aux personnes du sexe féminin.
En Suisse, beaucoup de femmes sont enrôlées dans l’Association internationale des travailleurs et inscrivent en tête de leurs programmes: l’égalité des droits dans l’instruction, l’égalité des droits civils, économiques et politiques, la liberté de travail pour la femme et l’égalité dans le salaire à tâche égale de travail.
En France, le mouvement n’est pas moins accentué. Nous avons vu avec bonheur des dames subir les examens du baccalauréat et sortir victorieuses des épreuves. Nous avons même vu dernièrement, à Paris, Miss Garrit [Garrett] défendre brillamment une thèse médicale devant la Faculté, à l’effet d’obtenir le titre de docteur en médecine. Un journal, le Droit des femmes, soutient énergiquement ce mouvement, et une association, due à l’initiative d’un écrivain de cœur et de talent, Mme André Léo, a été constituée dans le but de préparer par une bonne éducation, une solide instruction, les femmes à l’exercice de leurs droits et de leurs facultés. Une École primaire démocratique de filles, préparatoire aux écoles professionnelles, est à la veille de se fonder sous les auspices de cette association. L’organisation de l’École est arrêtée, la directrice nommée, et les classes doivent s’ouvrir en octobre prochain.
L’âge des élèves est limité de six à douze ans.
La méthode d’enseignement sortira complètement de la vieille routine : point d’abstractions, point de systèmes préconçus, mais l’étude des facultés naturelles de l’enfant, l’enseignement par l’objet, le développement de l’initiative, de la raison et de la force par l’habitude de l’observation et du raisonnement.
Les matières de l’enseignement comprendront: 1° gymnastique; 2° sciences naturelles; 3° dessin; 4° lecture; 5°écriture; 6° langue française; 7° histoire; 8° arithmétique; 9° musique; 10° économie domestique.
Les classes seront courtes et séparées par des repos, des exercices physiques ou des récréations. En général, chaque sujet d’enseignement ne devra pas durer plus d’une demi-heure.
Le droit individuel qui donne les devoirs à l’égard d’autrui est la morale qui sera professée, non à certaines heures, mais en toute occasion.
Les démocrates socialistes verront avec plaisir prospérer cette œuvre basée sur les principes immuables de liberté, d’égalité, de fraternité.
De nombreuses souscriptions ont déjà été réunies. Elles seront suivies de dons plus nombreux encore, nous l’espérons, car il n’existe pas de meilleur moyen pour relever l’homme et le préparer aux austères devoirs de citoyen que de prendre l’enfant en bas âge et de lui inculquer les nobles principes de la démocratie.
Les souscriptions sont reçues chez Mmes N. Reclus, 91 rue des Feuillantines; André Léo, 92, rue Nollet; Maria David, 5 rue Houdon, Montmartre, et chez M. G. Francolin, 16 rue Thévenot.
Cette agitation est de bon augure pour l’avenir. Les femmes ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour obtenir leur affranchissement. Elles ne seront libres que lorsqu’elles seront aussi instruites que les hommes et qu’elles pourront suffire à tous leurs besoins par leur travail et leur talent.
A. VERDURE
Noémi Reclus est apparue sur ce blog, notamment dans cet article, Marie David dans celui-ci, André Léo plusieurs fois, en particulier là, Le Droit des femmes dans encore cet article-ci.
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La gravure utilisée en couverture représente la soutenance de la thèse d’Elizabeth Garrett, elle est parue dans L’Univers illustré daté du 25 juin 1870. Merci à Natalie Pigeard-Micault de me l’avoir envoyée.
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Le journal complet se trouve ici (cliquer).