Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

31. Mardi 18 janvier 1870

Paschal Grousset reprend son « Journal d’un homme libre » et prédit que la Révolution

ne s’arrêtera qu’après avoir établi, sur les ruines du Crime et du Privilège, le règne de la Justice et de l’Égalité;

c’est aujourd’hui que la Chambre va décider d’autoriser les poursuites contre Rochefort, une erreur politique ;

Rochefort s’intéresse plutôt à l’interdiction du portrait de Victor Noir, celui de l’Éclipse que nous avons publié, mais aussi celui de Pilotell dans le Rappel du 12 janvier (c’est en ligne sur Gallica, précisément là, mais impossible à reproduire) ;

Arnould discute lui aussi la question politique du jour, les poursuites contre Rochefort ;

Millière invente les États-Unis d’Europe (avec seulement des Républiques) ;

Francis Enne continue à donner des exemples qui montrent qu’il faut s’armer contre la police ;

Louis Noir s’insurge contre le faussaire Appert (voir l’article d’avant-hier) ;

Cail (le patron) proteste contre l’information donnée l’autre jour ;

au corps législatif, il n’est pas exclu que Jules Simon et Jules Ferry interpellent un jour le gouvernement sur les faits arrivés à Aubin… le 7 octobre dernier, en attendant on parle de pas grand chose mais assez longuement si l’on en croit le compte rendu analytique ;

Raoul Rigault s’attaque aujourd’hui à M. Saillard, conseiller à la cour de cassation ;

encore des suicides dans les nouvelles diverses ;

fin de l’ « Affaire Doineau ».

L’article que j’ai gardé pour aujourd’hui est une lettre, qui a été publiée aussi dans Le Rappel daté du 18 janvier et dans Le Siècle (daté du 18, lui aussi) (avec un texte légèrement différent). Je peux me tromper (évidemment), mais il me semble que c’est la première signature féminine dans le journal.

16 janvier 1870

Monsieur,

Je lis à l’instant, reproduite par un autre journal, cette assertion du Journal des Débats que les femmes qui assistaient à l’enterrement de Victor Noir étaient des femmes interlopes. En face d’une assertion aussi étrange et aussi risquée, j’éprouve le besoin d’affirmer ma présence à cette manifestation. Je ne m’étais pour cela concertée avec personne et m’y suis rendue seulement avec mon fils. Mais j’ai déjà recueilli les regrets de trois femmes de mes amies, empêchées d’assister au convoi par des occupations impérieuses.

Il ne m’était point venu à la pensée d’interroger la condition de celles ni de ceux qui étaient là. Je n’ai senti qu’une immense fraternité ; je n’ai vu qu’une dignité admirable dans toute cette population, au milieu de laquelle je me suis trouvée confondue et portée de groupe en groupe. Il n’y avait là ni rangs, ni sexes, ni conditions sociales, ni toutes ces différences et divisions où triomphe l’esprit aristocratique ; il n’y avait qu’un peuple uni dans une seule passion : la haine du crime et l’amour du droit, la même sous deux faces.

Recevez mes salutations fraternelles.

L. CHAMPSEIX (ANDRÉ LÉO)

Je la complète par une autre lettre, qui paraîtra dans quelques jours, précisément le 21 janvier.

Citoyen rédacteur,

En lisant le journal la Démocratie, j’y trouve un article bien étrange, extrait du Journal des Débats, qui traite d’interlopes les femmes qui assistaient au convoi du malheureux Victor Noir. Je suis allée à cet enterrement avec deux de mes amies, deux citoyennes honorables, et bonnes mères de famille. Je proteste au nom de mes amies contre cette indigne assertion ; il n’est pas permis à un journaliste d’être aussi impudent envers des personnes qu’il ne connaît pas.

Tout ce que je sais, c’est qu’en nous rendant à Neuilly, nous y allions soutenues par la justice et le droit, c’est-à-dire avec de vrais sentiments républicains ; les larmes aux yeux et la vengeance dans le cœur.

Nous ne reconnaissons rien qui permette à un Bonaparte d’assassiner nos enfants.

Si le rédacteur en question pense différemment, qu’il le dise !

Salut et fraternité !

Citoyennes VERDURE, A. RANVIER, A. POIRIER

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La « photo inconnue » d’André Léo utilisée en couverture m’a été transmise par l’Association André Léo (que je remercie). On la trouve sur son site, là.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Tribune militaire et la Question sociale ressaisies, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).