Le 24 novembre 1870, l’armée prussienne bombardait Thionville. Le 24 novembre 1870, à Paris, mourait un poète de vingt-quatre ans, Isidore Ducasse, plus connu sous le nom de Lautréamont.
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Mais c’est à l’Association internationale des travailleurs et à ses sections parisiennes que sont consacrés cet article et les quelques suivants.
En juillet 1870, l’Association internationale des travailleurs montrait, à Paris, une force certaine. Dans une lettre envoyée au Conseil général à Londres et lue le 19 juillet, la fédération parisienne annonçait trente-six sections. Après un procès qui condamnait ses militants les plus en vue, elle était capable de produire et de publier le 12 juillet un manifeste contre la guerre signé par quatre cents de ses adhérents et adhérentes — il est vrai que les condamnés n’étaient pas encore écroués — et soutenu par davantage de membres et de sections dans les jours qui suivaient (voir cet article).
C’était encore le cas en septembre. Nous avons vu et nous continuerons de voir des membres « notoires » (tout est relatif) de l’Association internationale agir dans différents comités, dans différentes réunions publiques. Ils étaient à l’initiative de la formation des comités de vigilance (réunion de la rue Aumaire) — voir notre article du 6 septembre — , ils sont dans leurs bataillons, au Comité central des vingt arrondissements…
Mais voilà, l’Association s’y est un peu diluée, dans ces comités de vigilance et dans les réunions publiques. Il y avait tant à faire…
Nous avons lu, sur ce site, les notes prises par Adolphe Clémence, relieur et internationaliste pendant cet automne 1870 (voir cet article et les suivants). Il est de permanence à la Corderie du Temple le 5 septembre, et d’ailleurs il est signataire, comme secrétaire, de la résolution de la Chambre fédérale (voir notre article du 2 septembre). Il lui arrive de se rendre à sa société de secours mutuel, mais surtout il a son service de garde national. Et il n’est pas le seul: les internationaux sont des hommes (pour la plupart) jeunes. Il est souvent « aux remparts ». Il note, à propos des manifestations d’octobre place de l’Hôtel de Ville, que la situation politique s’assombrit, il participe régulièrement à des réunions publiques salle Bourdon, il lui arrive une fois d’aller à la Marmite et d’y rencontrer Eugène Varlin — mais il ne mentionne plus de réunion de sa section de l’Association internationale. Il est pourtant un des internationaux (de la rive droite) qui signeront l’affiche rouge en janvier.
Et puis, il n’y a pas que les remparts: c’est vraiment la guerre. Eugène Varlin le fera remarquer au cours d’une réunion du conseil fédéral de l’Association le 26 janvier:
Le malheur a durement atteint les sections des Ternes et des Batignolles pendant le siège. La mort d’associés nous laisse sept orphelins sur les bras.
Qu’en est-il de l’organisation?
La première réunion du conseil fédéral dont il reste une trace a lieu le 5 janvier 1871 — c’est un peu plus qu’une trace, c’est un procès verbal. J’en ai déjà parlé, j’en reparlerai le moment venu.
Mais, qu’en est-il des sections?
Un long et remarquable article de Jacques Rougerie étudie la situation de l’Association de façon très détaillée. En particulier, l’auteur a recensé les réunions de sections dont il est resté des traces, en général parce qu’elles avaient été annoncées dans la presse. Dans le prochain article, je dresse une liste chronologique des annonces parues dans La Patrie en danger et Le Rappel. J’ai ajouté des informations venues du livre de Dautry et Scheler. Ce sera le contenu du prochain article.
Le 26 novembre, une proclamation (peu connue, mais qu’est-ce qui est bien connu, dans cette histoire?) de l’Association internationale et des sociétés ouvrières est publiée dans La Patrie en danger, on la trouvera donc à cette date.
Le 28, je rendrai compte de quelques petites publications un peu étonnantes de membres de l’Association internationale dans le même journal.
Je reviendrai ensuite à l’Association internationale et à ses difficultés au mois de décembre.
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L’ « image d’Épinal » utilisée en couverture est une image… de Metz, elle représente le bombardement de Thionville, il y a cent cinquante ans. Je l’ai copiée sur le site du musée Carnavalet, là.
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Je remercie Mathieu Léonard pour les sources qu’il m’a indiquées après ma question sur une page de son livre.
L’article de Jacques Rougerie est disponible en ligne sur le site du journal, ici.
Livres et articles utilisés
Rougerie (Jacques), L’A.I.T. et le mouvement ouvrier à Paris pendant les événements de 1870-1871, International Review of Social History, volume 17 (1972), p.3-102.
Dautry (Jean) et Scheler (Lucien), Le Comité central républicain des vingt arrondissements de Paris, Éditions sociales (1960).
Léonard (Mathieu), L’émancipation des travailleurs Une histoire de la première Internationale, La Fabrique (2011).
Cet article a été préparé en mai 2020.