Après avoir lancé son « dernier mot » le 12 février (voir notre article à cette date), Auguste Blanqui est parti pour Bordeaux.

Avec Édouard Vaillant, dit Dommanget: Vaillant aurait été « délégué de la Corderie ». Il y a bien eu une réunion du Comité central des Vingt arrondissements à la Corderie le 12 février, à laquelle Vaillant participait, mais je n’ai pas vu qu’il ait été décidé d’envoyer un délégué à Bordeaux.

Avec Gustave Tridon, disent Dommanget et Geffroy. Gustave Tridon a été élu député, pas par Paris, nous l’avons vu (voir les résultats parisiens dans notre article du 14 février), mais par le département de la Côte-d’Or.

Aller de Paris à Bordeaux en février 1871 n’est ni simple, ni rapide. Il faut traverser les lignes prussiennes, peut-être plusieurs fois. D’après Dommanget, Auguste Blanqui utilise l’identité « Frédéric Rastoul ». N’oubliez pas qu’il est recherché — par la police française.

Je ne sais pas s’il prend des trains, par où il passe, où il s’arrête. En tout cas, il met plus longtemps que Victor Hugo (voir les vingt-cinq heures dans notre article d’hier 18 février).

Aujourd’hui seulement, 19 février, Auguste Blanqui arrive à Bordeaux. Il y voit Arthur Ranc, qui est un de ses plus anciens amis. Arthur Ranc a quitté Paris en octobre et en ballon pour rejoindre Gambetta à Tours — puis à Bordeaux. D’après Dommanget, il envisage

l’idée de ménager une rencontre entre Blanqui et Gambetta mais il y renonce, redoutant que « l’esprit aisément soupçonneux » du « Vieux » ne fût heurté par « l’exubérance et la fougue du jeune tribun ». Quelques temps après, Ranc s’étant ouvert de ce projet aux intéressés, ses amis communs, chacun d’eux exprima le regret qu’il n’eût point été mis à exécution.

Ni Tridon ni Ranc ne sont restés très longtemps à Bordeaux, ils ont tous deux démissionné, Ranc le 2 et Tridon le 3 mars (après le vote du traité de paix). Blanqui est parti encore plus vite, il n’y est peut-être pas resté vingt-quatre heures…

Pourquoi il était venu? Il voulait, dit Dommanget,

disperser l’Assemblée nationale, malgré sa répugnance à se dresser révolutionnairement contre l’émanation du suffrage universel.

Mais, je le cite toujours,

L’idée était séduisante de s’appuyer sur l’opposition de Gambetta et de Ranc comme d’utiliser la présence et le prestige de Garibaldi pour culbuter le Parlement de capitulation et, en conjuguant la résistance provinciale et le mécontentement parisien, reprendre la lutte à outrance. En tout cas, à la date du 19 février, la soumission complète de Gambetta, l’inventaire donné par Ranc, le départ brusqué de Garibaldi, annulaient toute velléité en ce sens. Blanqui n’avait plus qu’à s’en aller.

Et c’est ce qu’il fit.

D’ailleurs, si vous avez suivi tout ce qu’il a fait depuis septembre, et si vous vous souvenez qu’il a soixante-six ans (depuis le 8 février), ce à quoi j’ajoute une bronchite qu’il va bien falloir soigner, vous imaginez sans mal qu’il a besoin de repos. Il rejoint donc sa sœur Sophie, Mme Barrellier, dans la propriété du Docteur Lacambre (qui est le gendre de Sophie Barellier, nous sommes allés, en novembre à l’enterrement de sa belle-sœur, Marie Barrellier, une autre fille de Sophie Barrellier). C’est à Loulié, dans le village de Bretenoux, dans le Lot.

Moins loin que Paris mais pas tout près quand même. Je ne sais combien de temps il met à y arriver (ni avec qui il voyage). Il est là en tout cas début mars, et soigne sa bronchite en s’occupant de la gestion de la propriété — comment couper et débiter les arbres du pré…

Nous sommes déjà en mars, Auguste Blanqui ne le sait pas encore mais nous si, il est condamné à mort (voir notre article du 10 mars). Et puis, nous savons qu’il est à Loulié, mais nous ne sommes pas les seuls hélas (voir notre article du 17 mars).

*

La gravure de couverture montre le grand théâtre de Bordeaux, où se réunit l’Assemblée, le 12 février, date de la séance d’ouverture (même si les députés parisiens n’étaient pas encore officiellement élus, il y avait déjà des députés de province à cette séance. J’ai copié cette image dans Le Monde illustré daté du 18 février 1871.

Livres utilisés

Dommanget (Maurice), Blanqui, la guerre de 1870-71 et la Commune, Domat (1947).

Dautry (Jean) et Scheler (Lucien)Le Comité central républicain des vingt arrondissements de Paris, Éditions sociales (1960).

Geffroy (Gustave)Blanqui L’Enfermé, L’Amourier (2015).

Cet article a été préparé en août 2020.