Les photographes, on le sait, n’ont pas chômé à Paris pendant la Commune.

Je ne vais pas parler ici des photos des barricades joyeuses de mars. Cette série d’articles est consacrée aux portraits. 

Il y a bien sûr les communards dont le photographe vient faire le portrait. Je n’éviterai pas de parler des morts de la guerre versaillaise, que la Commune fait photographier.

Comme je l’ai déjà dit (voir mon article du 9 avril 2021, où j’ai copié cette photographie), un décret de la Commune, le 9 avril, décide de photographier les gardes nationaux morts et pas reconnus. Il y a d’ailleurs des images collectives, celle des douze morts que je pense être du Père Lachaise,

mais aussi celle-ci, plus rare, que l’on trouve dans le livre de Vizetelli (p. 249). Si celui-ci la date de la Commune, Quentin Bajac l’attribue à Disdéri et la date peut-être de Buzenval dans La Commune photographiée. 

Contrairement à ce qu’on lit très souvent, ce ne sont pas des photographies de la Semaine sanglante. En plus de tous les arguments archivaux (dates des photographies, factures et noms des photographes), on voit mal les versaillais s’arrêtant de tuer pour faire photographier leurs victimes… pourquoi faire? Ils avaient mieux à faire à rechercher les vivants… Il n’existe pas de photographie de la Semaine sanglante, ni des morts ni des vivants — à cause de la longueur des temps de pose, en particulier. Je renvoie à mon livre sur la Semaine sanglante. 

*

Mais il y a aussi des communards (vivants) qui sont allés chez le photographe. On a brocardé les officiers de la garde nationale qui aimaient tant les décorations de leur uniforme, aiguillettes et autres. Mais quelques membres de la Commune, obéissant sans doute à un sentiment du même ordre, sont allés se faire photographier, dans une tenue avantageuse, uniforme ou autre… 

Voyez Louis Chalain, avec son nœud papillon, comme nous l’avons vu dans un article précédent.

Louis Chalain

Mais il a fait mieux. Voyez son chapeau haut de forme et son écharpe de membre de la Commune — une photographie qui ne peut dater que des jours de la Commune.

C’est Charles Reutlinger qui l’a éternisé (pour les deux clichés). C’est lui aussi qui a fixé Jean-Louis Pindy avec son képi d’uniforme. 

C’est Étienne Carjat qui a photographié Jules Johannard, et la vareuse d’uniforme date certainement la photo de la Commune. Cette photographie a été utilisée dans la mosaïque du Voleur (que j’ai montrée dans le premier article de cette série).

C’est aussi Étienne Carjat qui a fait cette photographie de Napoléon La Cécilia

et je suppose qu’il l’a faite pendant la Commune (l’uniforme me semble correspondre plus à un général de la Commune qu’à un franc-tireur, ce que La Cécilia était pendant la guerre franco-prussienne).

Jules Bergeret, lui, est allé chez Nadar. C’est l’ « atelier Nadar » qui a signé cette photographie, incontestablement faite pendant la Commune:

Et Adolphe Assi? Il a été photographié (en civil, sans barbe) par Thiébault, peut-être avant la Commune puisque cette image a été utilisée dans une série de caricatures sur « La Commune », mais encore par Thiébault, avec barbe et en uniforme avec tous ses galons

— et cette fois, c’est forcément pendant la Commune. Il y aura aussi un portrait assis (avec encore plus de barbe, en uniforme, sans décorations), cette fois par E. Appert (en prison).

Et c’est de ces portraits d’E. Appert qu’il sera question dans le prochain article. 

Notez que ce sont ces portraits qui ont été utilisés pour graver les « Hommes de la Commune » de notre premier article.

*

La photo de Johannard vient du musée Carnavalet. Celle de Pindy aussi! Et celle de La Cécilia. De même celle de Bergeret. La photo d’Assi vient du musée de la civilisation de Québec.

Livres cités

Vizetelly (Ernest), My Adventures in the Commune Paris 1871, London, Chatto & Windus (1914).

La Commune photographiée, Réunion des musées nationaux (2000).

Audin (Michèle)La Semaine sanglante. Mai 1871, Légendes et comptes, Libertalia (2021).