Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

7. Samedi 25 décembre 1869

Dans sa « Chronique de Paris », Rochefort n’explique pas la différence entre un ministère Ollivier et un ministère Forcade, parce qu’il n’y en a pas ;

Charles Habeneck nous apprend, dans ses nouvelles de Paris, que Napoléon III se teint la barbiche, en noir ou en blond selon qu’il se sent réactionnaire ou libéral ;

Dugué de la Fauconnerie se plaint que le journal se moque de lui, ce qui fait rire Germain Casse ;

Arthur Arnould est lassé des politiciens de l’empire et de la « gauche », et appelle le peuple à marcher en tête du mouvement ;

Augustin Verdure se réjouit que deux ouvriers aient été élus au conseil municipal du Havre ;

le compte rendu des séances du Corps législatif donne des détails bien longs sur l’invalidation des députés que Germain Casse nous a racontée hier ;

un prêtre pédophile (non, ce n’est pas dit en ces termes) est poursuivi à Villeneuve-de-Marsan, c’est dans les « nouvelles diverses », où l’on trouve aussi des détails sur un naufrage ;

au Tribunal un ouvrier devenu aveugle à cause de son travail est débouté de sa demande d’indemnisation par la Compagnie du gaz ;

« La Bourse » va bien, à cause de nouvelles sur le futur gouvernement ;

Mlle Agar accepterait d’être Marie Tudor si on lui trouve de bons partenaires.

J’ai gardé pour aujourd’hui des nouvelles des grèves et la chronique de Francis Enne, dont c’est la première aujourd’hui.

Réclamations et abus

Nos colonnes sont ouvertes à toutes les réclamations et à toutes les dénonciations d’abus.

Le défilé commence :

Un électeur de la 4e circonscription nous demande comment il se fait que la police si habile à filer les républicains n’ait pu encore découvrir l’assassin ou les assassins du maçon trouvé mourant il y a six mois au bas de la rampe de Chaillot, rue Delessert, à Passy.

Notre correspondant n’ignore pas que dans l’affaire Troppmann, le rôle de la police a été complètement nul et qu’il a fallu la presse et les citoyens pour découvrir l’assassin de la famille Kinck.

Un habitant de la rue Sedaine nous communique les faits suivants :

Dimanche soir, vers onze heures, les cris : au secours, à l’assassin, se sont fait entendre, sous les fenêtres du n°19, pas un agent de M. Pietri n’a montré le bout de son tricorne ni fait briller son casse-tête. C’est grâce aux voisins qui menacèrent de porter secours que les agresseurs se sont enfuis.

Lundi, vers minuit, les mêmes faits se sont reproduits à la hauteur du n°8.

Même absence d’agents.

En revanche, les abords des réunions publiques sont encombrés.

Un marin en congé nous demande pourquoi on l’a empêché d’entrer à l’Élysée-Montmartre pour danser. Si c’eût été pour y écouter un discours de réunion publique, on l’eût puni sévèrement. Décidément il faudrait que soldats et marins fussent fixés. Peuvent-ils danser ? Peuvent-ils s’instruire ? Ils n’ont le droit jusqu’ici que de se faire tuer ; cela paraît suffisant au ministre de la guerre.

FRANCIS ENNE

Nouvelles des grèves

On nous annonce à l’instant la cessation de la grève des mégissiers. Ruine d’un côté, famine de l’autre, voilà les causes de l’armistice conclu hier entre les patrons et les ouvriers.

Les grèves des ouvriers layetiers et des ouvriers fondeurs de Marseille continuent. Notre correspondant nous signale un industriel qui aurait juré de manger son grand établissement plutôt que de céder aux réclamations des ouvriers, aussi légitimes et aussi justes qu’elles soient.

Les ouvriers canevassiers de Paris, qui étaient rentrés dans leurs ateliers après une entente amiable avec les patrons, viennent de se remettre en grève ; les conventions acceptées d’abord ayant été ouvertement violées par les fabricants.

Les ouvriers en instruments de chirurgie, tout en continuant la grève, préparent les bases d’une association coopérative de production. C’est la plus belle guerre qu’ils puissent déclarer à leurs exploiteurs.

A. VERDURE

Il serait dommage de ne pas citer ici une lettre datée du 4 novembre, envoyée par Varlin à Aubry à Rouen, à propos de la grève des mégissiers :

Nous sommes en ce moment dans une situation excessivement difficile, par rapport à la grève des mégissiers, qui s’est généralisée depuis la semaine dernière et qui compte un millier de grévistes. Les délégués des sociétés parisiennes, dans les assemblées générales des mégissiers, ont poussé à la grève générale et ont promis le secours matériel et moral de toutes les sociétés. Nous sommes donc, toutes les sociétés parisiennes, engagées dans l’affaire. Ce ne sont plus les ouvriers mégissiers qui luttent contre leurs patrons, mais bien toutes les sociétés ouvrières de Paris.

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L’image de couverture représente le « meurtrier de Pantin », Jean-Baptiste Troppmann. Je l’ai prélevée dans cette page

(que vous pouvez agrandir en cliquant) qui vient de Gallica, là

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Le journal en entier et son sommaire détaillé sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).