Cette série de quatre articles constitue une présentation de La Marseillaise, quotidien qui parut du 18 décembre 1869 au 24 juillet 1870, avec une interruption de quelques jours en février 1870 (toute la rédaction était en prison) et de deux mois, de mai à juillet (le journal était « suspendu »).

Dans son livre « Aventures de ma vie », Rochefort dit :

J’en ai fait un jour le calcul : pas un de mes collaborateurs n’échappa après la Commune aux représailles versaillaises, tous les officiers des conseils de guerre où nous comparûmes appartenant à l’opinion bonapartiste la plus avouée et ne cherchant que l’occasion de venger leur empereur méchamment mis à mal par ces hommes sans foi et sans honneur qu’on appelle des républicains.

Millière assassiné sur les marches du Panthéon, Raoul Rigault fusillé, Paschal Grousset condamné à la déportation, Arnould condamné à la déportation, Gustave Flourens tué à coups de sabre, Breuillé condamné à la déportation, moi condamné à la même peine et déporté par surcroît. Enfin, tous, jusqu’aux typographes qui composaient nos articles.

Dans son numéro daté du 20 août 1871, notre cher Figaro, qui se demandait qui il allait encore bien pouvoir dénoncer, eut l’idée de s’occuper des rédacteurs de La Marseillaise. Il fut nettement plus exhaustif et précis que Rochefort.

Nous avons parcouru attentivement la collection de l’ex-Marseillaise.

L’appoint que la rédaction de cette feuille a fourni à l’insurrection est dans des proportions énormes.

À notre connaissance et sauf erreur, ont été tués, emprisonnés, ou sont en fuite, les rédacteurs dont les noms suivent:

Henri Rochefort, — Paschal Grousset, — Millière, — Raoul Rigault, — Edmond Bazire, — S. Dereure, — Arthur Arnould, — Barberet, — Germain Casse, — Gustave Flourens, — A. Verdure, — Francis Enne, — Gustave Marotteau [sic], — Gustave Puissant, — Alphonse Humbert, — Collot, — C. Boudet, — E. Mourot, — Ulysse Parent, — Arthur Ranc, — Jacques Maillet, — Achille Dubuc, — Antoine Arnauld [sic], — E. Lavigne, — Jules Vallès, –, E. Vermersch, — Charles Dubourg, — Salvador Daniel, — Général J. [sic] Cluseret, — Boursin.

Ne sont pas compromis:

Charles Habeneck, — Ulric de Fonvielle, — Arthur de Fonvielle, — Jules Civry, — Edouard Clerc, — Emile Clerc, — L. Marot, — Antonin Dubost, — J. Labbé, — Malon, — Louis Noir, — L. Money — et les pseudonymes: Gay Badin, L’Ingénu, Barbichon.

Voici des informations sur ces rédacteurs :

  • Henri Rochefort, ne participa pas vraiment à la Commune et quitta Paris le 17 mai mais fut arrêté à Meaux. Le 20 août 1871, il était emprisonné. Ensuite : jugé et déporté en Nouvelle Calédonie, dont il s’évada.
  • Millière, fut assassiné au Panthéon.
  • Raoul Rigault, fut assassiné rue Gay-Lussac.
  • Edmond Bazire, n’a guère fait autre chose pendant la Commune que d’envoyer des correspondances à La Liberté de Bruxelles, selon Maxime Vuillaume, s’était réfugié en Suisse.
  • Simon Dereure, cordonnier, membre de la Commune (élu du dix-huitième), réfugié en Suisse avant de partir pour les États-Unis.
  • Arthur Arnould, membre de la Commune (élu du quatrième), réfugié en Suisse.
  • Jules Barberet, ne semble, ni avoir vraiment participé à la Commune, ni avoir été vraiment poursuivi (il n’a pas de notice dans le Maitron, il n’apparaît pas dans le livre de Vuillaume).
  • Germain Casse, avait été attaché à Paschal Grousset à la délégation aux affaires extérieures pendant la Commune, mais ne semble pas avoir été poursuivi. À la suite de l’article du Figaro qui précède, il a protesté (voir Le Figaro du 24 août 1871, page 2).
  • Gustave Flourens, membre de la Commune (élu du dix-neuvième), fut assassiné à Rueil.
  • Augustin Verdure, membre de la Commune (élu du onzième), comparaissait depuis le 7 août devant le conseil de guerre (procès dit des membres de la Commune), fut déporté en Nouvelle Calédonie, où il mourut.
  • Francis Enne, ne prit pas une grande part à la Commune, sinon écrire quelques articles, était à Londres.
  • Gustave Maroteau (dont je ne vois pas qu’il ait écrit dans la Marseillaise), auteur de beaux articles anticléricaux pendant la Commune, était emprisonné. Il fut condamné à mort, puis déporté en Nouvelle Calédonie, où il mourut.
  • Gustave Puissant, ne semble pas avoir pris part à la Commune, ni avoir été inquiété. Il fut employé comme mouchard par la préfecture de police (à mon avis, il commença juste après la Commune).
  • Alphonse Humbert, rédacteur du Père Duchêne pendant la Commune, était emprisonné. Il fut déporté en Nouvelle Calédonie.
  • Adolphe Collot, menuisier, avait été envoyé en province pendant la Commune, fut arrêté puis déporté en Nouvelle Calédonie.
  • C. Boudet, je ne suis pas sûre des informations que j’ai trouvées.
  • Eugène Mourot, écrivit dans Le Mot d’ordre, journal de Rochefort pendant la Commune, fut arrêté avec Rochefort à Meaux, ensuite déporté en Nouvelle Calédonie.
  • Ulysse Parent, membre de la Commune (élu du neuvième) démissionnaire le 5 avril, avait été arrêté. Il était jugé avec les membres de la Commune. Il fut acquitté.
  • Arthur Ranc, membre de la Commune (élu du neuvième) démissionnaire le 5 avril, n’avait pas été inquiété, et Le Figaro aurait dû le savoir : Ranc s’était présenté aux élections municipales de juillet et avait même failli être élu. Ici commence la fantaisie (ou la bêtise ?).
  • Jacques Maillet, et ici continue la bêtise : Jacques Maillet était, nous le verrons en lisant La Marseillaise, un pseudonyme de Millière, ce qu’apparemment Le Figaro ne savait pas. Mais alors, comment ce Jacques Maillet se retrouvait-il dans cette liste ?
  • Achille Dubuc, je ne sais pas. Il est inconnu du Maitron et donc n’est probablement pas passé en conseil de guerre.
  • Antoine Arnaud, membre de la Commune (élu du troisième), était réfugié à Londres.
  • Ernest Lavigne, avait été très brièvement secrétaire de Rossel, était réfugié à Saint-Petersbourg.
  • Jules Vallès, membre de la Commune (élu du quinzième), était caché à Paris ou peut-être déjà réfugié à Londres.
  • Eugène Vermersch, rédacteur du Père Duchêne pendant la Commune, était réfugié à Londres.
  • Charles Dubourg, qui n’avait signé qu’un article dans La Marsillaise, je ne sais pas. Inconnu du Maitron, il n’est pas passé en conseil de guerre.
  • Francisco Salvador Daniel, avait été nommé directeur du Conservatoire à la fin de la Commune, et assassiné pendant la semaine sanglante.
  • Gustave Cluseret, général de la Commune, était réfugié en Suisse.
  • Boursin, je ne sais pas. Inconnu du Maitron, il n’est pas passé en conseil de guerre.

Pour la deuxième liste:

  • Charles Habeneck, je ne sais pas.
  • Ulric de Fonvielle, Arthur de Fonvielle, ont été anti communards et même, si je comprends bien, ont soutenu l’armée versaillaise.
  • Jules Civry (c’est un pseudonyme), Edouard Clerc, je ne sais pas.
  • Emile Clerc, a collaboré au Vengeur (de Félix Pyat) et à La Commune (de Millière), mais ne semble pas être passé en conseil de guerre.
  • L. Marot, je ne sais pas.
  • Antonin Dubost, semble avoir eu une carrière sans faute pendant la troisième république.
  • J. Labbé, je ne sais pas.
  • Malon, là Le Figaro a raté son coup, Malon avait été membre de la Commune (élu du dix-septième), il était en fuite et en Suisse.
  • Louis Noir, semble avoir été anti-communard (?).
  • L. Money, je ne sais pas.

Les pseudonymes: je ne sais pas qui étaient Gay Badin, ni L’Ingénu. Pourquoi Barbichon est-il un pseudonyme? Et pourquoi Varlin n’est-il pas dans cette liste ?

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J’ai trouvé la belle photographie de Jean-Baptiste Millière sur Gallica, là.