Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.
Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.
20. Vendredi 7 janvier 1870
Pourquoi le nouveau ministre de l’intérieur, Chevandier de Valdrôme, n’autorise-t-il pas la vente publique de La Marseillaise, du Rappel et du Réveil ?;
on continue à dresser la liste des méfaits du régime ;
on critique la modération de la « gauche » à l’assemblée ;
le nouveau gouvernement s’attaque comme le précédent à la presse ;
un colon d’Algérie se plaint des malversations d’un notaire et M. Haussmann défend le notaire, c’est une histoire un peu longue que rapporte Ulric de Fonvielle ;
Simon Dereure donne des nouvelles des « conspirateurs » emprisonnés en Russie, et chez qui on a trouvé des proclamations révolutionnaires, dont l’une, du « grand agitateur russe Bakounine » qui, comme les patriotes polonais, veut la destruction de l’empire russe, mais, contrairement à eux, ne veut pas d’un état polonais ;
Flourens répond à un général « impérialiste » qui prétend que les républicains veulent supprimer l’armée et publie deux lettres qui rendent compte d’atrocités dans l’armée impériale, l’une est signée du citoyen Rabuel, dont on reparlera (dans le numéro daté du 1er février) ;
Millière rêve d’un monde où le travail sera la satisfaction légitime du besoin d’agir et où il n’y aura plus de corrélation entre l’œuvre et la rémunération puisqu’on ne considérera plus que les besoins réels, il se demande comment on évaluera ces besoins, il reste à expliquer, conclut-il, par quels moyens transitoires on pourra commencer à réaliser cette société de l’avenir ;
le « Bulletin du travail » publie une lettre d’Aubry, de Rouen et rend compte de sociétés ouvrières en formation ;
parmi les souscripteurs pour la vache à Gambon, je note Élisée Reclus pour 25 c, mais c’est arbitraire, la liste occupe une pleine colonne ;
les tribunaux continuent à juger des « infractions » à la loi sur les réunions ; la rubrique « Variétés » démarre un compte rendu de « L’Affaire Doineau », qui commence en Algérie à la fin de 1856, par une attaque de la diligence de Tlemcen à Oran.
Je choisis la lettre d’Émile Aubry, en qui nous reconnaissons le correspondant de Varlin, celui chez qui seront saisis, dans quelques mois, des documents que la police conservera pour les utiliser contre l’Association internationale des travailleurs — en particulier la lettre que nous avons utilisée comme présentation du journal… Eugène Varlin lui demandait d’envoyer des articles. En voici un.
BULLETIN DU TRAVAIL
Nouvelles du Denier de la Protection à Rouen
Le citoyen Aubry, l’actif et intelligent secrétaire correspondant des sociétés corporatives de Rouen, nous adresse la lettre suivante :
« Les opinions socialistes de la Marseillaise sont celles que propage et défend la fédération ouvrière rouennaise. Nous avions besoin d’un organe dévoué à nos intérêts ; cet organe, nous croyons l’avoir trouvé dans la feuille que vient de fonder le seul député qui n’a pas craint d’accepter un mandat impératif, ainsi que nous avons essayé d’en jeter l’idée, à Rouen, aux élections générales dernières, en posant hardiment, et à la grande stupéfaction de nos libérâtres bourgeois, une candidature ouvrière sincèrement socialiste et révolutionnaire. Permettez-nous donc de venir combattre à vos côtés pour faire triompher le droit et la justice foulés aux pieds par les argentiers du commerce et de l’industrie.
« Nos amis de Paris ont paru douter que nos seigneurs et maîtres aient eu l’impudence de faire payer par leurs ouvriers les frais de la manifestation protectionniste qui agite notre pays. Nous sommes, à notre grand regret, obligés de dire que le fait est malheureusement vrai.
« Depuis quinze jours, dans différents établissements, des placards sont apposés sur les murailles des ateliers, invitant les ouvriers à verser 10 centimes, la semaine, pour couvrir les frais du comité de la manifestation anti libre échangiste.
« Les propriétaires de ces ateliers sont tous membres du comité, et, afin de déterminer plus promptement les ouvriers au sacrifice, ils crient sur tous les tons que la France a été traitreusement vendue à l’Angleterre, que la liberté commerciale est la cause unique de la crise industrielle et financière, et qu’à l’exemple des bons catholiques, inventeurs du denier de Saint-Pierre, il faut se hâter d’organiser le denier de la protection pour sauver les peuples de la famine.
« L’organe local accrédité des monopoleurs cotonniers a cru devoir faire une réclame spéciale tendant à laisser supposer que les souscriptions sont le fait des ouvriers eux-mêmes et qu’elles sont dues à leur seule initiative. Impossible d’altérer plus impudemment la vérité. Les ouvriers souscrivent et versent leur modeste obole, tout simplement parce qu’ils ne peuvent faire autrement sans s’exposer à se voir expulser des ateliers ; voilà ce que nous sommes à même d’affirmer.
« Nous comptons vous tenir au courant des procédés honnêtes et modérés de ces messieurs. Laissez-nous espérer que vous accueillerez nos communications avec la bienveillance que nos frères de Paris se plaisent tant à vous reconnaître. »
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L’image de couverture était aussi celle de la couverture de l’Éclipse, le 21 novembre 1869, elle vient de Gallica, là.
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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Tribune militaire et la Question sociale ressaisies, sont ici (cliquer).
Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).