Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

30. Lundi 17 janvier 1870

Rochefort proclame sa profonde indifférence aux poursuites qui vont être autorisées contre lui, il jubile même de la faute politique grossière,

c’est pourquoi Troppmann et moi serons exécutés lundi ;

le journal reçoit une imposante protestation de républicains lyonnais ;

la presse est devant le jury, dit Arthur Arnould et, après le drame, c’est une comédie ;

Paschal Grousset continue à énumérer les antécédents de l’assassin Bonaparte, ai-je dit que Paschal Grousset était corse ? (mais Martin Nadaud ne l’est pas, qui donne des informations du même genre au Siècle daté du 18 janvier) ;

dans la « Question sociale », Millière s’intéresse aux relations internationales ;

le feuilleton reprend ;

la revue de presse est fatalement consacrée à la relation de l’enterrement ;

Ulric de Fonvielle a décidément repris la « Tribune militaire » ;

des nouvelles de la chambre syndicale des doreurs sur bois, des mineurs du Pays de Galles, de ceux du comté d’York et de ceux de Waldenburg ;

je vous passe le compte rendu du corps législatif, réellement imbuvable ;

les nouvelles « diverses » le sont, du voleur de Mlle Julie au tremblement de terre de Sacramento en passant par les accidents de voiture à Paris, dont on s’étonne qu’il n’y en ait pas plus, vue la circulation ;

l’assassin du garçon boucher, ayant bénéficié de circonstances atténuantes, a été condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Je vous ai gardé une question qui pose, de façon certes assez naïve et partielle, des problèmes qui seront toujours présents l’année suivante…

LA PROPAGANDE AU VILLAGE

L’idée qui fait l’objet de la lettre suivante, adressée au Progrès de Lyon, n’est pas nouvelle. Nous l’avons déjà plusieurs fois soumise à l’attention des hommes d’initiative de notre parti, et dernièrement encore, un de nos amis, proscrit résidant à Londres, le citoyen Bocquet, insistait pour que la presse démocratique, tout entière, la prît en considération.

Monsieur le rédacteur,

Je vous fais part d’un projet ayant pour but le développement de l’instruction politique chez les habitants des campagnes, projet que j’ai commencé à émettre dans une réunion privée des Brotteaux, lundi soir, 10 courant.

Les considérants sur lesquels s’appuie le projet se résument à peu près en ceci : Qu’est-ce qui a formé le goût de la chose publique dans les grandes villes ? Incontestablement ce sont les journaux. Ce sont eux qui ont aidé à former l’opinion, et qui ont contribué à l’affranchissement du suffrage universel par leurs polémiques. Ce sont eux qui inspirent sans cesse le sentiment politique ou social des masses et fortifient les convictions déjà formées. D’où vient que dans les campagnes tant de scandales s’opèrent au moment des élections ? D’où vient encore que la pression administrative a si facilement gain de cause chez eux ? D’où vient enfin que les paysans ne sont presque, en définitive, que des automates électeurs ? C’est qu’ils manquent de journaux.

Or, monsieur, le plan que j’ai conçu consiste à répandre la lumière dans les campagnes, en leur faisant parvenir gratuitement tous les journaux appartenant à la démocratie.

Le moyen est fort simple, et j’ai déjà commencé à l’élaborer dans la première réunion qui a eu lieu à cet effet. Seulement il est bien entendu que les paysans n’auront le journal au plus tôt que 24 heures après qu’il sera sorti de dessous presse, c’est-à-dire qu’il sera lu auparavant par les abonnés.

Vous devez comprendre, monsieur, que si toutes les communes de France parviennent à recevoir gratuitement tous les journaux de la démocratie, quel immense résultat l’on obtiendra. Notez bien, d’ailleurs, que les journalistes eux-mêmes n’y perdront pas, et que l’électeur des campagnes, finissant par prendre goût au journal, arrivera peu à peu à s’abonner directement afin d’avoir les nouvelles plus rapidement.

Tout le monde gagnera à l’exécution de ce projet, la démocratie surtout ; car c’est, j’en suis convaincu, le seul moyen d’affranchir le suffrage universel, et de le rendre une vérité.

Mais, pour ce faire, il y a besoin immédiatement du concours des journaux. Il y a besoin qu’ils parlent de cette idée et qu’ils la répandent dans les masses. C’est pourquoi je vous en fais part, monsieur, et c’est aussi la raison pour laquelle je vais immédiatement écrire à quelques feuilles parisiennes. — Buchalin.

Nous appuyons fortement le projet du signataire de cette lettre et nous réclamons immédiatement le concours de dix hommes de bonne volonté pour rechercher avec nous les voies et moyens de le mettre à exécution. Nos concitoyens des campagnes ont soif de lumière et de vérité mais ils visent surtout à l’économie.

Lorsque les journaux démocratiques leur parviendront au même prix que les feuilles stipendiées du pouvoir, les paysans n’hésiteront pas : ils prendront ceux qui leur paraîtront le plus favorable à leurs intérêts, c’est-à-dire les organes socialistes.

A.VERDURE

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Le dessin de Pilotell, qui assimile les deux assassins du jour, Troppmann et Pierre Bonaparte, arrive jusqu’à nous grâce à Gallica, ici.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Question sociale et la Tribune militaire ressaisies, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).