Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

32. Mercredi 19 janvier 1870

Le journal va le rappeler tous les jours, on peut s’inscrire sur les listes électorales jusqu’au 4 février ;

Rochefort s’exaspère de la gaieté avec laquelle les députés ont traité l’assassinat de Victor Noir et l’autorisation de le poursuivre ;

sa mise en accusation a été adoptée par 226 députés contre 34, on sera charmé d’apprendre que M. Thiers, qui est député du centre gauche, a refusé de prendre part au vote ;

Raspail est dans un état grave ;

Arthur Arnould estime que les députés sont à plaindre, ils se suicident et font la révolution mieux et plus vite qu’un révolutionnaire pourrait la faire ;

avec une incontestable préscience, Millière estime que le parlementarisme bourgeois est aussi dangereux que le parlementarisme impérial ;

Germain Casse nous livre les paroles même de Rochefort à la chambre, ce qui nous évitera les longueurs du compte rendu analytique,

Je ne veux pas me défendre. Le gouvernement a été si maladroit à mon égard […] Quelles que soient vos intentions, le peuple croira toujours que vous avez voulu vous débarrasser d’un député désagréable […] Votez, messieurs, j’en serai très heureux. Les fautes que commet l’empire profitent à la république ;

la « Question sociale » aborde le problème de l’armée ;

une première liste de souscription pour l’érection d’un monument dédié au citoyen Victor Noir ;

le docteur Pinel conteste la façon dont les médecins ont pratiqué l’autopsie de Victor Noir ;

un groupe de citoyennes de Lyon s’adressent aux députés Rochefort et Raspail pour protester contre l’armée permanente ;

on a des nouvelles des ouvriers vernisseurs de Marseille, des mineurs de Waldenburg, toujours en grève, de la grève aussi des ouvriers bouchonniers de la Garde Freinet ;

bel article anticlérical de Puissant, quel dommage qu’il soit devenu mouchard, celui-là ;

ah ! l’affaire Doineau n’était pas vraiment terminée. 

Pour aujourd’hui, parmi tous les commentaires, je choisis celui des internationalistes.

C’était inévitable. La logique a ses droits. Le parlementarisme impérial vient de frapper le député révolutionnaire socialiste de Paris, que deux cent mille républicains acclamaient dans la journée historique du 12 janvier.

Rochefort en effet a commis un crime impardonnable ; il a accepté le mandat impératif et a tenu à y rester fidèle.

Devant ce défi insolent du néo-libéralisme jeté à la face du peuple, devant cet outrage au suffrage universel que devons-nous faire ?

Si nous n’écoutions que nos impatiences, nous n’aurions qu’à nous ressouvenir des mâles résolutions qui guidaient nos pères, lorsque violemment ils renversaient les despotismes.

Que les réactionnaires ne s’y trompent pas, s’il ne s’agissait que de présenter nos poitrines aux balles, nous n’hésiterions pas à répondre à leurs incessantes provocations.

Mais ce qu’il importe avant tout, c’est d’assurer le succès de la Révolution et tout en ayant conscience de notre force, nous nous recueillons. La coupe est pleine, elle ne tardera pas à déborder.

À la Révolution de choisir son heure.

E. VARLIN, B. MALON, A. COMBAULT,

Membres de l’Association internationale des Travailleurs.

Que je complète par un autre commentaire internationaliste, celui de Friedrich Engels, qui écrit à Karl Marx le 19 janvier :

L’embêtant dans cette histoire, c’est que Rochefort s’en trouve auréolé d’une gloire tout à fait exagérée. Mais il est vrai que les républicains officiels sont tout à fait dégueulasses.

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L’image de couverture est une photographie de Charles Marville, elle représente la statue de Michel de l’Hospital, le « conciliateur », devant le « Corps législatif » , vers 1870. Elle vient du site Vergue.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Tribune militaire et la Question sociale ressaisies, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).