Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

67. Vendredi 25 février 1870

Et voici notre nouvel éditorialiste, « Le numéro 444 », qui nous écrit des lettres de la Bastille; dans quatorze mois jour pour jour, Arnould, argumentant contre le secret à la Commune de Paris, rappellera :

Même au point de vue de la sûreté, le secret est inutile ; on trouve toujours moyen de communiquer. Nous avons tous été mis au secret sous l’Empire, et pourtant nous sommes parvenus, non seulement à communiquer avec le dehors, mais nous avons même fait insérer des articles dans les journaux. 

ce qui ne veut pas dire qu’il est le numéro 444 — mieux vaut penser à Grousset ;

Barberet a encore été condamné à quatre mois de prison et mille francs d’amende pour avoir publié méchamment une fausse nouvelle (la fausse lettre du faux Langlois dont il était question hier) ;

la démocratie lyonnaise, fêtant le 24 février, a invité la rédaction de la Marseillaise, qui remercie ses « coreligionnaires » de Lyon ;

parmi les « Nouvelles politiques », je retiens que demain paraîtra le premier numéro du journal Le Faubourg (et je peux vous dire que c’est un journal de Maroteau, et qu’il n’aura que deux numéros) ;

je vous donnerai des détails plus bas sur le complot ;

à « La Chambre » on discute des candidatures officielles aux élections, aujourd’hui c’est Ernest Picard, le député « de gauche » qui s’offre le plaisir de se faire houspiller par la majorité ;

dans le « Bulletin du mouvement social », Verdure commence par répondre aux amis du journal qui s’inquiètent pour le programme socialiste de la Marseillaise (voir ci-dessous), il publie ensuite une déclaration de la section de Courtelary (c’est dans le Jura suisse) de l’Association internationale des travailleurs, des nouvelles de la société coopérative de consommation de Suresnes ;

Mme Naude, rue du Caire, demande des ouvrières pour les cravates (c’est le « Bulletin des travailleurs » de Puissant) ;

le « Courrier politique » revient sur le vote de confiance du Corps législatif dont on a déjà parlé hier et signale que le père de Paschal Grousset a été mis en congé d’inactivité ;

je passe les « Échos » ;

dans les « Informations du jour », plaintes des détenus à la Santé, manque de promenade, maladie d’Arnould ;

nous repartons pour plus d’une page de compte rendu analytique, que de temps perdu, je ne vous en ferai pas perdre davantage ;

il y a des réunions publiques et des listes de souscription ;

dans la rubrique « Les Tribunaux », Morot publie les jugements du 17 février contre la Marseillaise (affaires Flourens et Fonvielle) ;

il y a encore la Bourse, la Rampe, les théâtres… et des annonces.

Je garde les nouvelles du complot et une des deux nouvelles associations apparues hier, qui revient aujourd’hui.

LE COMPLOT ET LES PRISONS

La Gazette des Tribunaux, organe du parquet, publie sur le complot fomenté par M. Émile Ollivier contre les citoyens, les renseignements suivants ; il est utile que nous les reproduisions :

À la suite des premières confrontations opérées, 250 individus ont été formellement reconnus.

Dès lundi soir, 119 détenus étaient élargis : 108 par main-levée des mandats de dépôt et 11 par ordonnance de non-lieu.

Restent 178 inculpés prévenus de crimes, pour la plupart desquels existent déjà, paraît-il, des charges suffisantes.

123 sont prévenus de simples délits, parmi lesquels : 1 prévenu en rupture de ban, 1 prévenu d’infraction à un arrêté d’expulsion, 2 prévenus de violences et outrages, 2 prévenus d’usurpation de fonctions, 10 prévenus de cris séditieux, 50 prévenus de port d’armes prohibées, 57 prévenus d’attroupements et refus après sommation.

Il est à présumer que l’instruction sera terminée et que la plupart des renvois pourront être prononcés vers la fin de la semaine.

De nos amis, il n’est nullement question. On nous assure qu’aujourd’hui même, ils ont dû être interrogés une seconde fois, confrontés une seconde fois ; nous ne pensons pas qu’un seul des nôtres soit celui désigné par la Gazette des Tribunaux comme prévenu en rupture de ban, qu’un seul des autres soit prévenu d’infraction à un arrêté d’expulsion ni d’usurpation de fonction. Que deviennent-ils donc ?

Pourquoi M. Ollivier s’obstine-t-il, à leur égard, à refuser main levée au dépôt, tout au moins, pourquoi le ministre si esclave de son devoir oublie-t-il que la justice est son principal devoir ?

Cette détention arbitraire ne peut qu’être nuisible au ministère actuel ; à ce compte, nos amis, j’en suis sûr, ne s’en plaignent pas ; mais il est bon qu’on sache que leur santé commence à en souffrir. Quand nous avons été mis en liberté en vertu de main levée, Millière était souffrant. Nous apprenons qu’Arnould va mal. Qui sait ? Les autres sont peut-être en aussi mauvais état que nous l’étions nous-mêmes le jour où nous sommes partis.

Le Réveil demande quand M. le juge d’instruction voudra se décider à mettre en liberté Razoua et Cournet. Quand donc M. Ollivier cessera-t-il d’être le bourreau de nos braves collaborateurs ?

FRANCIS ENNE

Un mot de réponse à nos amis

Plusieurs de nos amis de Paris, de Lyon, de Marseille, de Saint-Étienne, de Rouen, etc., nous ont écrit pour nous dire leurs appréhensions au sujet d’un changement plus ou moins possible selon eux dans le programme socialiste de la Marseillaise.

D’autres nous ont écrit pour nous témoigner leur étonnement à propos de la proclamation de la détention préventive de nos meilleurs collègues et de nos plus dévoués collaborateurs : Millière, Arthur Arnould, Paschal Grousset, Bazire, etc., tandis que nous (Ulric de Fonvielle, Puissant, Enne et Verdure), avons été relâchés après une simple neuvaine à Mazas et à la Santé.

Nous sommes heureux de pouvoir assurer à nos courageux correspondants que la Marseillaise est plus que jamais disposée à persévérer dans la ligne de conduite qu’elle s’est tracée à son origine, tant au point de vue politique qu’au point de vue social. L’œuvre d’organisation et de propagande commencée par notre savant ami Millière n’est point abandonnée, mais simplement suspendue. Elle sera reprise dès qu’aura sonné l’heure de la liberté, et nous espérons bien que cette heure viendra bientôt.

Quant aux rigueurs exercées contre nos courageux collègues, nous avouons que nous en ignorons encore les motifs. Nous attendrons donc, pour répondre sur ce point que la lumière soit faite.

A. VERDURE

*

La couverture est un dessin de Jean-Baptiste Lallemand représentant la Bastille vers 1780, qui vient de Gallica, là.

*

Le journal en entier, avec son sommaire détaillé est ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).