Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.
Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.
69. Dimanche 27 février 1870
Retrouvailles au journal (voir ci-dessous) ;
« Propos du premier venu », qui lui aussi râle après ces politiciens, mais alors, parlons d’autre chose, même si c’est la dernière apparition de ce pseudonyme ;
dans les « Nouvelles politiques », une nouvelle liste de jurés de la Haute-Cour (procès Pierre Bonaparte), ils sont tirés au sort dans les conseils généraux, ce ne sera certes pas un jury populaire; l’extradition de Netschaieff de Suisse a été réclamée ;
Assy a été arrêté à Paris le 21 février et relâché le lendemain ;
la rédaction de la Marseillaise a reçu un bouquet d’œillets rouges, toujours l’anniversaire du 24 février 1848 ;
oui, la gauche a voté avec le gouvernement, on le dit et le répète ;
dans le « Bulletin du mouvement social », Verdure reproduit un article de La Liberté, de Bruxelles, sur les événements parisiens ;
dans les « Informations du jour », le grand succès de la conférence de Claretie sur Camille Desmoulins à Lyon explique (au moins en partie) l’absence de feuilleton ;
Puissant continue ses « Notes de prison » et raconte aujourd’hui Mazas, quel dommage que ce type soit devenu un mouchard !;
dans « L’ours et l’amateur de jardins », A. de Fonvielle nous parle de Vrain-Lucas, le fameux faussaire, et de sa victime, le crédule Chasles (qu’il appelle Chales ou Charles), et pourtant si, contrairement à ce qu’il croit, Chasles est un grand savant, mais à vrai dire, c’est après quelqu’un d’autre qu’il en a, et son article est plus qu’obscur, passons donc ;
aux « Tribunaux », le juge Bazire condamne Flourens à encore trois ans de prison, un de ses articles dans la Réforme a fait déserter deux militaires, rassurez-vous, Flourens n’est pas présent ;
il y a des réunions publiques ;
des « Faits divers » ;
et même un long compte rendu analytique, laissons ces messieurs discuter longuement les candidatures officielles ;
et une critique de la pièce « Malheur aux vaincus » de Théodore Barrière.
LE 24 FÉVRIER
Hier, la rédaction, l’administration et la composition de la Marseillaise se sont réunies en un banquet. Le but en était double. Il s’agissait pour nous de fêter l’anniversaire de la République, et la rentrée dans nos rangs de ceux de nos collaborateurs mis en liberté.
Cette fête a été ce que sont à cette heure toutes les fêtes de ce genre : mêlée de tristesse et d’espérance. Elle avait cependant sur celles qui l’ont précédée, cet avantage, que la tristesse des jours présents semblait s’y effacer devant les espérances de plus en plus fondées de l’avenir.
C’est qu’en effet la Révolution se fait dans les esprits, et que le jour est proche où elle sera un fait accompli. Nous reprendrons bientôt les traditions interrompues au 18 brumaire, nous suivrons nos aïeux dans la voie qu’ils nous ont tracée, persuadés que ce n’est qu’à la lueur des libertés républicaines que la France reconquerra son rang dans le monde et que le peuple pourra briser les chaînes du prolétariat.
Ce sont là les sentiments dans lesquels nous étions réunis. Ils sont ceux du pays ; ils sont ceux de nos collaborateurs encore en prison ; ils sont ceux de Rochefort.
La mission de la presse consiste à les propager incessamment.
Nous avons largement commencé cette œuvre dans la Marseillaise. Nous la continuerons sans jamais faillir.
ANTONIN DUBOST
La mise en liberté d’un certain nombre de rédacteurs de la Marseillaise leur permet de reprendre leur place dans la rédaction comme au premier jour.
Nous sommes aujourd’hui ce que nous étions la veille de notre arrestation, et la Marseillaise ne change pas et ne changera pas la couleur de son drapeau.
Quant à le replier, — ne fût-ce que pour une heure, — nul de nous n’y a songé.
Par un attentat inouï, — même sous le second empire, — et qu’il appartenait à M. Ollivier d’accomplir, la rédaction entière d’un journal a été enlevée violemment, la nuit, et jetée à Mazas.
On espérait ainsi tuer un des organes les plus convaincus et les plus énergiques de la démocratie socialiste, et, après avoir arraché un député de son banc, après avoir privé une circonscription de Paris de son représentant légal, briser nos plumes dans nos mains, — sans laisser une seule tribune ouverte à nos protestations.
Ce complot, — le seul prouvé jusqu’à présent, — n’a pas réussi. — En notre absence, de courageux confrères ont continué la Marseillaise.
Malheureusement il reste encore bien des vides dans nos rangs : Millière, Paschal Grousset, Bazire, Dereure, Raoul Rigault, Humbert, Varlin, sont restés sous les verrous, — sans que nous puissions savoir pourquoi.
Nos confrères, Cournet et Razoua, du Réveil, bien d’autres, ouvriers, négociants, professeurs, étudiants, continuent de subir une prévention dont ils ne connaissent ni les motifs, ni même le prétexte.
Nous ne cesserons de réclamer pour eux, de protester en leur nom.
Nous ne cesserons de demander qu’on les interroge, et qu’on les relâche ou qu’on les juge.
Cette comédie d’un complot qu’inventent les ministres désireux de se maintenir, ou de payer leur bienvenue, a trop duré déjà, car elle se joue aux dépens de centaines de citoyens et de leurs familles, — voués les uns à toutes les tortures de la prison cellulaire, — les autres à toutes les angoisses morales, à toutes les menaces de la misère.
Tous les partis monarchiques s’unissent dans une vaste coalition contre les droits des citoyens, et prouvent en se jouant audacieusement de la liberté individuelle, le degré de confiance qu’on peut avoir dans leurs protestations libérales.
Nous, nous continuerons à nous associer à l’œuvre de notre ami et rédacteur en chef, Henri Rochefort, — en affirmant la souveraineté absolue et unique du peuple, et l’urgence de résoudre les questions sociales.
ARTHUR ARNOULD, CHARLES HABENECK,
GERMAIN CASSE, FRANCIS ENNE,
G. PUISSANT, ARTHUR DE FONVIELLE,
ULRIC DE FONVIELLE, A. VERDURE.
*
La belle image du 24 février 1848, lithographie en camaïeu coloriée signé F. Teichel, qui nous sert de couverture aujourd’hui vient de Gallica, là.
*
Le journal en entier, avec son sommaire détaillé est ici (cliquer).
Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).