Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

109. Vendredi 8 avril 1870

Élection du Rhône ;

séquestration de Rochefort ;

ce qui n’empêche pas Dangerville, dans ses « Fantaisies politiques », d’ironiser sur le plébiscite ;

le point sur l’élection du Rhône, par Morot ;

« toujours le plébiscite » (et ce n’est pas fini) dans les « Nouvelles politiques » ;

et aussi dans le « Courrier politique » d’Arthur Arnould qui conclut que ce qui doit périr périra ;

Germain Casse semble s’ennuyer à « La Chambre », mais il nous rapporte tout de même consciencieusement ce qui s’y passe ;

Collot continuera sa chronique sur Tardieu le 1er mai, puisque les cours à l’École de médecine sont suspendus jusque là ;

je vous garde bien sûr la lettre de Malon du Creuzot ;

Alphonse Humbert continue à s’énerver contre le juge qui garde Maroteau en prison ;

après le « Bulletin des travailleurs », Puissant crée « Les Malheureux », liste de gens qui demandent des secours ;

prennent beaucoup plus de place les députés qui continuent à s’agiter dans le compte rendu analytique du Corps législatif (c’est l’intervention de Gambetta dont il a déjà été question dans le journal d’hier) ;

il y a des listes de souscription ;

« La Bourse », assez contente ;

les théâtres.

LA GRÈVE DU CREUZOT

Le Creuzot, 5 avril, 5h du soir.

Cher citoyen,

Toujours même entente du côté des mineurs, et redoublement de stratagème du côté de l’Usine. Ce matin, des maîtres de mines sont allés chez quelques mineurs leur disant que le comité avait autorisé M. Schneider à faire descendre des grévistes pour l’entretien des puits ; ils ont ainsi surpris la bonne foi de cinq ou six mineurs qui sont descendus, mais c’est tout, et la grève est toujours générale.

Comme je vous le disais hier, M. Schneider a répondu d’une manière évasive à la demande de réunion publique des mineurs ; aussi le comité de la grève vient-il d’adresser au sous-préfet la lettre suivante :

Monsieur le sous-préfet,

La grève se prolongeant au-delà des prévisions, il devient obligatoire pour les membres du comité de la grève d’en appeler aux suffrages de leurs camarades mineurs. C’est pourquoi, au nom de la liberté de coalition, inscrite dans nos lois, nous venons vous prier, M. le sous-préfet, de nous permettre de communiquer avec nos camarades en nous autorisant à les réunir en assemblée générale le jeudi, 7 avril, à huit heures du soir, salle du théâtre.

En attendant, etc,

Pour le comité :

Signé : POIGNOT, DURAND, REVILLOT, DEFOIL.

Contrairement à ce qui avait été annoncé par la déclaration anonyme qui a d’abord été publiée, les mineurs s’en tiennent à leur première demande, dont voici les quatre propositions principales :

1° 5 francs la journée de 12 heures pour les mineurs ;

2° 3 fr. 75 c. pour les manœuvres ;

3° 12 chauffes par an au lieu de 9 ;

4° La gérance de la caisse de prévoyance.

Les grandes patrouilles qui se succédaient les jours derniers ont fait place aux patrouilles de sûreté ; en revanche beaucoup de promenades militaires, musique en tête, et, ce matin, grande revue place de la Mollette. Il y a recrudescence d’habits décorés dans les rues. Le calme est toujours on ne peut plus parfait.

Je vous prépare un exposé des conditions du travail au Creuzot. Vous en recevrez une partie demain, et vous verrez comment la dignité humaine et la justice sont outrageusement foulées aux pieds, en l’année 78 de la Révolution française, dans le royaume industriel du Creuzot, sa hautesse Schneider régnant.

Salut fraternel,

B. MALON

P.S. — Encore un accident ! Ils sont, parait-il, journaliers au Creuzot : Un jeune homme, aide-pudleur, vient d’avoir les doigts écrasés à la forge. Ce matin, le bruit courait qu’un mineur, père de cinq enfants, s’était suicidé. J’ai couru aux informations et j’ai acquis la certitude que cette nouvelle, dénuée de tout fondement, était propagée dans un but intéressé.

B.M.

Nous apprenons au dernier moment que les mineurs de Montceaux-les-Mines se sont mis en grève.

Montceaux-les-Mines, à un kilomètre du Creuzot [plutôt 20], approvisionne de charbon les forges de M. Schneider ; si cette nouvelle est confirmée, il faudra faire un nouvel appel à l’obligeance du ministre de la guerre, qui enverra encore quelques bataillons.

Seulement, qu’il ne les prodigue pas trop ! Si les mineurs de la Haute-Loire, de la Loire, du Cantal et de l’Aveyron allaient s’en mêler, où trouverait-on des chassepots ?

COLLOT

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La carte du bassin houiller de Saône-et-Loire date de 1830 et vient de Gallica, là.

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Le journal en entier, avec son sommaire détaillé est ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).