Félix Fénéon est né le 29 juin 1861.
La preuve? Dans les Nouvelles de Paris (19 avril) qui forment le chapitre 16 de Comme une rivière bleue, il est écrit:
Le petit Félix Fénéon se réveille et calcule qu’il aura dix ans dans soixante-douze jours.
Je vous laisse vérifier le calcul.
On parle un peu plus de Félix Fénéon que d’habitude ces temps-ci, grâce à deux expositions à Paris, l’une, au musée du quai Branly, déjà terminée et consacrée aux « arts lointains », et l’autre, à l’orangerie des Tuileries, jusqu’au 27 janvier 2020 — c’est pourquoi je suspens la série d’articles consacrés à Adolphe Clémence pour en parler ici.
Le magnifique tableau de Paul Signac que j’ai copié pour faire la couverture de cet article (et dont le titre complet est Opus 217. Sur l’émail d’un fond rythmique de mesures et d’angles, de tons et de teintes, Portrait de M. Félix Fénéon en 1890) accompagne, non seulement le collectionneur et critique d’art, mais aussi l’anarchiste, puisque celui-ci a écrit, entre autres choses, des « critiques », en particulier pour le — et dans le style du — Père Peinard d’Émile Pouget. Voici les titres de quatre des articles parus dans ce journal (j’ignore s’il y en a d’autres), dont deux sont présentés dans l’exposition de l’Orangerie — sur lesquels vous n’aurez qu’à cliquer pour lire les textes intégralement, à la page 3 du journal:
- Ballade chez les artisses indépendants (9 avril 1893) et suite (16 avril 1893)
- Chez les barbouilleurs — les affiches en couleur (30 avril 1893)
- Chez les barbouilleurs — le déballage des Champs-Élysées (14 mai 1893)
Quant à son engagement anarchiste… Félix Fénéon ne s’est pas contenté d’écrire dans des journaux. Je vous laisse lire la notice que le Maitron lui consacre, à propos notamment de son implication dans l’attentat d’Émile Henry au café Terminus — et de sa défense. Je vous rassure, l’exposition, qui peut difficilement passer sous silence l’engagement de Félix Fénéon, est quand même bien « bon chic bon genre » et ne mentionne pas le nom d’Émile Henry (à dire vrai, il apparaît dans le catalogue, mais pas le fait qu’il a été guillotiné). La photo « anthropométrique » de Félix Fénéon, présentée entre celles de Ravachol et du peintre Maximilien Luce, a presque l’air d’une aimable plaisanterie…
Mais, me direz-vous, la Commune?
La mention du nom d’Émile Henry, fils de Fortuné Henry, élu à la Commune en 1871 par le dixième arrondissement, n’est pas une raison suffisante. La présence de Félix Fénéon, dans Comme une rivière bleue n’en est sans doute pas une non plus (le jeune garçon n’était d’ailleurs même pas à Paris le 19 avril 1871) — elle n’est qu’un prétexte littéraire, un hommage à ses Nouvelles en trois lignes, à la manière desquelles ce chapitre a été écrit (pour les afficionados: une des nouvelles de ce chapitre lui est due).
Mézalor, la Commune?
Eh bien, Félix Fénéon a aussi organisé et publié l’ « Enquête sur la Commune », dans La Revue blanche, en 1897. Bizarrement, la notice du Maitron ignore cette enquête. Dont je trouve certaines réponses très intéressantes. Les numéros de La Revue blanche en question sont d’ailleurs visibles dans l’exposition de l’Orangerie.
J’ai déjà cité et utilisé ici les réponses d’Élisée Reclus, de Victor Jaclard et d’Émilie Noro (Mme N.) — c’est de là que viennent les lettres que celle-ci a reçues de Louise Michel. On trouve cette revue en ligne sur Gallica, là, (mais il faut chercher dans pas mal de pages) et sans trop de mal à d’autres endroits.
À ceux qui préfèrent télécharger les textes, je propose de cliquer ici pour en lire (ou télécharger) la première partie, et là pour la deuxième.
Je ne résiste pas au plaisir de finir en citant la réponse de Galliffet, boucher de la Semaine sanglante:
Monsieur,Je suis dans l’impossibilité de répondre aux questions que vous me faites l’honneur de me poser.
Veuillez croire, Monsieur, à mes sentiments distingués.
Je suis sûre qu’elle a enchanté Félix Fénéon! — « Galliffet, marquis aux semelles sanglantes, se voit dans l’impossibilité d’en répondre. » Ou « Deux lignes suffisent au bourreau Galliffet pour présenter son honneur, sa distinction et ses sentiments. » Ou encore…
Félix Fénéon est mort en 1944 et, comme l’année était bissextile, il a choisi le 29 février pour ce faire. Critique d’art, collectionneur, anarchiste, journaliste, écrivain, dreyfusard actif, partisan du Front populaire… comment le dire en trois lignes?
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Merci à tous les amis amateurs de Félix Fénéon qui ont contribué, presque tous sans le savoir, à la gestation et au contenu de cet article.