C’est un journal à périodicité variable. Le n°1 paraît le 27 novembre 1884, qui est un jeudi, et annonce paraître le jeudi et le dimanche. Dès le n°2 (qui paraît donc le dimanche 30 novembre), il s’ajoute un autre sous-titre,

SEUL JOURNAL QUI OSE DIRE LA VÉRITÉ

Le n°19, le dimanche 5 avril 1885, annonce qu’il « paraît le mardi, le jeudi et le dimanche », et en effet, le n°20 paraît le mardi 7, et cela continue jusqu’au n°35, le mardi 12 mai, qui est suivi d’un n°36, le… vendredi 15 mai, qui s’annonce quotidien. Il s’interrompt, entre le 25 juillet (n°106) et le dimanche 2 août (n°107), où il paraît (exceptionnellement) imprimé sur du papier rouge (dit-il, rose ou violet aujourd’hui pour l’exemplaire conservé à L’Arsenal, et celui conservé par le site Tolbiac) et en format plus grand. Le dernier numéro (112) est daté du 7 août 1885.

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Une petite remarques technique. Avant ce passage au grand format, c’est un « petit » journal. De quatre pages, mais paginé de façon inattendue. Le verso de la page 1 est la page 4 et celui de la page 2 est la page 3. Autrement dit: vous achetez une grande feuille de papier sur laquelle vous lisez, d’abord, à gauche, la page 1 puis, à droite la page 2, vous retournez ensuite cette feuille pour lire, à gauche la page 3 et à droite la page 4. De sorte que, si vous êtes une bibliothèque et que vous voulez le relier, il vous reste à le couper ou le plier et à mettre les pages dans l’ordre que vous pouvez, 2, on tourne la page, verso 3, page suivante 4, verso 1, donc 2, 3, 4, 1. Puis vous faites la même chose avec le numéro suivant, ainsi votre « livre » est dans l’ordre

2, 3, 4, 1 / 2, 3, 4, 1 / 2, 3, 4, 1 / 2, 3, 4, 1 / etc.

et que, si vous en faites un microfilm en reproduisant les pages deux par deux,

2 // 3, 4 // 1, 2 // 3, 4 // 1, 2 // 3, 4 // etc.

et les pages 2, 3, 4 du n° n+1 suivent la page 1 du n° n… d’où la presque illisibilité du microfilm (je ne parle pas de la mauvaise qualité de la reproduction, dont le service qui l’a réalisé il y a des lustres pour ce qui s’appelait alors la Bibliothèque nationale, est entièrement responsable). Fin de la remarque technique.

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Et venons-en au contenu. On pourra le trouver inégal. Mais il est vrai qu’il ose souvent dire la vérité. Et il contient de beaux articles « socialistes sentimentaux », pas mal de « coups de gueule » de son directeur, des provocations et des blagues. Et bien d’autres choses. Beaucoup de poésie (en vers) et des feuilletons, des illustrations. Un des collaborateurs les plus assidus signe Jean Noro, c’est bien le mari d’Émilie, qui écrit tout ça, des articles, des poèmes, et qui dessine aussi — peintre, c’est, en principe, son métier.

D’autre part, les dates de parution de L’Ami du Peuple incluent des événements mémoriaux importants pour les anciens communards, la mort et l’enterrement de Jules Vallès en février 1885, ceux d’Auguste Lançon en avril, de Frédéric Cournet et de Charles Amouroux en mai, avec de violents affrontements contre la police au Père-Lachaise — sans parler de celui de Victor Hugo. On trouve donc dans son journal des articles, souvent très émouvants, de Maxime Lisbonne sur ces anciens…

J’en publierai quelques-uns (sans doute à partir de novembre prochain). En attendant, je pose une question sur une image, pour le prochain article.

Une dernière remarque. Sûrement, vous vous souvenez, Maxime Lisbonne et Auguste Vermorel ont été blessés à peu près en même temps le 25 mai 1871 sur le boulevard Voltaire. Deux personnalités on ne peut plus différentes. Et peut-être vous souvenez-vous aussi que Vermorel avait eu, lui aussi, un L’Ami du Peuple, encore plus éphémère. J’en profite pour vous rappeler que vous pouvez lire le tout premier L’Ami du peuple, celui de Marat, sur Gallica (on a beau râler contre la BnF…).

Je vous invite à lire le prochain article, avec ses belles images.
À suivre, donc.