Dans l’article précédent, nous sommes arrivés à la fin des années 1860. Jean-Baptiste Chautard est devenu membre de l’Association internationale des travailleurs. En 1867, il est délégué par les plombiers à la Commission ouvrière. Il apparaît dans le passionnant livre dans lequel Eugène Tartaret a recueilli les interventions des délégués aux réunions du dimanche matin, et aussi des documents.
Une seule de ses interventions est rapportée. Cela se passe le 20 octobre 1867. À cette réunion, des femmes ont été invitées. J’ai déjà cité plusieurs extraits de ce compte rendu. Jean-Baptiste Chautard intervient juste avant la citation de Flora Tristan que j’ai mentionnée dans un ancien article, et voici ce qu’il dit:
M. Chautard, plombier, croit aussi [comme Dupas, qui vient de parler assez longuement] que la femme n’est pas faite pour un travail manuel, assidu et fatigant.
Le « croit aussi » semble le faire approuver cet « âne de proudhonien » qu’était Dupas. Mais évidemment, on peut lire cette courte phrase autrement… c’est quand même cette réunion-là qui se termine par la splendide intervention d’Eugène Varlin que j’ai déjà citée de nombreuses fois (ici, là, encore là, par exemple).
Pour ce que nous en savons, arrive bientôt la guerre. Victor Chautard (le fils) va aller s’engager dans l’armée de Garibaldi. Pour Jean-Baptiste Chautard, c’est la section sociale du quartier des Écoles de l’Association internationale des travailleurs (voir par exemple Le Rappel du 17 septembre 1870) et bientôt son bataillon de la garde nationale. Sans parler du comité des vingt arrondissements. Bref, il fait ce que font les autres hommes dont nous avons parlé.
Pendant ce temps Marie Chautard, qui est une femme, et qui est auvergnate, rappelle sa petite fille Germaine, prend ses précautions pour le siège, accumule et stocke différentes denrées alimentaires dont par exemple des haricots secs, ce qui ne l’empêche peut-être pas de participer au comité de la rue d’Arras. C’est en effet bientôt le siège de Paris. En janvier, Jean-Baptiste Chautard est un des signataires de l’Affiche rouge, pendant que les obus prussiens tombent sur le cinquième arrondissement. Comme nous avons vu Mme Milliet et sa fille Louise le faire, Marie et ses enfants déménagent vers la rive droite.
C’est ensuite la Commune. Jean-Baptiste Chautard est membre de la première batterie d’artillerie du cinquième arrondissement. En parcourant la presse, on le voit acquitté par la cour martiale le 19 avril (une affaire que je ne comprends pas bien de détournement du « timbre officiel du comité d’artillerie »), on le voit écrire aux membres de la Commune le 11 mai pour les féliciter d’avoir destitué Rossel après avoir destitué Cluseret et leur demander de plutôt créer une commission civile à la guerre (plutôt qu’un délégué à la guerre), à sa demande, le comité d’artillerie doit se réunir à Notre-Dame le 19 mai.
Le 21 mai, Marie Chautard se rend avec ses enfants au grand concert dans le jardin des Tuileries.
Je vais laisser Maxime Lisbonne continuer à raconter ce qui se passe pendant la semaine, du point de vue de ceux qui se battent. Je reviendrai ensuite à Marie Chautard.
La photographie de Marie Chautard utilisée en couverture m’a été transmise par Léa Bardi (comme à peu près tout ce qui est dans cette série d’articles).
Livre cité
Tartaret (Eugène), Exposition universelle de 1867. Commission ouvrière de 1867. Recueil des procès-verbaux des assemblées générales des délégués et des membres des bureaux électoraux… recueillis et mis en ordre par Eugène Tartaret, Augros (1868).