Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

18. Mercredi 5 janvier 1870

La composition du gouvernement a enfin été publiée dans le Journal Officiel ;

mais il est déjà en proie au ricanement des foules, en tout cas à celui de Rochefort, qui souhaite du plus profond de son cœur que ce soit un gouvernement « de perdition » ;

un ministère clérical, selon Habeneck ;

l’autorité de l’empereur n’a, selon lui, pas diminué, et c’est le vice rédhibitoire de l’empire, dit Arnould ;

avant de rendre compte, dans son « Courrier politique », des réceptions du 1er janvier, « César, en son palais, passe la grande revue des condamnés à mort », Corps diplomatique, Sénat, Corps législatif, Conseil d’état, Clergé, Cour de cassation, qui s’inclinent au pied du trône, leur dernier espoir ;

Bazire cherche en vain dans la carrière de tel ministre un acte qui le recommande à la sympathie ;

encore une lettre de Gambon, que transmet Pierre Malardier, ancien représentant du peuple ;

un citoyen de Langon se réclame de Gambon et refuse de payer l’impôt ;

Victor Noir ne résiste pas, lui, partisan acharné de Flaubert (moi aussi, surtout pour ce roman…), à citer Claretie qui dit de l’Éducation sentimentale (parue en 1869)

Une caravane de mots dans un désert d’idées  

(ce qui n’est pas à l’honneur de Claretie, bientôt feuilletoniste de la Marseillaise — mais n’est pas ce qu’il écrira de pire) ;

Flourens pénètre, pour la « Tribune militaire », dans la chambrée ;

Millière, sans avoir la naïveté de croire les convaincre, continue à répondre à ses contradicteurs ;

la souscription pour la vache à Gambon se poursuit ;

parmi les abus, un prêtre, relève Francis Enne, interroge les enfants de huit ans avec un cynisme dégoûtant ;

parmi les nouvelles diverses, notons la femme costumée en bébé qui accouche (d’un bébé) dans le square à la sortie du bal de la Gaîté ;

la Bourse, contrairement aux journalistes de la Marseillaise, fait bon accueil au nouveau ministère.

 

Et j’ai gardé les grèves. Il est question de « malheurs » à Roubaix ; il s’agit d’une grève contre la volonté des patrons de l’industrie textile d’obliger les ouvriers à conduire deux métiers au lieu d’un, avec intervention de la gendarmerie, émeute et bris de machines, les 18, 19 et 20 mars 1867 à Roubaix.

Quels que soient vos justes griefs, rien ne peut justifier les actes de destruction dont vous vous êtes rendus coupables,

avait commenté l’Association internationale des travailleurs, solidaire pourtant :

La grève continue ; de nouvelles arrestations ont été faites ; nous rappelons à tous les membres de l’Association internationale des travailleurs qu’il y a en ce moment, à Roubaix, des frères qui souffrent. Que si, parmi eux, des hommes un moment égaré se sont rendus coupables de violences que nous réprouvons, il y a entre eux et nous solidarité d’intérêts et de misères ; au fond du débat, il y a aussi de justes griefs que les fabricants doivent faire disparaître.

Les mineurs de Waldenburg (parfois orthographiée Waldenbourg — il s’agit de la ville aujourd’hui polonaise de Wałbrzych) ont déjà été nommés dans le numéro daté du 1er janvier.

NOUVELLES DES GRÈVES

Les ouvriers d’une forte maison de tissage mécanique de Roubaix viennent d’être mis en grève par leur patron, à la suite du refus d’un de ces ouvriers de conduire deux métiers à la fois.

On se rappelle que les malheurs arrivés dans cette ville, il y a environ deux ans, ont été dus à la même cause.

Les ouvriers ébénistes de Toulouse n’ayant pas obtenu l’augmentation de salaires réclamée aux patrons, ont résolu de se mettre en grève.

Les ouvriers fondeurs et les ouvriers layetiers de Marseille continuent leur grève, dont on ne peut encore prévoir la fin.

Les tisseurs en popeline de Lyon, au nombre de huit cents environ, sont en grève depuis huit jours. Les patrons, plus conciliants et plus perspicaces là qu’ailleurs, ont invité les ouvriers à des pourparlers d’où sortira probablement un arrangement amiable. En attendant, les tisseurs se constituent en société de résistance et se préparent à s’enrôler sous la bannière de l’association internationale des travailleurs.

Une grève d’ouvriers couvreurs est à la veille d’être déclarée à Cologne. Les couvreurs étrangers sont invités par le comité de l’Internationale à ne pas se rendre à Cologne.

La grève des mineurs de Waldenburg (Silésie) continue, accompagnée des faits les plus atroces de la part des capitalistes. Dans une assemblée populaire tenue à Breslau pour venir en aide aux grévistes, l’un d’eux a raconté comment les mineurs sont traités aux mines de Waldenburg. Ils sont insultés, et même battus par leurs honorables chefs ; la grève déclarée, on les a chassés de leurs demeures ; les sources même où ils allaient prendre toujours de l’eau leur ont été interdites. L’intervention gouvernementale montre ses oreilles aussi, et c’est logique. La Gazette officielle publie une circulaire du tribunal du district qui annonce à ceux des mineurs qui se trouvent sous la tutelle judiciaire qu’ils ne peuvent sans le consentement de cette tutelle ni abandonner leur travail ni en chercher ailleurs!

A. VERDURE

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Le portrait de Flaubert par Giraud vient de Gallica, là.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Tribune militaire de Flourens et la Question sociale de Millière ressaisies, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).