Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

35. Samedi 22 janvier 1870

Dois-je rappeler que le journal est daté du lendemain et paraît donc le 21 janvier, titre aussi de l’éditorial de Paschal Grousset, anniversaire, pas seulement du châtiment d’un roi (Louis XVI), mais surtout de l’exécution du monarchisme, régner est le crime par excellence,

nous aurions à prononcer l’abolition de l’échafaud que nous demanderions encore à le réserver pour les seules races royales;

Rochefort répond à des lettres reçues que le député de la première circonscription restera chez lui demain plutôt que de se rendre à l’assignation que M. Ollivier a fait déposer chez lui par ses employés ;

c’est Dubuc qui va nous donner les nouvelles du Creuzot ;

parmi les nouvelles politiques une anagramme, « Victor Noir, Salmon et Pierre Bonaparte » donnerait « On verra bientôt le Corse puni, paria, mort », ce qui est presque vrai (il manque le u), je note aussi l’arrivée de Charles-Marie Vidor [Widor] aux orgues de Saint-Sulpice ;

Arthur Arnould s’intéresse à la police et à ses casse-tête ;

en prélude aux nouvelles de « La Chambre », des nouvelles de son président, M. Schneider (voir ci-dessous), on a dû bien s’ennuyer, heureusement il y avait Jules Simon, qui a développé fort longuement son amour de l’ordre et de la liberté, qui s’est fait applaudir par la droite et aussi par la gauche, et dont un député a estimé qu’il s’agissait de

socialisme césarien poétique et de bonne compagnie ;

Millière continue de nous entretenir de « La Commune » et de son mode de constitution ;

les journaux continuent à parler de l’incident Gambetta ;

encore le dossier Pierre Bonaparte, voyez donc le Moniteur du 20 novembre 1849, Rigault vous le dit, le nommé Pierre Bonaparte a déserté devant l’ennemi ;

Dereure ajoute une histoire américaine du même prince ;

Rigault revient pour nous parler d’encore un substitut, cette fois un Monsieur Aulois (à prononcer à voix haute) ;

le journal la Houille donne des détails sur les revendications des mineurs (voir ci-dessous) ;

dans le « Bulletin du travail », Verdure donne des nouvelles des ouvriers de Moravie (Autriche) ;

Paule Minck inaugure ses conférences populaires à la Salle des Martyrs demain samedi ;

dans les nouvelles diverses, diverses nouvelles des assistants à l’exécution de Troppmann, encore des accidents du travail, un duel de blanchisseuses au lavoir de l’avenue Saint-Charles, un capitaine de navire (anglais) qui fait brûler des porcs parce qu’il n’a pas assez de charbon, les 3,825 lettres adressées à Troppmann, et un chien enragé ;

dans « Les Tribunaux », les poursuites contre l’Éclipse et le Rappel, pour avoir publié le portrait de Victor Noir.

Je garde les informations sur le Creuzot — dépêches, sur place, mention du grand patron.

Nous recevons du Creuzot la dépêche suivante :

La grève continue au Creuzot où le plus grand calme continue à régner. La résolution de tous les ouvriers est sur ce point fort énergique. M. Schneider veut bien faire quelques propositions mais les accompagne de la menace du chassepot. Les ouvriers opposent à toutes les offres le dédain et le silence et cessent tout travail.

Hier, un certain nombre de pauvres ayant voulu prendre du charbon dans une découverte, il s’en est suivi une bousculade et onze personnes sont mortes. [six morts, en réalité, Dubuc corrigera dans le journal daté du 25 janvier.]

M. Schneider accuse la grève de cette catastrophe et déclare que bientôt les troupes seront là et qu’il décidera alors ce qu’il doit faire. Il ne veut pas parlementer avec des voyous ! dit-il.

Les ouvriers persistent dans leurs légitimes demandes. Ils réclament leur droit à la gestion de la caisse de secours. Ils exigent que les ouvriers renvoyés soient secourus par cette caisse et protestant contre l’expulsion de leurs camarades, exigent le renvoi de M. Renaud, chef des constructions.

Le calme n’a pas cessé de régner. On vient d’enterrer trois victimes de la journée d’hier.

ACHILLE DUBUC

LA CHAMBRE (extrait)

M. Schneider est au Creuzot, où il est en train de prouver à ses 10,000 ouvriers en grève qu’ils ont tort de croire la justice violée, parce que quelques gros actionnaires et lui, — président du Corps législatif impérial, — prélèvent, sans aucun effort, une somme annuelle dix fois supérieure, pour chacun d’eux, à celle que ces 10,000 ouvriers ensemble ont à se partager pour échapper à la faim.

Et, si l’éloquence dont ce vieillard sec et nerveux inonde la Chambre à chaque séance ne convainc pas ces hommes décidés à garder le produit intégral de leur travail, on fera venir les chassepots.

GERMAIN CASSE

Le rédacteur du journal la Houille nous communique la dépêche suivante :

Paris, 20 janvier 1870,

Tous les ouvriers du Creuzot sont en grève.

Ils demandent :

1. Que tous les ouvriers qui ont été récemment renvoyés pour cause d’absence sans autorisation soient repris et réintégrés dans leur poste.

Parmi les ouvriers renvoyés figure le président de la caisse de secours.

2. Que M. Renaud, directeur des ateliers, soit congédié.

Sur le refus par M. Henri Schneider, fils du président de la Chambre et directeur des établissements, d’accéder à ces deux demandes, qui lui ont été portées ce matin par une députation d’ouvriers, la grève a éclaté et en quelques heures est devenue générale.

Tout est arrêté : ateliers, mines, et, ce qu’il y a de plus grave, les haut-fourneaux.

L’agitation produite par ce grave événement ne paraît pas devoir gagner les établissements voisins de Montchanin et de Blanzy, où tout est calme.

S. DEREURE

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L’image du bassin houiller du Creuzot vient du livre La Vie souterraine, que j’ai déjà mentionné (voir ma liste de livres) et que l’on trouve sur Gallica, là

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Le journal en entier avec son sommaire détaillé et la Question sociale ressaisie sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).