Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

49. Samedi 5 février 1870

Le « Journal d’un homme libre » de Paschal Grousset est consacré à un projet d’abrogation de la loi de sûreté générale, ce que Grousset considère comme une facétie, et il explique pourquoi ;

Morot nous apprend, c’est une « Nouvelle politique », que la Chambre a voté contre le droit de son président à requérir la force armée au cas où elle serait menacée ;

encore le mouvement préfectoral pour Habeneck ;

mais aussi pour Arnould, préfets et surtout députés sont sous la botte du pouvoir et s’y trouvent bien ;

Les Pauvres gens sont de retour, c’est le feuilleton de Claretie en son dix-septième épisode ;

Germain Casse se plaint que les tribunes du public à « La Chambre » sont occupées par des femmes, il aime bien regarder les femmes, et puis, il n’est pas hostile à l’émancipation des femmes, mais quand même, les tribunes sont faites pour que les électeurs puissent surveiller ceux qu’ils ont élus, et donc ces femmes prennent des places auxquelles elles n’ont pas droit (encore quelques efforts à faire, camarade Casse, pour être révolutionnaire !) ;

Millière continue à disserter sur l’instruction publique et discute la liberté… du père de famille ;

des citoyens de Toulon envoient une couronne pour Victor Noir, une autre arrive du Mans ;

un poème monorime de L’Ingénu commence ses « Échos », la rime unique est « Rrran », bien adaptée puisqu’il s’agit d’un dîner chez Canrobert, surnommé Rran; la dorure du dôme des Invalides a coûté de quoi payer des nez en argent à tous les pensionnaires pendant trois cents ans ;

et puis il y a le duel Dubuc-Chabrillat ;

dans le « Bulletin social », la grève des mineurs de Waldenburg est terminée et Verdure dresse une liste de mouvements en cours ;

la Chambre syndicale des ouvriers mécaniciens de Paris intervient dans les « Communications ouvrières », l’un des signataires s’appelle Avrial; les chapeliers et les menuisiers du bâtiment sont là aussi ;

le compte rendu analytique est celui de la séance où Grévy a proposé l’amendement dont parlait Morot, ce qu’il a argumenté assez longuement ;

les deux souscriptions continuent à recueillir des dons.

Je garde quelques-unes des informations de la page 3.

Notre ami Dubuc, revenu avant-hier soir du Creuzot, nous a priés hier de nous entendre avec les témoins de M. Chabrillat. C’est ce que nous avons fait ce matin, et il en est résulté la rencontre dont nous rendons compte ci-dessous.

Signé : G. Flourens, A. Humbert.

Le 3 février 1870, il a été convenu entre MM. le docteur Menessier et Georges Pradel, témoins de M. Chabrillat, et MM. Gustave Flourens et A. Humbert, témoins de M. Achille Dubuc, qu’une rencontre aurait lieu.

La rencontre a été fixée pour le même jour, à 5 heures du soir, au Vésinet, sur le champ des courses.

L’arme choisie a été l’épée.

Il a été convenu que les témoins et le médecin seraient juges de la gravité des coups, et arrêteraient le duel lorsqu’ils le jugeraient à propos.

Signé : Gustave Flourens. Dr Ch. Menessier. A. Humbert. Georges Pradel.

La rencontre entre MM. Chabrillat et Dubuc a eu lieu, à 5 heures, au Vésinet.

À la première passe, M. Dubuc a reçu une blessure en pleine poitrine, au-dessous de la septième côte, à vingt centimètres du sein droit [ça fait beaucoup, non?].

Les témoins ont immédiatement déclaré l’honneur satisfait.

Le sang a coulé avec abondance.

L’état du blessé, qui a été ramené à son domicile par ses témoins et M. le docteur Menessier, n’offre aucun danger.

Les deux adversaires ont fait preuve de la plus grande loyauté et du plus grand courage.

Signé : Gustave Flourens. Dr Ch. Menessier. A. Humbert. Georges Pradel.

Honneur, loyauté, courage… quelle ânerie ! Et combien commune ! Germain Casse dirait sans doute que c’est une remarque de femme… J’ajoute qu’il y a eu des suites juridiques, Dubuc a été mis hors de cause, Chabrillat a été condamné à six jours de prison et chacun des quatre témoins à trois. Voir le Figaro du 18 mars. Et Passons aux choses sérieuses.

BULLETIN DU MOUVEMENT SOCIAL

Nouvelles des grèves

La grève des mineurs de Waldenbourg (Prusse), annonce le Réveil, est terminée.

Les ouvriers qui, au nombre de 7,000, avaient quitté les mines, se sont vus dans l’obligation de reprendre leurs travaux. Comme le fait justement observer la Gazette du peuple, il était facile de prévoir qu’une pareille masse de travailleurs ne pourraient pas, pendant des mois entiers, subvenir à leur entretien et à celui de leurs familles au moyen des seuls subsides qu’ils pouvaient recevoir du dehors.

Néanmoins, la grève de Waldenbourg a, une fois de plus, affirmé le développement du principe de solidarité chez les travailleurs de tous pays et l’abandon de ces haines absurdes de nation à nation que les despotes et les exploiteurs cherchaient avec tant de soin à entretenir parmi les classes malheureuses.

La Gazette de Vienne annonce que les ouvriers imprimeurs de Lemberg se sont mis en grève le 24 janvier. Tous les journaux ont été forcés de suspendre leur publication.

Les typographes de Pesth et de Bude [c’est-à-dire de Budapest] manifestent également l’intention de cesser prochainement le travail.

On dit que les associations de typographes de ces deux villes se sont adressées aux Sociétés allemandes de la même profession, principalement celles de Vienne, de Stuttgart et de Munich, les informant de leur intention et les invitant à prévenir tous leurs membres qu’ils ne doivent, en aucun cas, aller remplacer à Pesth et à Bude, leur camarades grévistes. — Émile Richard.

En France, la féodalité industrielle continue à se montrer de plus en plus impitoyable devant les plus légitimes réclamations des travailleurs qu’elle exploite.

Les ouvriers de la Maison du bon Dieu (Pohte-Perrard) de Reims se sont mis en grève, aujourd’hui, à 10 heures du matin.

On nous annonce comme imminente une grève parmi les ouvriers graveurs en taille douce de Paris.

Les imprimeurs sur étoffes du Rhône et des départements voisins persévèrent dans leurs réclamations et les patrons dans leur résistance. La grève des imprimeurs dure depuis trois mois.

Comme celles des ouvriers mégissiers et tisseurs sur canevas de Paris, la grève des layetiers [voir les journaux du 25 décembre et du 5 janvier — les layetiers fabriquent des caisses en bois] de Marseille va aboutir à la création d’une société coopérative de production, au moyen d’un capital formé par actions populaires d’un franc.

Au Creuzot, Schneider, Capital et Cie continuent leurs représailles : 70 ouvriers déjà sont renvoyés ; on pense qu’il y en aura plus de 300.

Les bâtiments de la mairie vont être transformés en caserne, pour recevoir le 68e qui doit, dit-on, y tenir garnison.

Les ouvriers renvoyés et quelques autres créent une association coopérative pour constituer des ateliers de fonderie, forge et chaudronnerie ; ce champ d’asile du travailleur libre ne peut manquer de réunir de vives et nombreuses sympathies.

Il est question que les deux cent mille membres composant les sociétés parisiennes souscrivent pour chacun cinq francs à cette grande entreprise ouvrière.

A. VERDURE

Communications ouvrières

Chambre syndicale des ouvriers mécaniciens de Paris

C’est par des actes plutôt que par des discours qu’on peut aujourd’hui remédier aux crises sociales. La Ricamarie et Aubin sont des crises, des catastrophes, le Creuzot aussi.

Nous disons donc : des actes, des actes.

Les ouvriers mécaniciens adhérents à la chambre syndicale, réunis en assemblée générale au nombre de plus de deux mille, le dimanche 30 janvier, ont voté à leurs frères du Creuzot un secours immédiat de deux cents francs et des félicitations pour l’attitude énergique, calme et digne, qu’ils ont montrée devant les procédés autocratiques et les provocations insensées de l’exploiteur Schneider.

Les ouvriers mécaniciens engagent immédiatement à suivre leurs exemples toutes les corporations ouvrières de Paris et de la France.

Les maîtres, les rois de toutes espèces ne dominent les peuples que parce que nous sommes isolés de cœur et d’intérêt.

Groupons-nous en faisceaux compacts à l’ombre du drapeau de l’égalité.

Plus de sauveur, plus de providence, plus de ces institutions qui, sous les noms pompeux de préservatrice, de prévoyance, de retraite, etc., ne sont autre chose que des armes données à nos adversaire pour mieux nous mâter et nous asservir.

Faisons nos affaires nous-mêmes, prenons résolument en main la gestion de nos intérêts ; c’est nous qui sommes le droit et la justice. Unis et solidaires, nous serons à notre tour, et quand nous voudrons, LA FORCE !

Paris, le 30 janvier 1870. La commission des syndics,

Haan, Avrial, Édouard Martin, Larrogat, Léon Meneran, A. Dumond, Alexandre Rigault,

J. Vauvilliers, A. Garnier, Al. Martin, A. Coudrier, Antoine, Du Gaucqui, Renaud, Vigreux.

N.B. — Des listes de souscriptions sont ouvertes pour venir en aide aux ouvriers que la haine vient d’expulser des ateliers Schneider et Comp.

H. E.

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La morceau de code du duel en couverture est extrait d’une image venue de Gallica, là.

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Le journal en entier et son sommaire détaillé, avec la Question sociale ressaisie, sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).