Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

55. Dimanche 13 février 1870

Rochefort est toujours à Pélagie, dit Barberet qui assume aussi le rôle de secrétaire de la rédaction ;

le complot existe encore, écrit Dubost, qui nous apprend que Cournet et Razoua, du Réveil, ont été arrêtés « la nuit dernière » ;

Ulric de Fonvielle a été mis en liberté, pourquoi il ne le sait pas plus que pourquoi il avait été arrêté ;

Arthur de Fonvielle livre des « Impressions d’un nomade » (tout est relatif) ;

les nouvelles de Paris ont causé des troubles à Marseille ;

il y aura un numéro spécial dimanche prochain ;

dans les « Nouvelles politiques », je retiendrais bien celle d’O’Donovan Rossa, mais il y aussi la grève des ouvriers typographes de Pesth et les informations fausses que donne la Presse sur l’emprisonnement à Pélagie ;

le journal, le nôtre, la Marseillaise, est déjà sous le coup d’une assignation à comparaître pour le numéro d’hier ;

merci pour toutes les lettres de soutien reçues ;

je retiendrai aussi le menu du dîner de l’Hôtel de Ville le 10 février, nous n’avons pas de maire, mais nous avons des fins gourmets, et nous avons toujours L’Ingénu ;

beaucoup de plaintes de personnes arrêtées ;

la revue de presse, toujours signée A. Ranche, relève les articles de soutien… et aussi les non-articles ;

Victor Lefebvre, le conférencier-laboureur (voir le journal daté du 7 février), se plaint que sa prochaine réunion soit ajournée ;

les communications ouvrières reprennent, la Marmite ira très bien avec le dîner de l’Hôtel de Ville ;

des réunions publiques sont annoncées ;

dans le compte rendu analytique, la discussion sur les archives continue au Corps législatif, le gouvernement est interpellé sur les travaux publics ;

les « Faits divers », infanticides et autres, reprennent ;

les souscriptions Victor Noir et Creuzot aussi ;

encore une condamnation pour Flourens (et d’autres) pour refus d’obéir aux injonctions de dissolution d’une réunion publique ;

toujours des annonces pour la Libre pensée et la salle d’armes ;

Barberet signe même les annonces théâtrales.

NOUVELLES POLITIQUES

L’Angleterre vient de nous donner un pendant de l’affaire Rochefort.

Le district de Tipperary (Irlande), avait élu à une forte majorité M. O’Donovan Rossa, chef fenian, condamné aux travaux forcés à perpétuité. [voir le journal daté du 8 janvier]

M. Gladstone, chef du cabinet anglais, a proposé au Parlement l’exclusion de M. O’Donovan Rossa — exclusion qui a été adoptée par 301 voix contre 8.

On voit que des deux côtés du détroit on a un égal respect du droit de suffrage.

E. MOROT

ÉCHOS

Voulez-vous maintenant savoir comment on mange à l’Hôtel de Ville ? Voici le menu du 10 février :

Potages

Tortue. — Consommé aux quenelles printanières.

Relevés

Saumon sauce crevettes. — Faisan truffé à la Toulouse.

Entrées

Suprême de poulardes au karie. — Quenelles de bécasses à la duchesse. — Jambons d’York à la tyrolienne. — Filets de bœuf aux tomates farcies. — Queues d’écrevisses à la Chevreuse. — Chauxfroids d’ortolans.

SORBETS ITALIENS

Rots

Dindes truffées, sauce Périgueux. — Pâtés de foie gras. — Cailles rôties sur croustades. — Galantines de Bartavelles.

Entremets

Truffes au champagne. — Artichauts à l’italienne. — Suédoises de pommes. — Asperges en branches. — Brioche mousseline à la Victoria. — Gâteaux des îles.

DESSERTS

Fruits, raisins, ananas, compotes, pâtisseries, etc.

VINS

Madère frappé. — Pontet-Canet. — Château d’Ijan. — Château d’Yquem frappé. — Romanée-Chambertin. — Rudesheimer. — Xérès. — Champagne frappé. — Pichon-Longueville. — Château-Larose. — Porto-Malaga.

Quel appétit, messieurs ! Si cela continue, les armes de la ville de Paris seront : Fourchette d’agent sur champ de gueules.

L’INGÉNU

Communications ouvrières

La Marmite, société civile de consommation,

rue Larrey, n°8

Citoyens,

Les adhérents de la Société civile la Marmite, rue Larrey, n°8, se réuniront en assemblée générale, dimanche prochain 13 février à neuf heures précises du matin, au petit amphithéâtre de l’École de Médecine.

Nous faisons un appel énergique à tous les travailleurs ayant conscience de leurs droits, nous les invitons à se joindre à nous.

La spéculation a suivi nos premiers essais et s’en est émue ; elle avait prévu des revers et elle s’afflige de notre succès ; ses journaux et ses défenseurs combattent à outrance toutes nos tentatives d’émancipation ; ils nous crient pour nous détourner de l’association : L’idée coopérative ne peut se développer en France, cela ne peut s’allier à notre caractère.

Citoyens ! nous sommes heureux de pouvoir répondre par un démenti formel, par un exemple indiscutable, de pouvoir démontrer aujourd’hui que l’intérêt collectif est la seule base, la sauvegarde de l’intérêt individuel, et après dix-huit mois d’exercice, dix-huit mois d’épreuves nous venons dire à notre tour et dire bien haut : La coopération n’est plus à l’état de théorie, mais un fait acquis résolu par l’expérience !!

L’exploitation sur les denrées alimentaires s’était entretenue de cette belle illusion de pouvoir trôner en souveraine sur les consommateurs, de pouvoir à sa guise faire la hausse et la baisse, agioter sans pudeur et se gorger à nos dépens.

Travailleurs !! nous devons répudier le rôle de dupes, échapper à cette spéculation qui prétend rogner les plus clair de nos gains, qui, en échange de nos peines et de notre travail, nous donne une nourriture malsaine et insuffisante.

La Marmite, citoyens, résout le problème de l’alimentation au meilleur marché possible et à mesure que la coalition des travailleurs s’accentuera, à mesure que nous détruirons ces impôts iniques, absurdes, que les parasites ont élevés sur les produits de notre consommation.

Citoyens, nous comptons sur vous.

Salut et fraternité.

Pour le conseil d’administration de la Marmite

G. BERTIN

La secrétaire NATHALIE LEMEL

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L’image de couverture est un gros plan sur… la couverture de la bédé Des graines sous la neige, dessinée par Laëtitia Rouxel sur un scénario de Roland Pichon. 

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Le journal en entier et son sommaire détaillé sont ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).