Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

101. Jeudi 31 mars 1870

Arthur Arnould, chargé de la direction politique de la Marseillaise en l’absence de Rochefort et Barberet, gérant, ne peuvent toujours pas communiquer avec Rochefort ;

« Le Sénatus-consulte », ainsi se nomme l’éditorial dudit Arnould, quant au Sénatus-consulte, il dit

La Constitution ne peut être modifiée que par le peuple sur la proposition de l’empereur.

une formulation qui mérite d’être appelée « mauvaise plaisanterie » et qui mérite aussi toute l’ironie du journaliste ;

un « comité central radical de la 3e circonscription du Rhône » soutient Ulric de Fonvielle et le fait savoir, le candidat leur répond, les démocrates de Tours et ceux de Tarare sont de la partie eux aussi ;

je garde l’article d’Alphonse Humbert sur « Le Complot » ;

il y a des nouvelles politiques, autour du Sénatus-consulte et de la Chambre, et en particulier de la peine de mort, on apprend aussi que Barberet va être condamné pour avoir publié les portraits des agents qui ont déposé dans le procès de Tours (voir le journal daté du 27 mars, je vous avais dit qu’on en reparlerait) ;

Collot revient sur les huées qui ont accueilli le professeur Tardieu dans son amphithéâtre de médecine légale ;

pour la rédaction, le « rédacteur en chef par intérim », Arthur Arnould, remercie chaleureusement les démocrates de Tours, qui ont accueilli les journalistes dans leurs maisons et les ont aidés pendant le procès ;

le texte complet du sénatus consulte suit (l’article 5 est bien celui cité par Arnould dans son éditorial ;

le « Bulletin du mouvement social » nous apporte des informations de la chambre syndicale du travail des ouvriers peintres en bâtiment, de la Marmite et de la grève du Creuzot (voir ci-dessous) ;

A. de Fonvielle part pour Lyon soutenir la candidature de son frère et joint une lettre de Cluseret, qui arrive trop tard pour le procès de Tours mais réduisait à néant les affirmations d’un des « témoins » ;

il y a des « Échos » ;

le 5e article d’Antoine Arnaud sur « La Question des chemins de fer » ;

les réactions au procès de Tours continuent à alimenter la revue de presse, mais elle contient aussi une lettre de Garibaldi publiée dans le Rappel, et ironise sur la façon dont la Patrie rend compte des mésaventures de Tardieu ;

les « Communications ouvrières » annoncent la formation d’une section de l’Association internationale des travailleurs dans le quartier Saint-Denis, c’est à Jules Johannard qu’il faut s’adresser, la chambre syndicale des ouvriers boulangers va se réunir salle de la Marseillaise pour discuter des moyens de réformer le travail de nuit (une question dont on n’a pas fini de parler), les ouvriers mécaniciens se réuniront, eux, à Belleville ;

il y aura des réunions publiques ;

dans les « Tribunaux », notons l’interdiction du Sans-Culotte, un journal éphémère, les assignations à comparaître contre le gérant du Jocko et des Gueux, même remarque, on juge aussi une belle affaire criminelle, retour à la presse, Charles Hugo et Albert Barbieux, du Rappel, qui ont commis le délit d’offense à la personne de l’empereur dans un article sur le procès de Tours, sont assignés à comparaître, vendredi ce seront Delescluze et Barberet, mais aujourd’hui ce seront ceux de la Réforme, Malespine, Douvet, Vermorel et Clément… ;

il y a des listes de souscription ;

des théâtres ;

sachez encore que la Bourse est médiocre aujourd’hui.

LE COMPLOT

Encore une bévue de M. Bernier — décidément, c’est une gageure.

Tous les journaux annoncent que ce naïf instructeur vient d’ordonner de nombreuses arrestations — toujours le grand complot ! — de que des mandats d’amener ont été lancés contre les citoyens Blanqui et Félix Pyat.

Les citoyens Blanqui et Félix Pyat n’avaient donc point été jusqu’ici compris dans les poursuites ?

M. Bernier convient aujourd’hui que l’idée de leur faire jouer un rôle dans la grande affaire qu’il est chargé de machiner lui est venue seulement il y a deux jours ! — C’est un aveu précieux. — Tenons-en bonne note.

Ainsi, M. Bernier ne songeait point encore à l’arrestation du citoyen Blanqui quand il disait à Rigault, — il y a de cela plusieurs semaines : — « L’instruction n’a relevé contre vous d’autres charges que cette lettre qui vous signale comme agent de Blanqui. Mais cela est suffisant. »

Ainsi M. Bernier ne songeait point encore à l’arrestation du citoyen Félix Pyat quand, à la même époque, il affirmait à Brunereau et à Robert que l’instruction se trouvait en mesure de prouver leurs relations avec Pyat et voyait dans ce fait la preuve de leur participation à l’attentat du 8 février.

On s’explique difficilement comment Rigault, Villeneuve et leurs amis ont pu être coupables en agissant au nom de Blanqui, — si Blanqui était innocent.

On ne saurait comprendre comment Brunereau, Robert et autres agents de Félix Pyat ont pu éveiller l’attention du parquet et mériter d’être retenus préventivement, quand Félix Pyat, leur chef, n’était l’objet d’aucune poursuite.

De deux choses l’une :

Ou M. Bernier n’avait aucune raison de garder dans les cellules de Mazas les citoyens Rigault, Villeneuve, Brunereau, Robert, etc., et alors il a illégalement et arbitrairement privé de leur liberté des citoyens innocents, auquel cas il doit être poursuivi et puni conformément à la loi.

Ou M. Bernier avait bien réellement, pour les retenir en prison, les motifs qu’il alléguait dans l’instruction, et alors il a manqué à tous ses devoirs ; — il est coupable d’avoir tardé deux mois à ordonner l’arrestation des citoyens les plus dangereux et les plus compromis, et, dans ce cas, il doit être destitué.

Ce n’est pas à nous de prononcer. Nous nous contentons de signaler au procureur général cette inexplicable conduite d’un magistrat. C’est au chef du parquet qu’il appartient maintenant d’agir.

ALPHONSE HUMBERT

La grève du Creuzot

La grève des mineurs du Creuzot continue sans incidents nouveaux. M. Schneider paraît résolu à refuser toute concession, et, de leur côté, les ouvriers, forts de la justice de leur cause, semblent déterminés à tous les sacrifices plutôt que d’accepter une transaction humiliante ou sans portée.

Des souscriptions en leur faveur s’organisent dans Paris. Nous pensons que les travailleurs des autres villes suivront cet exemple, et prouveront ainsi aux exploiteurs capitalistes que l’heure approche où ils devront compter avec les exploités.

A. VERDURE

*

Après le cortège des lithographes, celui des boulangers (incluant les boulangères…), ouvriers (incluant les ouvrières) et patrons (le masculin n’est pas neutre), à Strasbourg en 1840, pour la couverture de cet article. Il vient aussi de Gallica, là.

*

Le journal en entier, avec son sommaire détaillé est ici (cliquer).

Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).