Comme annoncé dans les articles 1 (automne 1869), 2 (Rochefort), 3 (Varlin), 4 (les journalistes et la Commune) et comme présenté dans l’article 0 (Demain), voici la Marseillaise, quotidien, quotidiennement.

Attention, c’est un journal du matin, mais il est daté du lendemain.

104. Dimanche 3 avril 1870

Dimanche prochain, c’est-à-dire demain, une chanson de Mathieu ;

aujourd’hui encore la séquestration de Rochefort ;

qui a envoyé ses « Fantaisies politiques » toujours sous le nom de Dangerville et sous le titre « Les fausses menaces » ;

Germain Casse vante les qualités de Louis Andrieux, encore jeune (mais qui a de l’avenir) qui s’est effacé devant Ulric de Fonvielle dans la troisième circonscription du Rhône ;

le « Courrier politique » d’Arthur Arnould, sous le titre « La démission », s’attaque à « la gauche » parlementaire ;

Morot rend compte d’une réunion d’une loge de Londres qui, en présence de Flourens, a voté une adresse de sympathie à Rochefort ;

les « Nouvelles politiques » de Francis Enne contiennent, dans leur partie « Intérieur », vingt-neuf nouveaux mandats d’amener « décernés » par Bernier ;

Barberet reproduit, avec, probablement, jubilation, une affiche placardée dans les faubourgs qui met en demeure le gouvernement de licencier l’armée et de diminuer les impôts avant le 10 avril, faute de quoi, il y aura grève générale ;

Collot raconte la suite des aventures du professeur Tardieu, toujours conspué à l’École de médecine ;

arrestation de Marotteau [sic] (voir ci-dessous) ;

dans le « Bulletin du mouvement social », après la grève du Creuzot (voir ci-dessous), les ouvriers argileurs mineurs de la banlieue de Paris ont posé une question intéressante et Varlin était là pour les aider à y répondre (idem), des sociétés ouvrières à Lille, Roubaix et Armentières ;

c’est toujours de la même adresse de Haymarket (voir le journal daté du 29 mars) que Flourens écrit à Fonvielle et qui emplit la courte « Tribune militaire » ;

Morot informe que le Droit des femmes vient d’ouvrir une souscription pour la fondation d’une Bourse Victor Noir dans un collège municipal parisien pour un enfant du peuple, cela semble en effet plus intelligent que de fonder un monument, je ne résiste pas à citer la fin du commentaire :

Aujourd’hui que les femmes réclament leur affranchissement, elles doivent prendre leur part des luttes et des sacrifices de la démocratie.

je passe « Les Journaux » par manque de place ;

ainsi que les « Échos » ;

les « Communications ouvrières » sont aujourd’hui pour l’association générale de l’enseignement libre et laïque, l’assemblée générale des employés de la boucherie, la chambre syndicale des ouvriers selliers, celle des ouvriers menuisiers du bâtiment, celle des ouvriers et employés horlogers et des employés des bronzes de la bijouterie et de l’horlogerie, la société de crédit mutuel des ouvriers marbriers ;

il y a des réunions publiques ;

pas mal d’annonces ;

un compte rendu analytique ;

ce sont à nouveau la Marseillaise elle-même, la Réforme et le Réveil qui occupent les « Tribunaux », ainsi que la fausse réunion privée (voir le journal d’hier) ;

je vous garde un petit bout de « La Rampe », qui accompagne comme toujours les souscriptions, « La Bourse » et les théâtres.

Avant-hier soir, à six heures, M. Marotteau [sic, je corrige dans la suite], ex rédacteur du Faubourg, a été arrêté au moment où il entrait dans la rue du Croissant.

M. Maroteau avait été, il y a trois semaines environ, condamné par la septième chambre correctionnelle à huit mois de prison, en raison d’un article intitulé Lettre à M. le président de la septième chambre et publié dans le numéro 3 du Faubourg.

Cette arrestation est-elle justifiée ? Nous allons examiner cette question.

Le jugement a été rendu par défaut, et n’a point été signifié à M. Maroteau qui attendait cette signification pour former opposition. La procédure n’ayant pas suivi son cours régulier, le jugement n’étant point définitif, il n’y avait donc pas lieu de mettre l’arrêt à exécution.

C’est donc une nouvelle jurisprudence que nous devons à la sollicitude de M. le garde des sceaux pour tout ce qui touche au droit et à la justice.

M. Maroteau, escorté de deux agents, a été conduit directement, sur sa demande, à Pélagie, où il a été écroué.

Aussitôt que notre confrère fut entré, M. le directeur l’a mandé dans son cabinet et lui a fait signer l’opposition au jugement correctionnel dont la teneur a servi de prétexte à cette étrange arrestation.

Nous suivrons les détails de cette affaire.

E. MOROT

BULLETIN DU MOUVEMENT SOCIAL

La grève du Creuzot

La situation paraît plutôt s’aggraver que s’améliorer au Creuzot. Hier, quelques mineurs ont été appelés chez M. Biauzar [Gaultier de Biauzat], ingénieur en chef de l’usine. Un grand nombre de grévistes, dans la pensée qu’il pouvait être question d’une communication favorable, s’empressèrent de se rendre aux bureaux de la mine et y apprirent, contrairement à leur attente, que l’autocrate Schneider daignait les aviser par la bouche de son ingénieur que, plus que jamais, il était résolu à leur refuser toute augmentation, toute concession. De plus, il engageait les mécontents à faire régler leur compte et les informait qu’il était bien décidé à appeler des ouvriers étrangers.

Les mineurs se sont retirés en silence et rentrèrent bientôt tranquillement chez eux, bien déterminés, eux aussi, à persister dans leurs légitimes réclamations.

D’après Paris Journal, des groupes considérables se seraient formés à Autun dans la journée d’hier et auraient menacé de délivrer les prisonniers. Quatre grévistes détenus ont été relâchés, sans qu’on les ait même interrogés. La troupe a dû intervenir, pourtant l’ordre n’a pas été sérieusement troublé.

Des ordres ont été envoyés partout à l’effet d’opérer l’arrestation des grévistes contre lesquels des mandats d’arrêt ont été lancés. Les gardes-champêtres de Saône-et-Loire, particulièrement, sont invités à exercer la plus active surveillance, et l’on dit même que M. Schneider serait disposé à leur accorder une prime par chaque prisonnier qu’ils lui amèneraient.

Toutes ces rigueurs insensées, toutes ces mesures provocatrices, ne parviendront pas à faire sortir les grévistes de la voie calme et digne qu’ils ont suivie jusqu’ici.

Elles ne feront qu’accroître pour ceux qui en sont victimes, l’estime et les sympathies publiques.

À Paris, des souscriptions sont ouvertes dans toutes les sociétés ouvrières, et la Chambre fédérale du travail organise pour la semaine prochaine une série de conférences où des collectes seront faites au profit des grévistes.

À Marseille, où le Peuple avait déjà ouvert une souscription dans le même but, la Chambre fédérale ouvrière vient d’adresser aux travailleurs l’appel suivant, que nous nous faisons un devoir de reproduire :

Les travailleurs du Creuzot, blessés dans leur dignité, insultés dans leur conscience, se sont mis de nouveau en grève.

À côté de la « question sociale » se lève la « question humanitaire. »

Des familles entières se trouvent sans ressources, supportant ainsi les premiers frais de la lutte qui s’est engagée entre le petit peuple et la grande bourgeoisie.

Il appartient à tous les travailleurs qui épousent la cause du droit et de la justice, qui veulent empêcher absolument qu’une nouvelle féodalité ne s’implante dans notre société, au mépris des principes sacrés de la Révolution, d’apporter leur obole.

La gêne est partout dans notre classe, et c’est encore le denier du prolétaire qui doit sécher plus d’une larme, adoucir plus d’un douleur.

La solidarité nous en fait un devoir impérieux.

L’un des secrétaires,

Combe

Les trésoriers ad hoc,

Durbec, Perras, Toussaint

Les souscriptions seront reçues au siège de la Chambre fédérale, rue Dauphine, 5, au premier, tous les soirs, de neuf à dix heures et demie.

À Genève les mêmes sentiments de solidarité et de fraternité animent les ouvriers en faveur de leurs frères du Creuzot. Les ouvriers peintres sur émail nous informent qu’ils viennent de s’imposer chacun une cotisation hebdomadaire d’un franc pendant tout le temps que durera la grève des mineurs.

M. Schneider menace de faire appel aux ouvriers étrangers. Nous espérons que les mineurs des autres pays aideront leurs collègues du Creuzot, mais qu’ils se garderont bien de les aller remplacer.

Les ouvriers argileurs mineurs

Les ouvriers argileurs mineurs de la banlieue de Paris se sont réunis mardi soir, en une première assemblée générale, dans le but de constituer une société de solidarité pour la défense de leurs intérêts.

L’unanimité avec laquelle les membres de la profession avaient répondu à l’appel du comité d’initiative, ayant prouvé surabondamment que tous comprenaient la nécessité de se grouper pour pouvoir discuter efficacement avec les patrons des conditions du travail ; afin de ne pas perdre de temps, le projet de statuts, élaboré par le comité d’initiative, a été mis en délibération et adopté séance tenante, après quelques modifications.

Une discussion très intéressante a été soulevée par un article du projet de statuts, quoique cet article ait déjà été résolu de la même manière dans toutes les sociétés ouvrières. Voici cet article : « Les ouvriers argileurs mineurs seuls pourront faire partie de la société. »

L’un des membres présents, qui dans quelques jours doit entreprendre des travaux à son compte a demandé à ses camarades s’il pourrait continuer de faire partie de la société en versant toujours sa cotisation et même en la doublant, s’il était nécessaire, sans avoir jamais rien à réclamer par lui-même, bien entendu.

Cette question, posée par un collègue qui paraissait réunir la sympathie de tous, a embarrassé un instant l’assemblée, plusieurs citoyens, qui ont pris successivement la parole sur cette question, auraient bien voulu ne pas repousser un ami, tout en reconnaissant qu’il était bien difficile de faire autrement.

Le citoyen Varlin, délégué de la Chambre fédérale, a mis fin à cette démission [discussion] en faisant comprendre à l’assemblée que, malgré toute la sympathie qu’on peut avoir pour un collègue, dès qu’il devient patron, il est impossible de le maintenir dans la société attendu que nos sociétés, ayant pour objet de s’occuper exclusivement des intérêts des ouvriers, elles ne peuvent pas admettre ni conserver dans leur sein des personnes dont les intérêts sont essentiellement différents, sinon opposés. Ce qui n’empêche pas de conserver toute sa sympathie, et même son amitié, à un ancien camarade devenu patron, tant que celui-ci n’oublie pas son passé et traite avec ses ouvriers comme il désirait qu’on traitât avec lui lorsqu’il était lui-même ouvrier.

Après la discussion et l’adoption des statuts, le citoyen Varlin a développé les avantages et même la nécessité qu’il y a pour les sociétés de se fédérer entre elles afin de s’assurer leurs concours réciproques dans la lutte qu’elles ont à soutenir contre le capital, et l’assemblée a déclaré unanimement qu’aussitôt la société définitivement constituée, elle se fédérerait avec les sociétés ouvrières des autres professions.

Une nouvelle assemblée aura lieu mardi prochain pour nommer le conseil d’administration et constituer définitivement la société.

VERDURE

LA RAMPE

extrait

M. Coppée est un poète qui a de la chance !

La princesse Mathilde vient de se faire réciter, par Mmes Favart et Agar, les Deux douleurs, la nouvelle œuvre de l’auteur du Passant.

La princesse Mathilde a daigné se montrer satisfaite.

Victor Hugo, l’illustre maître, n’aura jamais le bonheur de faire lire ainsi ses poésies inédites devant une cousine de l’empereur.

Victor Hugo souffre bien de cela.

Du courage, maître, je conçois que vous ayez du chagrin ; mais souvenez-vous que vous avez le peuple pour applaudir vos chefs-d’œuvre ; ses applaudissements valent bien ceux d’une princesse du sang.

JULES CIVRY

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Le portrait de Mademoiselle Agar en « Marseillaise » est dû à André Gill, il est paru pendant la guerre, le 28 août 1870, dans l’Éclipse, que l’on trouve sur Gallica, là

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Un glossaire actualisé quotidiennement se trouve ici (cliquer).