Si, comme nous l’avons vu dans le premier article de cette série, elle a participé à la Commune à l’égal de beaucoup d’autres femmes (et hommes), après son procès et sa répercussion dans les journaux, la figure de « Louise Michel, icône de la Commune », est inventée.

Les premiers articles qui lui sont consacrés dans la presse, disons, pour faire simple, de gauche, nous les avons déjà lus, dans L’Égalité de Genève (sous la plume je pense d’Émilie Noro) dès le 24 décembre 1871 et dans Le Radical de Paris (sous celle de Gustave Puissant), le 23 janvier 1872.

Si quelqu’un a bien compris ce qui s’était passé pendant ce procès, c’est bien, et pour une fois je suis en plein accord avec lui, Victor Hugo. Voyez son poème Viro Major:

Tu disais: J’ai tué! car tu voulais mourir.
Tu mentais contre toi, terrible et surhumaine.
Judith la sombre juive, Arria la romaine,
Eussent battu des mains pendant que tu parlais.
Tu disais aux greniers: J’ai brûlé les palais!

En effet, elle n’avait rien brûlé. Et en effet elle mentait. Contre elle, et pour innocenter les autres. Sur Le Cri du peuple, on l’a vu. Mais pas seulement.

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Comme je l’ai annoncé dans un des articles précédents, je reviens sur la question de l’Union des femmes. Je ne connais aucune relation de Louise Michel avec cette organisation — qui a joué un rôle important pendant la Commune. Comme je l’ai dit, elle même n’en parle jamais. Son livre La Commune contient, pages 193 et 194, des listes de femmes, que comptèrent « les armées de la Commune », des cantinières, les femmes des comités de vigilance, « celles de la Corderie et des écoles », celles qui organisent l’instruction. C’est « la Corderie » qui compte pour l’Union des femmes, sans doute, et les femmes qu’elle nomme sont: « Lemel, Dmitrieff, Leloup ». Le nom (estropié, mais c’est sans doute de la faute de l’éditeur) d’Elisabeth Dmitrieff réapparaît p. 233:

Drapeau rouge en tête, les femmes étaient passées; elles avaient leur barricade place Blanche: il y avait là Elisabeth Dmihef, Madame Lemel, Malvina Poulain, Blanche Lefebvre, Excoffons.

Il me semble qu’elle se démarque assez clairement de ces femmes (il s’agit de la barricade des femmes et de l’Union des femmes). Elle en profite pour démarquer aussi André Léo, dans la phrase suivante:

André Léo était à celles des Batignolles.

Non seulement l’Union des femmes n’est pas mentionnée, mais le nom d’Elisabeth Dmitrieff n’apparaît jamais dans les Mémoires de 1886. Il est à peine dans une liste semblable à celle citée plus haut dans les Mémoires de 1890.
Mais je me trompe peut-être… j’ai entendu (avec surprise) l’été dernier une historienne expliquer, dans une émission de France Culture, que Louise Michel aimait beaucoup Elisabeth Dmitrieff, et même préciser que ce n’était pas à cause de Marx mais à cause du nihilisme.

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Merci à Claude Rétat, non seulement pour ses éditions des Mémoires de Louise Michel, mais aussi pour ses réponses à mes questions.

Livres cités

Hugo (Victor)Toute la lyre, in Œuvres inédites de Victor Hugo, Hetzel & Quantin (1886-1893).

Michel (Louise), La Commune Histoire et souvenirs, La Découverte (1999), — À travers la mort: mémoires inédits, 1886-1890, édition critique par Claude Rétat, La Découverte (2015), — Mémoires 1886, édition établie, présentée et annotée par Claude Rétat, Folio (2021).

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Je finis par citer le texte qui accompagne l’image (par J. Blass) de Louise Michel que j’ai trouvée au musée Carnavalet et recadrée pour la mettre en couverture de cet article et que j’ai choisie parce qu’on ne la voit pas souvent.

Le Pélican / Louise Michel
C’est le pélican blanc qui se perce le front pour nourrir ses enfants!… Quant au pélican socialiste pelicanus loïsa michel charentonis, non seulement il se perce le flanc pour nourrir les pauvres « ouverriers », mais encore et surtout il ouvre le flanc des bourgeois et des patrons, afin que ses protégés puissent se repaître de leurs entrailles.

Cela date de 1889, c’est dû à Léo Taxil, dans une série « La ménagerie républicaine », Charenton, sur l’image comme dans le pseudo latin du texte est un raccourci pour un « asile de fous ».