Et voici ce que peut-être vous attendez: le procès de Louise Michel, devant le sixième conseil de guerre, le 16 décembre 1871.
Ceci est donc le premier d’une série d’articles consacrés à Louise Michel et à son procès.
Il n’est absolument pas vrai qu’elle est, comme on le lit souvent, « la principale figure féminine du mouvement » de la Commune — c’est d’ailleurs ce genre d’appréciation qui a fait disparaître les autres « figures féminines ». C’est ce procès, en ce mois de décembre, qui fait d’elle une héroïne.
Pendant la Commune, on en a fort peu parlé.
Nous l’avons vue apparaître, sur ce site, quelques fois, dans la presse pendant le siège prussien, où elle a signé lettres, proclamations et articles (voyez notamment nos articles du 11 septembre, du 23 septembre, du 3 octobre, et ne ratez pas l’énervement de L’Univers dans l’article du 20 novembre).
Elle est moins présente dans la presse pendant la Commune. Une petite recherche sur le site (cher, mais efficace, même si probablement pas exhaustif) Retronews, du 18 mars au 31 mai, donne exactement seize occurrences du nom de Louise Michel, toutes entre le 8 avril et le 6 mai, qui se réduisent en fait à une petite dizaine, dont voici la liste:
- L’Affranchi du 8 avril l’a vue se battre à Issy,
il paraît qu’elle est légendaire
dit, avec quelque prémonition, cet article, qui est reproduit par La Sociale (même date). Le Père Duchêne du 10 (rappelons que Le Père Duchêne et La Sociale ont des rédactions très proches) signale « la brave citoyenne Louise Michel » — ça tombe bien, c’est dans ce numéro qu’il annonce la naissance de la fille de Maxime Vuillaume.
- Elle est mentionnée,
Louise Michel, Mme de Rochebrune et bien d’autres,
dans l’article « Toutes avec tous » d’André Léo dans La Sociale du 12 avril, et cet article paraît aussi dans Le Rappel daté du 13. C’est en réponse à cet article que Félix Belly (vous vous souvenez, celui des « Amazones de la Seine »), écrit au Rappel et mentionne donc à son tour (dans Le Rappel du 14 avril)
les Eudes, les Rochebrune, les Louise Michel et toutes nos jeunes cantinières.
Elle est signalée, dans la même compagnie, dans Le Vengeur et dans La Commune du 12 avril.
Et voilà déjà huit apparitions du nom « Louise Michel » dans la presse. Voyons les autres.
- Elle a été blessée au fort d’Issy et à la cheville (ce n’est qu’une entorse), annoncent La Commune, Le Cri du peuple et La Montagne datés du 14.
- Le même jour, dans le même Cri du peuple, c’est notre amie la veuve Leroy qui félicite André Léo pour son article « Toutes avec tous », elle associe André Léo avec
les citoyennes Louise Michel, de Rochebrune, et quelques autres
(et Marie Leroy propose sa participation).
- Dans La Sociale du 17 avril, un article consacré à la citoyenne Eudes (qui fait la couverture de cet article) voit apparaître Louise Michel dans sa conclusion:
la citoyenne Eudes, jointe aux citoyennes Louise Michel et Rochebrune, a voulu combattre.
- Le 25 avril, Le Père Duchêne dit qu’elle est venue le voir et qu’elle
fait le coup de feu contre les jean-foutres de Versailles.
C’est sans doute la même visite — mais aux rédacteurs de La Sociale — qu’annoncent « les ambulancières volontaires de la Commune » —
elles viendront, en passant, vous serrer la main.
C’est la seule signature de Louise Michel (avec Fernandez, Goullé, Poulain, Quartier, Dauguet) publiée pendant cette période. Voir, donc, La Sociale du 25 avril.
- Sa dernière apparition est dans — encore — un article d’André Léo dans La Sociale, le 6 mai, celui sur les neuf ambulancières.
On aura remarqué qu’elle n’apparaît dans aucun journal bourgeois, ou versaillais, si vous préférez.
Et que les articles d’André Léo forment une part importante de cette petite récolte… ce qui nous rappelle que Louise Michel n’est, comme elle le dit à ses juges « qu’une femme » et que, comme telle, elle est invisible — sauf si une autre femme parle d’elle.
Enfin, que son nom apparaît le plus souvent avec d’autres. La présence de Mme de Rochebrune est frappante. J’ai failli me mettre en colère en regardant la notice que le Maitron en ligne consacre à cette femme (août 2021). Je me permets d’ajouter que cette peut-être héroïne oubliée s’appelait peut-être Françoise Joséphine Godebska. Et aussi qu’un articulet paru dans Le Rappel du 22 avril contredit la présence d’une « Mme de Rochebrune » au combat…
Même si cette « recherche » par Retronews n’est peut-être pas exhaustive, elle montre bien que, comme la lecture assidue de la presse et des diverses sources l’indique, ce n’est pas pendant la Commune que Louise Michel est devenue une vedette, une icône, mais pendant ce procès, dont je vais parler dans la suite de ces articles.
À suivre, donc
*
On a davantage parlé de Victorine Louvet, la femme d’Émile Eudes, dont il est question ci-dessus et dont je n’ai à peu près jamais parlé sur ce site. J’ai trouvé la photographie, attribuée à Appert (mais quand a-t-il bien pu photographier cette femme, qui n’a jamais été emprisonnée?), à l’IISG d’Amsterdam, là.
Le renseignement sur Mme de Rochebrune vient de l’acte de décès de François Rochebrün, ou Rochebrun, ou Rochebrune, tué à Buzenval (et que nous avons rencontré dans les articles des 19 et 21 janvier derniers) et qui n’était peut-être pas marié. Merci à Maxime Jourdan pour m’avoir envoyé, à l’époque, cet acte.